EDITO – Michel Derdevet

LA REVUE #136.

Dans un petit plus d’un an, les 450 millions de citoyens européens voteront directement, comme ils le font tous les cinq ans depuis juin 1979, pour élire les 705 femmes et hommes qui siègeront jusqu’à la fin de la décennie au Parlement européen.

Plus que jamais sans doute, ces élections européennes de 2024 s’annoncent comme un moment clé pour la démocratie européenne, car il s’agira d’élire un Parlement qui est la seule institution de l’Union élue directement par les citoyens, et que de l’équilibre politique issu de cette élection, dépendra celui de la présidence de la Commission européenne. Et nous voyons bien à quel point, dans les crises de «gouvernance» que traversent en ce moment les États membres et l’Union elle-même, cette expression directe des citoyens est précieuse.

Nous aurons l’occasion, dans nos publications à venir, de rappeler les grands chantiers qui s’annoncent à l’aune du «quinquennat» européen à venir; mais pourquoi ne pas souligner dès à présent, la qualité des travaux menés jusqu’ici par cette Assemblée parlementaire, qui exerce aujourd’hui trois pouvoirs fondamentaux : législatif, budgétaire, mais aussi contrôle politique de la Commission européenne?
Devenu au fil des Traités co-législateur, avec le Conseil de l’Union européenne, le Parlement européen s’est, de l’avis de tous, imposé comme un acteur central et responsable de l’édifice, intervenant désormais dans plus de 85 domaines de compétence.
Sauf exception prévue par les Traités, un texte ne peut pas aujourd’hui être adopté en cas de désaccord persistant entre lui et le Conseil. Est-ce que cela paralyse le processus démocratique? Nullement. Au contraire, le dialogue «obligé», à l’intérieur du Parlement, entre groupes politiques de sensibilité différente, et à l’extérieur entre institutions, génère de manière récurrente des compromis et des consensus, qui sont le sceau d’une vraie démocratie, et qui produisent des textes équilibrés, reflétant les attentes du plus grand nombre et de ceux qui acceptent le débat.

Lorsque nous défendons, partout en Europe «l’État de droit», ce sont les fondamentaux de ce fonctionnement démocratique qui sont soutenus, fruit d’une patiente construction de
plus d’un quart de siècle.

Sachons donc valoriser le formidable chemin accompli depuis 1979, grâce à des élus notamment français – visionnaires. Je pense bien sûr à Simone Veil ou Nicole Fontaine, grandes Présidentes de l’institution, mais aussi à des acteurs de premier plan tels que Pervenche Berès, Alain Lamassoure, Elisabeth Guigou, Jean Arthuis ou Catherine Trautmann, sans oublier, bien sûr, notre ami Philippe Herzog.
Au-delà, quelles ambitions politiques le projet européen doit-il incarner? Doit-on reprendre les conclusions, riches, de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe et, par exemple, aborder demain ensemble, en modifiant les traités, les questions de santé, de défense ou d’énergie? Ou doit-on, au contraire, rester dans un équilibre «inter-institutionnel» préservant les compétences étatiques dans un certain nombre de domaines stratégiques? Et demeurer dans une construction européenne pesée au trébuchet, dépendante des urgences (sanitaires, militaires, énergétiques, …) qui lui sont imposées?
Quelles que soient les réponses apportées à ces différentes options, qui animeront le débat politique et les «confrontations» des mois à venir, deux exigences me semblent s’imposer aujourd’hui à nous, Français: fort du succès de la Présidence française de l’Union, nous devons, avec détermination, continuer à fixer le cap et, par exemple, souligner que le « Green Deal » ne saurait être atteint en 2050 si l’on exclut, par principe, tel ou tel type de production d’électricité décarbonée, ce qui est la tentation de certains. Pour autant, l’Europe n’est pas une «France en grand», et si l’on souhaite ne pas se retrouver de facto dans des postures obsidionales, le dialogue et l’ouverture vers les autres doivent rester, dans tous les domaines, le moteur permanent de notre influence européenne. En ce sens, l’écoute et la recherche patiente du compromis sont aussi, sans doute, les meilleurs gages d’une France forte dans une Europe puissante. « Qui parle sème, qui écoute récolte», Pythagore.

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