ANALYSE – Pacte vert européen : quel rôle pour la Présidence française en 2022

Kadri Simson

Commissaire européenne à l’énergie

Le Pacte vert pour l’Europe, l’une des grandes priorités de la Commission européenne présidée par Ursula von der Leyen, a mis l’UE sur la voie de la neutralité carbone à l’horizon 2050, d’une manière juste et inclusive pour tous. Le secteur de l’énergie représentant les trois quarts des émissions de l’UE, il est au cœur de cette transition. Dans le même temps, toute décision visant à faire progresser les solutions en matière d’énergie propre doit prendre en compte nos principales priorités d’action: la sécurité énergétique et le caractère abordable et durable de l’énergie.

Comme si ce défi n’était pas suffisant, la pandémie de Covid-19 est venue ajouter d’im- portantes priorités à court et moyen termes à notre perspective à plus long terme. La Commission affirme toutefois catégoriquement qu’il n’y a pas nécessairement de contradiction entre les manières de répondre à ces deux crises mondiales. La reprise économique peut et doit être à la fois verte et solide. Elle est donc pleinement conforme au Pacte vert pour l’Europe. Grâce aux stratégies nationales et européennes pour la reprise et la résilience, nous pouvons atteindre plus rapidement certains des objectifs du Pacte vert, en particulier parce qu’ils sont synonymes de perspectives importantes en matière de création d’emplois dans des domaines tels que l’efficacité énergétique, l’utilisation efficace des ressources et les énergies renouvelables.

Pour atteindre nos objectifs, les investissements annuels dans la production et l’utilisation de l’énergie devront augmenter d’environ 350 milliards d’euros par an par rapport à ce que nous avons investi au cours de la décennie qui a précédé 2020. La plus grande part de ces investissements proviendra de sources privées mais, en tant que décideurs politiques, nous avons un rôle particulièrement important à jouer pour faire en sorte que les conditions d’investissement soient aussi favorables et harmonieuses que possible, et que les fonds publics soient utilisés là où les fonds privés seuls ne suffisent pas – par exemple, pour agir comme levier d’investissement ou couvrir des éléments structurels importants lorsque le retour sur le marché est difficilement prévisible.

Pour lutter contre l’incertitude économique générée par la pandémie, la Commission a annoncé l’an dernier un plan de relance historique qui va de pair avec un budget de l’UE renforcé pour les sept prochaines années. Cumulés, ils portent la capacité financière de l’UE à 1800 milliards d’euros, soit le plus gros budget de l’histoire de l’Union européenne. Dans ce contexte, 37% de la facilité pour la reprise et la résilience sont consacrés à des investissements axés sur le climat. Cet instrument est dès lors le plus important de l’UE pour la transition vers une énergie verte et il offre une occasion unique de reconstruire en mieux et d’investir dans notre avenir. Il est important de noter qu’il vient compléter les investissements prévus par le budget de l’UE pour la période 2021-­2027 dans des mesures structurelles, dans la recherche et l’innovation, y compris, pour ne donner qu’un exemple, un nouveau sous-programme « Transition vers une énergie propre» du programme LIFE doté d’un budget total de près d’un milliard d’euros sur sept ans. Il financera l’échange et le partage des meilleures pratiques au sein des États membres et entre ceux-ci, afin de renforcer les capacités et de fournir des outils pour mettre en place des cadres stratégiques et réglementaires propices.

Outre ce niveau de financement sans précédent de l’UE, la Commission entend définir le cadre stratégique nécessaire à l’échelle de l’UE, de manière cohérente dans l’ensemble des administrations publiques, qui facilitera notre transition vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. En 2020 déjà, nous avions présenté des initiatives spécifiques visant à stimuler la production d’hydrogène renouvelable et d’énergies renouvelables en mer, à réduire les émissions de méthane à relever le niveau de rénovation des bâtiments et à rendre notre système énergétique beaucoup plus flexible . Ces plans ayant été examinés avec les États membres et avec les députés au Parlement européen, la Commission œuvre à présent à la publication de propositions législatives sur la plupart de ces questions afin de les traduire en actes. La France exercera la présidence du Conseil au premier semestre 2022, c’est-à-dire à un moment crucial du processus de négociation, alors que nous cherchons à transformer les ambitions en actes législatifs de l’UE, de sorte que l’ensemble du continent avance dans la même direction dans la transition vers une énergie propre.

