L’EUROPE, UN LEADER AFFIRMÉ DE LA TRANSITION VERTE

Par Kurt Vandenberghe, Directeur général de la Direction générale de l’action pour le climat (DG CLIMA) de la Commission européenne

Le chemin vers une compétitivité durable et un avenir favorable à une transition verte est la meilleure stratégie de l’UE afin de rester pertinent, néanmoins nos approches sont mises à rude épreuve. Aujourd’hui, l’Europe fait face à des défis croissants, allant de l’invasion russe de l’Ukraine aux pressions économiques résultant de la concurrence internationale et de la volatilité des marchés de l’énergie. Pourtant, la crise climatique n’attendra pas que le monde règle ses différends, et l’Europe ne peut pas se permettre de dévier de sa trajectoire. Une transition réussie vers une société compétitive, propre et résiliente ne se résume pas à la réduction des émissions ; il s’agit aussi de garantir des conditions favorisant une économie robuste, encourageant l’innovation industrielle et une croissance durable au bénéfice de tous. Consciente de cela, la Commission européenne a commencé à introduire une série d’initiatives politiques visant à renforcer la base industrielle de l’UE, à maintenir son leadership climatique et à assurer une résilience économique et sociétale à long terme.
Au cours des trois dernières décennies, l’UE s’est imposée comme un leader climatique, réduisant ses émissions de gaz à effet de serre de 37 % tout en maintenant sa croissance économique. Au cœur de ce succès se trouve le Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE), le marché du carbone le plus avancé au monde, qui a favorisé la décarbonation industrielle en récompensant une production plus propre et en canalisant des fonds vers la transition via les énergies renouvelables, les technologies bas carbone et la neutralité carbone. Ce système est devenu une référence mondiale, inspirant des initiatives similaires dans d’autres régions. Au-delà de ses réalisations internes, l’UE continue de façonner la gouvernance climatique mondiale. En tant qu’acteur clé des discussions internationales sur la tarification du carbone, la Commission a récemment mis en place un groupe de travail sur ce sujet, collaborant avec des partenaires mondiaux pour promouvoir des politiques climatiques fondées sur le marché et alignées sur l’Accord de Paris. Ces efforts combinés – réduction des émissions nationales, diplomatie internationale et promotion des marchés du carbone – renforcent le rôle de l’Europe en tant que leader de la transition mondiale vers la neutralité carbone. Toutefois, une ambition accrue est nécessaire pour maintenir cette dynamique.

Les récents développements politiques réaffirment le leadership climatique de l’UE en alignant les objectifs climatiques sur la résilience économique. La Boussole pour la compétitivité fournit un cadre stratégique, tandis que le Pacte industriel vert européen sert de plan d’action pour que les industries à forte intensité énergétique et les fabricants de technologies propres investissent dans la décarbonation au sein de l’UE. Cette initiative fera de l’Europe la destination de choix pour les investissements dans une économie compétitive et neutre en carbone, tout en stimulant les investissements dans les énergies renouvelables, l’hydrogène et les technologies de captage du carbone, et en renforçant les chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques. Parallèlement, elle garantit une transition juste en soutenant les travailleurs et les entreprises qui s’adaptent à cette transformation écologique. Pour accélérer encore la décarbonation industrielle, l’UE prévoit de renforcer le Fonds pour l’innovation et de proposer une Banque de la décarbonation industrielle dotée de 100 milliards d’euros sur dix ans, afin d’aider les industries européennes à rester à l’avant-garde de la transition verte mondiale.

L’accessibilité énergétique reste une préoccupation majeure, notamment après les récentes crises d’approvisionnement. Le plan d’action pour une énergie abordable répond à ce défi en développant les énergies renouvelables et en améliorant l’efficacité énergétique. Ces mesures devraient permettre jusqu’à 260 milliards d’euros d’économies par an d’ici à 2040, soit 1,2 % du PIB de l’UE. De plus, un marché de l’énergie entièrement intégré pourrait générer jusqu’à 40 milliards d’euros de bénéfices annuels d’ici à 2030, tandis que 2 milliards d’euros d’investissements annuels dans les réseaux transfrontaliers pourraient rapporter 5 milliards d’euros de bénéfices par an aux citoyens. Les réformes récemment adoptées du marché de l’électricité de l’UE visent à créer un environnement de prix plus stable et prévisible, garantissant que les industries restent compétitives tout en passant à des sources d’énergie plus propres.

Le financement durable est crucial pour la transition vers la neutralité carbone et ne peut pas reposer uniquement sur les fonds publics. L’UE travaille avec les parties prenantes pour mobiliser l’investissement privé tout en adoptant une approche réglementaire proportionnée. En réponse aux préoccupations concernant la lourdeur administrative, l’UE ajuste ses réglementations financières pour soutenir la croissance. Cette initiative réduira la charge administrative des entreprises de 25 %, et d’au moins 35 % pour les PME, d’ici à la fi n du mandat. La révision du reporting en matière de durabilité dans le cadre de la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) et de la taxonomie européenne réduira considérablement les obligations déclaratives, en se concentrant sur les grandes entreprises ayant l’impact environnemental le plus significatif. Cette simplification insufflera une nouvelle dynamique dans la modernisation de l’économie européenne en encourageant davantage d’investissements privés.

Par ailleurs, la réforme du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) introduit un seuil supprimant les obligations pour 90 % des importateurs, principalement des PME, tout en couvrant toujours plus de 99 % des émissions. En réduisant les coûts de mise en conformité et les charges réglementaires, ces ajustements améliorent l’efficacité tout en alignant les flux financiers sur les objectifs climatiques.

Le Pacte industriel vert démontre que l’action climatique et la croissance économique ne sont pas incompatibles. Investir dans des industries bas carbone et neutres en carbone favorise la création d’emplois et l’innovation technologique, tandis que l’indépendance énergétique renforce la résilience économique. Cependant, des défis de taille demeurent. Les décideurs doivent trouver un équilibre entre des réglementations environnementales ambitieuses et la compétitivité des entreprises. Assurer une transition équitable dans toutes les régions sera également crucial, car certaines industries et communautés devront supporter des coûts d’adaptation plus élevés que d’autres.

L’Europe a longtemps été à l’avant-garde de l’action climatique, mais maintenir ce leadership nécessite un engagement constant. La prochaine proposition d’objectif climatique pour 2040 visera à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 90 %. En associant des politiques ambitieuses à une base industrielle solide, l’Europe peut atteindre ses objectifs de décarbonation et de compétitivité, et établir une nouvelle référence mondiale.

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