TRANSITION JUSTE – Pour un Pacte Vert solidaire !

Par Sarah Coupechoux, Chargée d’étude Europe

Hélène Denise, Chargée de plaidoyer et mobilisation à la Fondation Abbé Pierre, membre du Pacte du pouvoir de vivre (1)

En juillet, la Commission européenne pré-sentait sa stratégie européenne « Fitfor55 » dont l’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % à l’horizon 2030 par rap-port à 1990.

Ce nouvel objectif s’inscrit dans la droite ligne de l’Union européenne qui souhaite placer le continent à l’avant-garde de la lutte climatique. Pour cela, la Commission mise sur une refonte importante de son système législatif. Le bâti-ment représentant 36 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe, l’un des enjeux majeurs sera la rénovation massive du parc européen grâce à la « Renovation wave » alors que, pour l’heure, seul 1% des bâtiments européens sont rénovés par an.

Cette nouvelle stratégie élaborée par la Commission,  intervient  dans  un  contexte  de  forte tension économique, sociale et politique. En 2019, avant même la crise sanitaire, 72 mil-lions  de  personnes  vivaient  sous  le  seuil de pauvreté. Depuis, les pertes d’emploi, les difficultés rencontrées par les jeunes pour main-tenir leurs sources de revenus ou encore l’affaiblissement des ressources de l’économie informelle durant la pandémie, ont continué à creuser les inégalités entre les ménages, mais aussi entre les pays membres de l’UE. Depuis deux décennies, l’Europe fait également face à un manque criant de logements financièrement abordables. Les dépenses publiques pour le logement  ont  largement  chuté  dans  de  nombreux pays en Europe, les prix se sont envolés et  les  ménages,  notamment  les  plus  pauvres,  consacrent une part de plus en plus importante à  leur  dépense  de  logement  au  détriment  d’autres postes comme celui de l’alimentation ou de la santé. Enfin, les prix de l’énergie sont historiquement  élevés  et  devraient  continuer  à  augmenter  dans  les  prochains  mois,  venant  encore grever les budgets des ménages européens.

On estime que 55 millions de personnes souffrent de précarité énergétique en Europe, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas la possibilité de maintenir une température adéquate dans leur  logement,  ou  qu’elles  se  ruinent  pour  le  faire.  Cette  précarité  peut  être  le  fait  de  res-sources insuffisantes pour payer ses factures d’énergie,  mais  aussi  des  mauvaises  qualités  thermiques des logements habités, impossible à chauffer l’hiver, ou à refroidir l’été. 

En plus d’agir efficacement pour le climat, le  Pacte  vert  de  l’Europe  est  l’occasion  pour  l’Union européenne de sortir par le haut de ces difficultés. En effet, la rénovation des logements énergivores est une opportunité économique, sociale  et  politique  pour  l’Union  européenne.  Elle peut permettre d’améliorer considérable-ment les conditions de vie de nos concitoyens, à commencer par celles des plus démunis. Elle peut rendre du pouvoir d’achat aux ménages, en leur permettant de faire des économies sur leurs factures d’énergie. Elle peut améliorer leur santé,  et  réduire  les  coûts  sur  le  système  de  soins. Enfin, sa mise en œuvre sera génératrice d’emploi dans le secteur du bâtiment, de l’accompagnement et de l’innovation.

Mais pour que le Green Deal porte ses fruits tant sur le plan climatique que social, la rénovation  énergétique  des  logements  doit  devenir  un des grands chantiers de la décennie et il faut veiller à ce qu’elle ne profite pas seulement aux plus aisés.

ETS 2 : protéger les revenus et le pouvoir d’achat des ménages

Le  paquet  «  Fit  for  55  »  présenté  en  juillet  par la Commission comprend des propositions législatives et plusieurs initiatives concernant la révision  du  système  d’échange  de  quotas  d’émission (SEQE ou ETS en anglais) de l’UE, et notamment la mise en place d’un système dis-tinct d’échange de quotas d’émission pour les bâtiments (ETS 2). Ce système, en venant taxer les  énergies  de  chauffage  entrainera  mécaniquement  une  hausse  des  factures  d’énergie  pour  les  consommateurs,  qui  pour  certains  n’auront pas la possibilité de rénover leur loge-ment ou de changer leur système de chauffage.

La  mise  en  œuvre  de  ces  dispositions  ne  sera donc envisageable que lorsqu’un investissement  important  permettra  la  mise  en  place  de  mesures  effectives  pour  protéger  les  ménages défavorisés : un reste à charge nul après travaux  pour  la  rénovation  thermique  de  leur  logement  et  la  mise  en  place  de  mesures  de  compensations  suffisantes  pour  amortir  la  hausse des prix de l’énergie.

En l’état, le fonds dédié prévu par la com-mission  ne  suffira  de  toute  évidence  pas  à  couvrir les besoins des ménages concernés et à établir les « digues » sociales nécessaires pour ne pas aggraver une situation déjà tendue. 

Une directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments ambitieuse

La révision de la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments, pour être efficace d’un point de vue climatique dans les délais fixés par la Commission européenne, doit par ailleurs prévoir l’introduction de normes minimales de performance énergétique obligatoires. Elle doit, en outre, porter sur l’ensemble du parc : public comme privé, individuel ou collectif et surtout résidentiel. 

Ces standards seront indispensables à la mise en œuvre d’une vague de rénovation. Mais ils ne suffiront pas à garantir une vague de ré-novation  inclusive.  Pour  cela,  la  directive  doit  introduire des mesures priorisant la rénovation des immeubles les plus énergivores, insalubres et  dangereux  ou  occupés  par  des  ménages  pauvres, afin que les personnes victimes de précarité énergétique soient les premiers bénéficiaires de cette stratégie. Les rénovations doivent être globales et performantes afin de permettre  un  réel  changement  en  termes  de  confort et d’économie d’énergie.

Enfin, la future directive doit également encourager  vivement  les  États  à  prendre  des  mesures  protégeant  les  occupants  modestes  des phénomènes de gentrification sur les territoires dont le marché du logement est particulièrement  tendu.  Cela  peut  passer  par  l’impossibilité d’augmenter les loyers ou l’inter-diction  des  expulsions  après  réalisation  des  travaux.

Le Pacte du pouvoir de vivre — qui regroupe 65 organisations parmi les plus importants acteurs  des  solidarités  envers  les  plus  démunis,  de la protection de l’environnement, du monde du travail ou de l’économie sociale et solidaire —,  considère  que  ce  n’est  qu’à  ces  conditions  que l’Union européenne pourra se montrer à la fois solidaire et écologique, à l’écoute des générations à venir et des plus démunis. En per-mettant à chacun de vivre décemment dans le respect de la planète.

(1) Concernant les propriétaires, les restes à charge pour une rénovation globale restent importants en France par exemple. Les locataires quant à eux, ne décident pas de la rénovation du logement qu’ils occupent mais subiront tout de même l’augmentation de leur facture d’énergie.

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