Observatoire médias des élections européennes

Confrontations Europe et la Fondation Jean Jaurès lancent ce 23 mai l’Observatoire médias des élections européennes 2024, en partenariat avec l’INA, Onclusive et Quotaclimat. Cette étude montre un repli important du traitement médiatique des élections européennes en France, avec un angle particulièrement franco-français. 

L’Europe est souvent un sujet peu exploité par les rédactions françaises. Le traitement des élections européennes du 9 juin 2024 (8 juin en Outre-mer) ne fait malheureusement pas exception. Pire, les médias français traitent moins ces élections que les précédentes de 2019. C’est ce que montre l’Observatoire médias des élections européennes lancé ce jeudi 23 mai par Confrontations Europe et la Fondation Jean Jaurès, en partenariat avec l’INA, Onclusive et Quotatclimat.

La couverture médiatique des élections européennes était variable ces dernières années mais on observe un repli de 30% du « bruit médiatique” en 2024 par rapport à 2019. Cette notion de bruit médiatique allie la mesure de l’audience et la durée d’exposition d’un contenu média en vue de mesurer sa visibilité par le public ainsi que son poids dans l’information. Cela permet de pondérer une apparition dans le JT de 20h de TF1 qui a bien plus de retentissement qu’en plein milieu d’après-midi sur France Info, par exemple.

Pourtant, l’action de l’Union européenne durant cette mandature a été largement commentée, que ce soit pendant la pandémie de coronavirus ou la guerre d’invasion russe en Ukraine. Les Français sont les Européens qui se sentent les moins bien informés sur les questions européennes selon les eurobaromètres successifs. Cette tendance risque de ne pas  s’inverser avec le faible traitement médiatique des élections européennes de juin 2024, pourtant cruciales pour l’avenir du continent pour ces prochaines années.

Les têtes de liste françaises sont peu connues des citoyens et ont été relativement peu mentionnées dans les sujets de journaux télévisés et radios nationales du secteur privé pendant ce mandat, à l’exception du candidat du Rassemblement national, Jordan Bardella. Celui-ci ne s’est pas fait connaître pour son action au Parlement européen, où il est inexistant dans les commissions parlementaires dans lesquelles il siège. Il est surtout apparu en tant que numéro deux de son parti pour s’exprimer sur des sujets non européens. A l’inverse, les autres têtes de liste ont très peu été citées mais elles l’ont été sur des sujets européens. La mention de Marie Toussaint, d’EELV, est ainsi apparue deux fois et Valérie Hayer, de Renaissance, une fois pendant ce mandat. Rapahël Glucksmann, de Place Publique/PS, et François-Xavier Bellamy, des Républicains, sont plus apparus en 2019 car ils étaient déjà tête de liste aux précédentes élections.

Cette faible exposition médiatique des têtes de listes françaises pendant le mandat est peut-être un frein à leur exposition médiatique pendant ces élections par les journalistes qui les connaissent peu et, en grande majorité, ne connaissent pas bien le fonctionnement et les prérogatives du Parlement européen et de l’Union européenne dans leur ensemble. Ces personnalités politiques ne sont pourtant pas hostiles aux passages médiatiques. Elles se trouvent toutefois peu invitées par les médias audiovisuels car ceux-ci traitent très peu des enjeux européens et ne pensent pas à inviter des élus européens pour les commenter. Ce cercle vicieux aurait pu être inversé avec le traitement à la hausse des élections européennes de 2019. Cela n’a pas été le cas et augure un mauvais présage sur le traitement médiatique français de la prochaine mandature.

Le traitement médiatique français est également biaisé car il traite ces élections essentiellement du point de vue franco-français sans tenir compte des enjeux européens. En effet, la médiatisation est particulièrement centrée sur l’actualité et les protagonistes français de la campagne. Les têtes de listes au niveau européen sont complètement absentes de la campagne telle que vue par les Français dans les médias généralistes. Ursula von der Leyen, tête de liste pour le Parti populaire européen (centre-droit), n’a fait l’objet que de 24 mentions en lien avec le scrutin sur la période, soit une présence dans moins de 1 % des 3 647 sujets et publications analysés. Cette dernière se trouve pourtant être l’actuelle Présidente de la Commission européenne et est bien plus connue que son prédécesseur, Jean-Claude Juncker. Trois Européens sur quatre connaissent l’actuelle Présidente de la Commission européenne. Cette invisibilisation des têtes de listes européennes masque l’enjeu véritablement européen de la campagne. Peu importe que le Rassemblement national soit le premier en France d’après les derniers sondages, il ne figurera pas dans le premier groupe politique représenté au Parlement européen et a peu de chance de faire partie de la coalition au pouvoir. Il apparaît ainsi que la plupart des médias français préfèrent traiter ces élections comme un scrutin intermédiaire par rapport à l’élection présidentielle de 2027.

Les sujets principaux traités sur la période étudiée concernent les candidats, les équilibres et positionnements des différentes listes ainsi que le temps fort qu’a constitué le discours de la Sorbonne 2. Preuve que ce scrutin est surtout traité sous l’angle national, les soutiens partisans des différentes listes sont très présents et empêchent parfois la visibilité de leur propre tête de liste. Les mentions d’Emmanuel Macron représentent 11% des contenus diffusés ou publiés par les 117 médias étudiés en rapport avec les élections européennes, alors que la tête de liste de son parti, Valérie Hayer ne représente que 9%. Si celle-ci se mesure par rapport au Président de la République, il faut aussi préciser qu’elle est tête de liste pour la première fois. Manon Aubry l’était déjà en 2019 mais n’arrive pourtant pas à dépasser la présence médiatique de Jean-Luc Mélenchon avec 2% des contenus diffusés.

Les principaux thèmes traités par les médias dans le cadre des élections européennes sont sans surprise : la guerre d’invasion russe en Ukraine, l’immigration et l’asile, le pouvoir d’achat et les enjeux climatiques. À eux quatre, ces thèmes occupent 20 % du bruit généré par la campagne des élections européennes dans la période étudiée. Les deux premiers occupant beaucoup plus de place, 7% chacun, tandis que les deux autres n’occupent que 3% du bruit médiatique total de la campagne.

Le traitement de ces élections européennes par les médias est donc décevant car moindre qu’en 2019 malgré l’intérêt croissant des Français et des Européens pour l’UE, notamment du fait de la pandémie de Covid-19 et de la guerre d’invasion russe en Ukraine. Il est également essentiellement franco-centré et ne prend pas en compte l’aspect européen de la campagne. Cet état de fait  ne risque pas d’améliorer la position de la France, dernière au rang des pays dont les citoyens sont  les moins bien informés sur les questions européennes. Il reste à espérer que ce traitement médiatique se renforce et gagne en profondeur à deux semaines du scrutin européen qui s’annonce déterminant pour l’avenir de certaines des politiques européennes les plus clefs.


Enquête « Les médias et l’actualité 2023 », Eurobaromètre flash, Parlement européen, novembre 2023.

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