Qu’est-ce qui est donc prévu concrète- ment? Comme annoncé dans son programme de travail pour 2021, la Commission poursuivra la mise en place du plan cible en matière de climat à l’horizon 20306 au moyen de plusieurs propositions législatives visant à réviser la législation existante en matière d’énergie afin de parvenir à une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 %.  Le paquet «Ajustement à l’objectif 55», prévu pour juin, comprendra plus de 10 propositions législatives (allant de nouvelles règles en matière d’efficacité énergétique à un nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières  et à de nouvelles règles en matière de taxation de l’énergie) et les évaluations des 27 plans de relance préparés par les États Membres. D’autres propositions seront encore présentées avant la fin de l’année 2021.

Du point de vue de la politique énergétique, les dossiers clés seront les suivants:

  • révision de la directive sur les énergies renou­velables (juin 2021). L’objectif principal de la révision de la directive sur les énergies renouvelables est de répondre à notre nouvelle ambition climatique et de déterminer un nouvel objectif pour 2030, fixé actuellement à 32% (les évaluations en cours indiquent qu’il sera nécessaire de fixer comme objectif une part de 38% à 40% des sources d’énergies renouvelables). Elle couvrira également d’autres éléments relatifs à l’intégration du système énergétique, à l’utilisation de l’hydrogène et aux moyens d’encourager la production d’énergies renouvelables en mer ;
  • révision (refonte) de la directive sur l’efficaci­té énergétique (d’ici juin 2021). Elle se concentrera également sur le relèvement de l’objectif en matière d’économie d’énergie finale en 2030. L’objectif actuel est d’au moins 32,5%», la nouvelle ambition devrait se rapprocher de 36 % — 37 %. La révision de la directive sur l’efficacité énergétique soutiendra l’ambition la plus élevée en matière de climat ;
  • révision ciblée de la directive sur la perfor­mance énergétique des bâtiments (d’ici la fin de 2021). La décarbonation du secteur du bâtiment est essentielle étant donné que les bâtiments sont responsables de 40 % de la consommation totale d’énergie et de 36% des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie dans l’UE. Comme indiqué dans la communication sur la vague de rénovation, nous devrions viser un doublement du taux de ré- novation et une plus grande durabilité du secteur du bâtiment ;
  • révision du troisième paquet «Énergie» sur le gaz (directive 2009/73/UE et règlement 715/2009/UE) (d’ici la fin de 2021). L’objectif est de réglementer des marchés concurrentiels du gaz décarboné et d’encourager ainsi un changement concerté, grâce à une nouvelle initiative législative sur la réduction des émissions de méthane.

En outre, des travaux législatifs sont en cours sur la révision du règlement RTE­E. Présentée en décembre dernier, cette proposition vise à aligner nos règles en matière d’investissements structurels transfrontières sur notre ambition à long terme, qui consiste, par exemple, à arrêter de soutenir des projets gaziers ou pétroliers. Il reste à voir à quel rythme le processus de négociation interinstitutionnel avancera dans les mois à venir, mais si l’obtention du meilleur résultat possible est une question de temps, alors la présidence française jouera un rôle crucial dans la réussite de ce processus.

À elle seule, la législation en matière de politique énergétique occupera beaucoup la France pendant les six mois de sa présidence. Il y a lieu, cependant, d’envisager cette question également dans le contexte de la dynamique internationale en faveur de la décarbonation. La nouvelle administration américaine a claire- ment fait part de son intention de rejoindre les dirigeants de l’UE dans la lutte contre le changement climatique et est en train de montrer comment cela fonctionnera dans la pratique. J’espère, par ailleurs, que la COP 26, qui se tiendra cet automne, débouchera sur un pro- gramme international plus large. En établissant de nouvelles règles au niveau de l’UE, nous pouvons également jouer un rôle moteur dans l’approche adoptée par d’autres pays et régions dans le cadre de cet engagement.

Je veux croire que les propositions que nous publions cette année — et le soutien constant que nous recevons des États membres permettront la poursuite et l’accélération des changements en faveur d’une économie neutre en carbone d’ici un an, de sorte que la présidence française du Conseil au cours du premier semestre de 2022 puisse laisser une empreinte profonde sur la transition vers une énergie propre en Europe.

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