Par Anastasiya Shapochkina, Eastern Circles et Hanna Shelest, Ukrainian Prism
Dans la perspective du sommet de Washington en juillet, l’OTAN prépare la « Mission pour l’Ukraine », qui comprend une aide militaire de 100 milliards de dollars sur cinq ans et une reprise des livraisons d’armes, effectuées aujourd’hui par le groupe de Ramstein. Si cette initiative est qualifiée de « sans précédent » par la presse occidentale, elle reflète également la crainte de l’Ukraine que l’OTAN ne substitue l’argent au véritable prix: une invitation à l’adhésion. Cette dernière serait du même ordre que la décision politique prise par l’UE, l’hiver dernier, d’entamer des négociations d’adhésion.
En fait, le paquet financier renforce une appréhension antérieure des experts ukrainiens de défense, à savoir que les nombreux accords bilatéraux de sécurité signés ces dernier mois avec l’Ukraine serviront de « prétexte » à l’Occident pour esquiver com plètement la question de l’adhésion à l’OTAN.
En outre, l’aide financière et militaire crée une voie à sens unique où l’Ukraine est un cousin pauvre de l’Europe et des États-Unis, tandis que Kyiv s’efforce de créer l’image d’un partenaire industriel militaire à la recherche de projets conjoints qui renforceraient ses capacités de défense à court
“Les munitions et les systèmes de défense aérienne restent les besoins les plus immédiats de l’Ukraine et sont de moins en moins approvisionnés. C’est pourquoi l’initiative tchèque était une preuve de soutien bienvenue pour Kyiv.”
terme, sa souveraineté et son rôle de gardien de la sécurité européenne à long terme. Pour tant, malgré le nombre croissant de déléga tions de l’industrie militaire et de protocoles d’accord entre les entreprises de défense ukrainiennes et occidentales, seule Rheinmetall a signé un accord de production en Ukraine.
Les munitions et les systèmes de défense aérienne restent les besoins les plus immé diats de l’Ukraine et sont de moins en moins approvisionnés. C’est pourquoi l’initiative tchèque, après la réunion de Weimar en mars, soutenue par plusieurs États de l’UE, pour trouver et financer 800000 obus d’artillerie, y compris en dehors de l’UE, était une preuve de soutien bienvenue pour Kyiv. D’autant plus que les États-Unis sont restés inactifs depuis le mois d’octobre dernier. Il en va de même pour la dernière initiative du Parlement européen début avril, menée par l’Eurodéputé et ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, qui vise à bloquer la mise en œuvre du budget du Conseil jusqu’à ce que davantage de missiles Patriot soient livrés à l’Ukraine.
Du même ordre d’importance que les munitions et la défense aérienne pour l’Ukraine est l’implémentation des sanctions occiden tales contre la Russie, qui sont aujourd’hui si impuissantes que les fusées et les drones fabriqués par Moscou sont remplis à ras bord de composants occidentaux. Au lieu de cela, le 22 mars, jour où l’Ukraine a subi l’attaque de missiles et de drones russes la plus lourde à ce jour, neutralisant la moitié de son infrastructure énergétique, les États-Unis ont passé un appel téléphonique « historique » à Kyiv pour demander à Zelensky de mettre fin aux bombardements des raffineries russes.
À la veille du sommet de Washington, ce que l’Ukraine craint le plus, c’est le flou de Vilnius, quand les États-Unis se cachent derrière le dos de l’Europe. La politique de la « porte ouverte » ne répond pas aux aspirations de l’Ukraine, car Kyiv sait trop bien que les portes peuvent s’ouvrir pour aérer la pièce, sans laisser entrer personne. La rhétorique selon laquelle l’Ukraine ne deviendra membre de l’OTAN qu’après la fin de la guerre est également inac ceptable pour Kyiv, car elle était utilisée par la Russie, depuis 2014, pour faire durer la guerre indéfiniment. Ce que l’Ukraine recherche, c’est l’adhésion à l’OTAN, et non une nouvelle forme de partenariat, une « opportunité renforcée » ou tout autre langage ambigu. C’est la diffé rence entre une promesse et un engagement, et un test pour l’Alliance, surveillé de près par Moscou et Pékin.
(1) Par Anastasiya Shapochkina, Eastern Circles, d’après les commentaires d’Hanna Shelest, Prism Ukraine, lors de la conférence « Securing Ukraine – Securing Europe », organisée par Eastern Circles – Maison de l’Europe – Prism Ukraine et Ukrainian Center for Defense Strategy Analyses, le 18 mars 2024 à Paris.
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