Auteur : Benoît Thieulin
ancien président du Conseil national du numérique, membre de la section des affaires européennes et internationales du CESE (Conseil économique social et environnemental)
Benoît Thieulin, ancien président du Conseil national du numérique, revient sur les principales conclusions de l’avis qu’il a présenté en mars au CESE, préconisant, face à l’hégémonie des plateformes américaines (GAFAM) et bientôt de leurs concurrentes asiatiques (BATX), une politique de souveraineté européenne du numérique.
Si l’outil numérique est porteur d’avancées indéniables dans de nombreux domaines, la « révolution tactile » a conforté dans l’Union européenne la position des géants américains du Web (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – GAFAM) désormais talonnés par leurs homologues chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi – BATX). Cette position dominante conjuguée à des pratiques commerciales voire éthiques très éloignées des principes auxquels l’Union est attachée induit un enjeu majeur en termes de souveraineté. Pour l’UE, replacer la souveraineté au cœur de son modèle numérique, c’est à la fois rétablir et faire respecter les règles d’une concurrence libre et équitable et lutter contre l’injustice fiscale, garantir et conforter la liberté de consentement et la neutralité du Net, lutter contre les contenus illicites ou encore réduire la fracture numérique. Il s’agit aussi pour l’UE de faire émerger sa propre voie, renouant avec les principes d’un internet ouvert et décentralisé, en soutenant les acteurs européens du secteur, en préservant le recours au logiciel libre et en se positionnant sur des technologies prometteuses telles que le calcul à haute performance, l’intelligence artificielle, l’internet des objets ou encore la blockchain.
Les axes préconisés par le CESE
AXE 1 : Renforcer la régulation des plateformes numériques à l’échelle de l’UE
- Instaurer les conditions d’une concurrence équitable sur le marché́ numérique européen en accroissant les moyens de la Commission européenne en matière de lutte contre les abus de position dominante et en renforçant le travail de conviction et la construction d’alliances au niveau européen et international afin d’aboutir en 2020 à̀ l’adoption d’un régime fiscal commun des grandes entreprises du numérique.
- Prendre en compte l’impact social et environnemental des plateformes numériques au niveau de l’UE et dans les États membres en concrétisant au niveau européen l’intégration des travailleuses et travailleurs collaboratifs au socle européen des droits sociaux et en encourageant aux niveaux national et européen les initiatives visant à faire émerger des modes de production plus durables.
- Garantir le respect des principes et des valeurs de l’UE dans l’économie des données ainsi que la neutralité du Net en renforçant le principe de consentement libre et explicite des utilisateurs et utilisatrices à̀ la collecte et à̀ l’utilisation de leurs données personnelles et en confortant le régime juridique de responsabilité́ des plateformes.
AXE 2 : Favoriser l’émergence d’un écosystème conforme aux principes et aux valeurs de l’UE
- Mettre en place un environnement favorable à̀ un écosystème numérique ouvert en Europe en harmonisant la réglementation applicable au commerce électronique transfrontalier et en renforçant la coopération en matière de cybersécurité entre l’UE, ses États membres et ses partenaires stratégiques.
- Soutenir le développement du numérique européen en accélérant la couverture de l’ensemble du territoire européen par les réseaux en fibre optique à̀ très haut débit ainsi que par les ́réseaux mobiles de dernière génération, en définissant un socle européen commun de compétences et qualifications numériques, et en améliorant l’accès des jeunes entreprises européennes aux technologies numériques.
- Investir dans des solutions technologiques d’avenir afin de faire de l’UE d’ici 2020 un acteur majeur de l’économie des données en accélérant la mise en œuvre de l’initiative européenne sur l’informatique en nuage, en adoptant un paquet « intelligence artificielle et technologies de rupture », et en établissant au niveau européen les régulations fondamentales de l’usage des blockchains et des logiciels libres.
Notes de bas de page