Par Nathalie Colin-Oesterlé, Députée européenne, PPE, France. Vice-présidente de la Commission spéciale de la lutte contre le cancer et membre de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire
En mars 2020, au moment où la pandémie touche notre continent, l’Union européenne apparaît désarmée pour protéger ses citoyens face au coronavirus. Pourtant, la réaction européenne ne s’est pas faite attendre : commandes groupées de vaccins, relance de la production pharmaceutique, ou encore constitution de stocks. Toutes les solutions apportées à la pandémie ont nécessité l’échelon européen. Il est désormais de notre responsabilité de pérenniser ces avancées pour construire l’autonomie sanitaire européenne. Au Parlement européen, nous y sommes favorables. Constatant le succès de la réponse européenne face à la crise, le Parlement souhaite désormais doter l’Union des moyens d’actions indispensables à l’émergence d’une véritable puissance industrielle et sanitaire européenne.
La réponse européenne face à la crise : une réussite
Les commandes groupées ont été le point de départ d’une véritable coopération entre les 27. D’une part, l’Union européenne lançait sa contribution à une campagne vaccinale qui s’est avérée extrêmement réussie : plus de 75 % des adultes européens sont aujourd’hui entièrement vaccinés, loin devant les États-Unis pourtant érigés en exemple au début de la crise. D’autre part, ce chiffre a été atteint en transformant l’Europe en une véritable usine mondiale de vaccins. Ainsi, nous produisons 300 millions de doses par mois et exportons la moitié de notre production, condition sine qua non pour mettre un terme définitif à la pandémie. En moins d’un an, l’UE est devenue le premier continent producteur de vaccins dans le monde.
Grâce à l’Union européenne :
- Les normes de sécurité les plus élevées ont été exigées avant d’autoriser la mise sur le marché des vaccins ;
- Des commandes groupées de vaccins ont été réalisées pour éviter une concurrence effrénée sur les prix, les quantités et les dates de livrai-sons entre pays européens.
Tous les citoyens européens ont ainsi eu accès aux vaccins en même temps et en quantités suffisantes. Qu’aurions-nous dit si l’Union européenne n’avait pas agi, laissant le chacun pour soi l’emporter ?
Transformer l’Union européenne en une véritable puissance industrielle et sanitaire
Cette mise en commun réussie a fait prendre conscience qu’il ne peut y avoir de puissance européenne sans autonomie industrielle. Dans cette quête de souveraineté, le Parlement européen a initié en février 2020 un rapport relatif à la pénurie de médicaments dont je suis l’auteure. Adopté en septembre 2020 à une large majorité, plusieurs propositions clefs en la matière y sont faites :
- Redonner à la puissance publique des moyens d’actions
Pour relocaliser les productions, des incitations fiscales et financières doivent être rendues possibles par le biais d’aides d’État afin d’encourager la relocalisation de toute la chaîne de production, de la molécule au conditionnement et à la distribution.
En outre, la pandémie de Covid-19 a démontré que la sécurité de l’approvisionne-ment devait être un critère aussi prioritaire que le prix dans les appels d’offres. Elle doit être un critère de premier rang, afin de mieux diversifier les sources d’approvisionnement et ainsi réduire la dépendance de certains produits à certains industriels et/ou zones géographiques.
De la même manière, l’UE doit se doter de stocks stratégiques de médicaments et matériels médicaux dits essentiels. En mars 2020, la Commission a annoncé leur création. Une fois pleinement opérationnels, ils devront permettre de faire face aux tensions éventuelles sur les chaînes d’approvisionnement.
Parallèlement, la création d’établissements pharmaceutiques à but non lucratif et d’intérêt général devrait être envisagée pour produire des médicaments d’intérêt sanitaire et stratégique en situation critique et garantir leur sécurité d’approvisionnement. Il y a aujourd’hui des médicaments anciens qui ne sont plus produits car ils ne présentent plus aucune rentabilité, alors même qu’ils restent essentiels pour la santé publique. En France par exemple, l’Établissement pharmaceutique de l’AP-HP développe et produit des médicaments permettant de lutter contre certaines maladies rares.
2) Mieux coordonner les politiques de santé et accroître la coopération entre les États membres
Pour améliorer la souveraineté sanitaire du continent, la coordination entre États membres doit être renforcée : achats groupés, transparence dans la chaîne de distribution via un pilotage centralisé, gestion en temps réel des stocks de médicaments disponibles dans chaque État membre, simplification des législations et mise en place d’une flexibilité des mesures réglementaires en temps de crise. Toutes ces mesures garantiront la nouvelle autonomie européenne et permettront à chacun d’entre nous de ne pas être privé de traitement en raison de la non-disponibilité d’un médicament dans un État membre.
Enfin, puisque l’innovation répond par définition aux besoins non-couverts, elle est également un élément clef pour notre autonomie stratégique. La recherche européenne doit accroître ses capacités, via les crédits des programmes Horizon Europe et EU4Health pour faire de l’Union, la terre d’accueil par excellence de l’innovation et de la recherche médicale.
L’autonomie sanitaire européenne est sur de bons rails
L’Union européenne a su gérer la pire pandémie que l’humanité ait connue dans l’histoire récente. Il lui faut désormais continuer à affirmer ses compétences de santé publique afin de démontrer au monde entier qu’elle se donne les moyens de devenir une véritable puissance industrielle et sanitaire. Le Parlement européen travaille chaque jour en ce sens. En novembre 2021, le rapport d’initiative sur la stratégie pharmaceutique européenne adopté à une large majorité re-prend bon nombre des mesures proposées dans mon rapport sur les pénuries. La balle est désormais dans le camp de la Commission européenne qui proposera de réviser la législation pharmaceutique de l’Union en 2022.