Augustin de ROMANET
Président-directeur général du groupe Aéroports de Paris
Difficile d’évoquer le trafic aérien, sa croissance et ses réussites sans saluer l’action de l’Union européenne dans des domaines aussi divers que la régulation, la sûreté, l’environnement… C’est ce que rappelle avec justesse et précision Augustin de Romanet, PDG du groupe Aéroports de Paris.
L’Europe est une promesse, celle d’un monde de plus en plus ouvert et de plus en plus responsable, qui fait écho à la promesse de l’aviation. Aussi, l’Europe, dont les institutions sont nées dans les mêmes années que l’industrie du transport aérien, a-t-elle toujours joué un rôle crucial, non pas seulement pour organiser et réguler ce marché, mais pour en accélérer la croissance. En effet, pour les aéroports, c’est toute l’action de l’Union européenne, de Schengen à Erasmus, en passant par l’Euro, qui a stimulé les liens et les échanges entre les populations européennes et apporté ainsi une contribution majeure à la croissance du trafic.
Nous avons célébré en 2017 le 25e anniversaire du marché unique européen de l’aviation, qui a été un succès. Ce « ciel unique » permet en effet aux compagnies aériennes de l’UE, sans limitation des droits de trafic à l’intérieur de l’UE, d’exploiter des vols vers n’importe quelle destination européenne, générant une nouvelle offre de liaisons plus denses et à meilleur marché. Ce phénomène nourrit une croissance qui ne se démentit pas : en 2017, le trafic passagers des aéroports des pays de l’Union a encore progressé de 7,7 % par rapport à 2016 et a atteint 1,6 milliard de passagers.
Pour se convaincre de l’importance de l’action de l’Union en la matière, il suffit d’imaginer les conséquences d’un retrait : c’est ce que nous vivons avec le Brexit. Alors que 53 % des passagers des aéroports britanniques sont à destination ou en provenance de l’UE 27, c’est toute cette architecture, au service des citoyens, qu’il nous faut préserver pour assurer la plus grande connectivité possible.
Mais l’Europe ne s’est pas arrêtée à la régulation de son espace intérieur : elle a également ouvert le ciel vers ses principaux partenaires. En effet, c’est ensemble, au niveau européen, que nous pouvons espérer avoir le poids nécessaire pour négocier les accords les plus bénéfiques aux aéroports européens. Ainsi, en 2017, nous avons aussi célébré le 10e anniversaire de la signature de l’accord de transport aérien entre l’UE et les États-Unis, “l’open skies”, qui bénéficie aux 800 millions de citoyens de part et d’autre de l’Atlantique.
« Stratégie aviation » à l’échelle de l’UE
L’Europe joue également un rôle essentiel pour développer une vision stratégique de long terme. Ainsi, en décembre 2015, la Commission européenne a adopté sa « stratégie aviation », afin de maintenir la compétitivité de l’industrie européenne du transport aérien. L’Europe doit créer les conditions favorables au “hub” d’envergure mondiale qu’est Paris, grâce en particulier à un cadre réglementaire stable et à des accords globaux, aux investissements dans les plateformes européennes, à leur développement et à leur connectivité, de manière à rivaliser avec les autres “hubs” d’Asie et du Moyen-Orient.
Le marché aérien ne se caractérise pas par sa seule croissance, il doit aussi faire face à des menaces, en particulier en matière de sûreté. Ainsi, l’Europe s’est engagée depuis longtemps pour assurer un haut niveau de sûreté et de sécurité avec l’appui notamment de l’AESA (agence européenne de sécurité aérienne), dont les normes font référence à travers le monde.
Au-delà de l’Union européenne, d’autres acteurs de l’aérien illustrent que c’est à l’échelle de l’Europe que l’on peut peser dans ce jeu mondial qui dessine la régulation internationale. Je pense notamment à l’ACI Europe, qui joue un rôle de relais des 600 aéroports européens qu’elle fédère dans 58 pays. En matière de sûreté, par exemple, c’est entre autres grâce à son action qu’une solution a été trouvée pour éviter, au printemps 2017, l’interdiction en cabine sur les vols à destination des États-Unis des appareils électroniques. En matière environnementale également, elle est à l’origine du programme ACA (Airport Carbon Accreditation) qui permet aux aéroports de mesurer et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, conformément aux engagements en matière de développement durable.
Au total, dans une industrie aérienne par définition interconnectée et transnationale, l’Europe, à travers les institutions européennes et au-delà, est déterminante pour définir ensemble, et non subir de l’extérieur, des accords de droits de trafic, des règles de sûreté ou encore des normes environnementales qui permettent aux acteurs européens, dont le Groupe ADP, de maintenir leur leadership et de rester un des moteurs de l’économie.