Transformation économique de l’UE : Investir dans les compétences et les technologies

Odile Renaud-Basso, Présidente de la BERD

Comme beaucoup de citoyens dans le monde, nous avons été choqués à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) par l’agression injustifiée de la Russie contre l’Ukraine. La BERD a un rapport particulier à l’Ukraine : nous y avons notre plus grosse équipe avec plus de 100 personnes, c’est un de nos principaux pays d’opération avec 16 Mds€ investis depuis 30 ans, son développement est au cœur du mandat de la banque : accompagner les pays dans leur transition vers la démocratie et l’économie de marché.

Créée en 1991 à la chute de l’Union soviétique, la BERD n’a eu de cesse de déployer son énergie et son expertise pour arrimer les pays d’Europe centrale et orientale au modèle démocratique et libéral, en finançant des projets dans le secteur privé et en soutenant des réformes économiques ambitieuses. Cette transition a été un succès dans de nombreux pays avec pour consécration leur intégration dans l’Union européenne à partir de 2004. Et les populations de la plupart des autres pays du bloc soviétique, dans les Balkans, en Europe orientale, dans le Caucase, expriment leur aspiration à rejoindre l’Union européenne, à voir la démocratie se renforcer toujours plus et à donner plus de liberté au secteur privé. L’Ukraine a été un exemple de cette dynamique ces dernières années, avec le soutien actif de la BERD, et sa résistance aujourd’hui contre l’agression russe nous oblige. La guerre qui déchire le pays, affecte tant de vies et génère tant de destructions est aussi une attaque contre nos valeurs et le modèle de société que nous portons. C’est pourquoi la BERD a immédiatement répondu présent aux côtés des Ukrainiens et des pays voisins qui accueillent des millions de réfugiés fuyant la guerre avec un programme d’investissements de 2 Mds€ pour soutenir les services essentiels et l’économie réelle. Et nous nous engagerons pleinement dans la reconstruction du pays.

Mais cette guerre ne touche pas seulement l’Ukraine. En propulsant les prix de l’énergie et des produits agricoles essentiels à des niveaux historiques, elle a des répercussions économiques mondiales. Alors que les économies émergentes se remettaient tout juste des lourdes conséquences de la pandémie de Covid-19, elles sont de nouveau touchées de plein fouet. Cela représente un enjeu majeur pour l’ensemble des pays d’opérations de la BERD, sur les pourtours de la Méditerranée, du Maroc à la Turquie, et jusqu’en Asie centrale et en Mongolie. Là aussi, nous ne faillirons pas à notre mission. Nous serons là pour soutenir nos partenaires et les aider à faire face au choc économique, qui aff ecte de manière disproportionnée les plus vulnérables. Mais aussi à poursuivre leur transformation, renforcer leur résilience et tirer parti des opportunités que la situation actuelle peut créer.

Car, paradoxalement, la succession de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine génère des possibilités nouvelles pour le voisinage de l’Europe dans lequel la BERD opère.

La perturbation des chaînes de valeur mondiale, suite à la pandémie, remet la sécurité d’approvisionnement au centre du jeu et conduit les entreprises européennes à se reposer la question de la localisation de leur production. Les pays proches de l’Europe, qui ont une bonne compétitivité-coût, une main d’œuvre de qualité, un cadre juridique transparent et un environnement des affaires solide peuvent tirer leur épingle du jeu et attirer des investissements productifs additionnels. C’est tout l’enjeu sur lequel la BERD s’engage à leurs côtés : accélérer leur transformation économique pour tirer les bénéfices de cette réorganisation des chaînes de valeur, grâce à des réformes ambitieuses et des investissements dans les compétences et dans les nouvelles technologies.

Et la guerre en Ukraine donne une nouvelle actualité aux enjeux de sécurité énergétique pour l’Europe. La dépendance aux énergies fossiles représente une vulnérabilité pour beaucoup de pays. Sortir de cette dépendance était déjà un enjeu essentiel pour la protection du climat et l’atteinte des engagements de l’accord de Paris. C’est maintenant devenu un enjeu géostratégique urgent pour l’Europe. Cette nouvelle donne peut, là aussi, être une opportunité pour le voisinage de l’Europe, qui dispose souvent d’un potentiel exceptionnel pour les énergies renouvelables et pour le développement de nouvelles solutions énergétiques comme l’hydrogène vert. Un cadre règlementaire stable et transparent peut permettre d’attirer des investissements privés massifs dans ces domaines et permettre à de nombreux pays émergents de devenir les puissances énergétiques de demain. Le spectaculaire développement d’énergies renouvelables compétitives dans des pays comme la Grèce ou l’Égypte, avec le soutien de la BERD, le démontre : cette perspective n’est pas une fiction ; elle peut devenir rapidement une réalité.

Ces opportunités, il est du devoir de la BERD d’aider ses pays d’opérations à les saisir. Les tensions géopolitiques, exacerbées par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, ne doivent pas nous faire perdre de vue l’essentiel : le modèle démocratique et libéral, qui est au cœur du mandat de la BERD, reste le plus pertinent pour tendre vers la prospérité économique, partout dans le monde. À nous de nous assurer que cette prospérité est justement répartie, que le développement économique se fasse en harmonie avec la protection du climat et que les bouleversements technologiques bénéficient au plus grand nombre. Autant d’enjeux qui nécessitent des investissements massifs, qui dépassent de loin les seules capacités des États ou des organisations internationales. La mobilisation du secteur privé reste plus cruciale que jamais. Fidèle à ses valeurs depuis sa création il y a 30 ans, la BERD prendra toute sa part à ces transformations.

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