Les Quatre de Visegrad ne forment pas un bloc

Martin MICHELOT

Directeur adjoint du think tank Europeum (Prague)

Très souvent stigmatisés à Bruxelles ou dans les médias des différents États membres, les pays de Visegrad ont le sentiment, 15 ans après leur entrée dans l’Union européenne, d’être mal ou peu compris. Les discussions autour du futur budget de l’Union leur permettront-elles de réaffirmer leur attachement à l’Europe ?

Les pays de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) continuent à payer, dans l’opinion publique occidentale, un lourd tribut dû à leur opposition frontale au plan de relocalisation obligatoire des réfugiés à l’été 2015 institué par la Commission européenne. Ce défaut de solidarité doit, dans la perspective des discussions sur l’avenir de l’Union, être nuancé afin de ne pas tomber dans les écueils consistant à penser le V4 comme un groupe uni dans ses perspectives européennes.

Aujourd’hui, il s’avère que l’unité du V4 sur les grands enjeux européens est une exception plutôt que la règle. Les dirigeants à Prague et Bratislava ont bien rappelé dernièrement que le V4 n’est qu’un format de coalition parmi d’autres permettant à leurs pays de défendre leurs intérêts, et non pas un format privilégié. On assiste par ailleurs à un renforcement important de dialogues stratégiques avec l’Allemagne et l’Autriche, pays avec lesquels le V4 partage des perspectives communes sur les questions migratoires, mais aussi avec les pays scandinaves et du nord de l’Europe, tenants d’une orthodoxie budgétaire (et hors de la zone euro) que partagent aussi les 4 de Visegrad. La France ne reste pas en dehors de ces discussions, et a dans cette perspective grandement bénéficié des effets anticipés du retrait britannique en revenant dans le jeu en Europe Centrale, région stratégique dans la mise en œuvre d’une « Europe qui protège », surtout sous son volet économique et social. Le Président Macron s’est fermement opposé à la Pologne et la Hongrie, dont les démêlés avec la Commission européenne contribuent à forger cette image problématique du V4. Dans ce contexte, la République tchèque et la Slovaquie tendent à se tenir à l’écart du groupe de Visegrad.

Populations pro-européennes

Ce n’est donc pas le V4, en tant que groupe structuré, qui réintégrera les quatre pays au sein du concert européen, mais bien un dialogue structuré avec les grands pays. C’est bien là la demande des quatre, qui, presque 15 ans après leur intégration au sein de l’Union, aspirent – légitimement – à un traitement d’égal à égal. La crise migratoire de l’été 2015, au cours de laquelle les pays du sud, en particulier la Hongrie, ont joué un rôle de premier plan, a renforcé auprès des sociétés civiles le sentiment que la région avait agi pour le bien de l’Europe, et a accentué l’incompréhension suscitée par les réactions véhémentes de Bruxelles. Le fait que l’UE soit sur le point d’adopter le concept de « solidarité flexible », émis lors du Sommet de Bratislava de septembre 2017, et que l’Autriche, la France et l’Allemagne aient infléchi leurs politiques migratoires ont confirmé les pays du V4 dans leur position.

Dans ce cadre, les discussions sur le prochain Cadre pluriannuel financier s’avèrent d’une grande importance. Les propositions du Président Macron, et celles de la Commission, visant à réformer la Politique Agricole Commune et les fonds de cohésion, dont les pays du V4 sont d’importants bénéficiaires, seront ardemment débattues. Il sera crucial ici de ne pas s’en tenir à une rhétorique consistant à lier la disponibilité des fonds à la position politique de ces pays, comme cela a pu maladroitement être fait pendant la crise migratoire. Les pays de Visegrad considèrent avoir accepté de faire d’importantes concessions en ouvrant leurs économies et leurs marchés en l’échange de leur entrée dans l’UE, ce qui a obéré le développement de leurs propres industries. Pour les dirigeants du V4, les fonds de cohésion sont perçus comme un mécanisme compensatoire nécessaire – de la même manière que la France a longtemps conçu la PAC comme un instrument compensatoire des effets du marché unique. Par ailleurs, les pays du V4 ont appuyé la hausse du budget européen afin de permettre le financement des nouvelles priorités (sécurité et défense, éducation, migration) et ont ainsi créé un socle commun favorable aux discussions autour du futur budget de l’UE.

Ce sont ces discussions qui permettront de forger un avenir en commun qui inclut le V4. Car même si les politiciens se servent, de manière ingénue, de l’UE comme d’un épouvantail, les populations dans leur majorité continuent de se sentir pro-européennes et satisfaites de l’appartenance de leur pays à l’UE. Le prochain défi des décideurs du V4 sera de convaincre leurs électeurs de ne pas considérer l’UE comme une simple perspective économique mais de leur donner envie de participer à une destinée commune.

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