Jean Arthuis
Député européen
L’Europe apparaît trop souvent éloignée des préoccupations de nos concitoyens. Elle ne parle pas aux Européens. S’il est une cause où elle est attendue, c’est celle du chômage, notamment celui des jeunes, plaie scandaleuse qui assombrit l’avenir. En 2014, ils étaient plus de 5,3 millions sans emploi, soit en moyenne un jeune sur quatre de moins de 25 ans, hormis les étudiants. Voire un sur deux dans certains pays. Fort heureusement, cette malédiction n’est pas une fatalité. En Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, au Luxembourg, pays où l’apprentissage est solidement enraciné, les jeunes sont nombreux à entrer rapidement dans la vie professionnelle.
En France, l’objectif du quinquennat de 500 000 apprentis par an en 2017 est loin d’être atteint. En début d’année scolaire, les interventions ministérielles et présidentielles glorifiant l’université sont un coup dur porté au développement de l’apprentissage. Néanmoins, la prise de conscience est là et les filières professionnelles ne sont plus considérées comme des voies de résignation, synonyme d’échec scolaire. Or cette formation, à l’heure de la mondialisation, devrait s’enrichir de la mobilité transfrontalière. Il est en effet démontré que les étudiants qui ont eu l’occasion d’accomplir une partie de leurs études hors de leur pays d’origine se prémunissent bien mieux contre le risque du chômage. C’est dans cet esprit qu’a été conçu le programme Leonardo Mobilité, devenu Erasmus+, afin de mettre à disposition des filières techniques les mêmes possibilités financières d’accéder à la mobilité européenne. Désormais accessible aux apprentis et aux élèves des lycées professionnels, cette mobilité se heurte à de multiples freins et obstacles de tous ordres, notamment réglementaire. 28 États membres de l’UE, 28 législations nationales encadrant l’apprentissage, soit autant d’obstacles à la mobilité européenne. Dans ces conditions, les séjours hors de leur pays se limitent dans la plupart des cas à quelques semaines.
Il était donc urgent de faire tomber toutes ces barrières afin de permettre le partage des bonnes pratiques et d’encourager la mobilité de tous les jeunes, sans discrimination entre étudiants, apprentis et autres stagiaires engagés dans des formations en alternance. Pour y parvenir, nous avons conçu un « projet pilote » que le Parlement européen vient de voter dans le cadre du budget 2016. Dès le début du mois de février, la Commission lancera un appel à propositions pour que des expérimentations prennent corps en septembre. Pourront y répondre des établissements européens formant des apprentis sous trois conditions : 1) représenter au moins deux pays de l’UE, 2) offrir aux jeunes adultes tout à la fois un programme de perfectionnement professionnel et d’initiation à la maîtrise de la langue du pays d’accueil, 3) disposer d’un réseau d’entreprises prêtes à recevoir ces jeunes pendant la durée de leur séjour. En tout état de cause, les apprentis s’engageant dans la mobilité européenne recevront de leur agence Erasmus+ des bourses équivalentes à celles attribuées aux étudiants.
Ce projet pilote n’est pas qu’un objet pédagogique en faveur d’une meilleure formation professionnelle des apprentis. Il vise également à créer un cadre européen unique pour l’apprentissage. C’est pour cela que nous ouvrons un chantier pour accélérer la convergence de réglementations disparates et en expurger les dispositions passéistes et inutiles, voire dissuasives pour les entreprises susceptibles d’accueillir des apprentis. Une première contribution ouvrant la voie au rapprochement des législations du travail au sein de l’Union, un levier précieux pour tendre vers le plein emploi et une étape décisive vers la citoyenneté européenne.