Vers une « Union européenne des infrastructures »

Edoardo Reviglio

Chef économiste à la Cassa Depositi e Prestiti

Le Plan Juncker va permettre accélérer la convergence des économies des Etats membres. La politique qu’il institue est plus flexible : l’Etat n’est plus le seul organe de financement des investissements.

e1455196558605Le nouveau cadre conçu par la Commission Juncker représente un changement de cap dans la politique économique d’investissements de l’Union européenne. C’est à la fois une vision, un modèle et un catalyseur pour de futures réformes nationales. Il marque également le début d’un changement de paradigme au niveau du modèle de convergence européen qui prévaut dans l’Union européenne depuis 30 ans. Laissez-moi vous expliquer pourquoi nous devrions nous montrer optimistes, pour une fois.
Dans la lignée des deux communications sur la flexibilité et sur la modernisation des aides d’État, le cadre général a été partiellement révisé et de nouveaux principes introduits. Le premier est celui de la flexibilité budgétaire (la « clause d’investissement »), qui reprend timidement et pour la première fois la « règle d’or ». Le deuxième est celui de l’additivité (« pallier les défaillances du marché ou les situations d’insuffisance des investissements »). Le troisième est celui de l’« aide efficace », définie comme « répondant à des défaillances du marché et à des objectifs d’intérêt commun clairement définis ». Le quatrième est celui de la « complémentarité avec le marché » des banques de promotion économique nationales, et de la reconnaissance de leur rôle institutionnel de piliers du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) aux côtés de la Banque européenne d’investissement. Le dernier est celui de l’Union des marchés de capitaux avec son tout dernier « Plan d’action ».
Nouvelle politique atténuant les écarts creusés par la crise
Ces principes ne viennent pas ébranler les fondations de la constitution économique de l’Union, mais ils portent néanmoins les germes de transformations potentielles à venir. Un changement est nécessaire, à la fois pour promouvoir un marché unique européen plus fort et pour augmenter la compétitivité de l’économie européenne à l’échelle mondiale, mais aussi pour améliorer la convergence entre les États membres. Nous avons besoin d’une nouvelle politique « intelligente », plus flexible et axée sur l’atténuation des écarts que la crise a dangereusement exacerbés.
L’une des idées fondatrices de l’Union européenne était l’ambition de créer un grand marché unique dans lequel la libre concurrence entre les entreprises européennes serait source d’innovation, d’efficacité, de productivité, et donc de croissance et d’emploi, ainsi que de « destruction créatrice ». Pour que cette idée se concrétise, il est nécessaire que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, afin d’aboutir à une convergence vertueuse des économies concurrentielles.
Réformes nationales essentielles, mais pas suffisantes
Cet objectif reste valable, mais il n’a pas été atteint. Force est de constater que les entreprises du Sud de l’Europe souffrent d’importants handicaps face à leurs concurrents du Nord, en termes de coût de l’argent, de coûts énergétiques et logistiques, mais aussi de coûts réglementaires, administratifs, juridiques et fiscaux. Le terrain de jeu est loin d’être propice aux échanges équitables. Pour reprendre les propos de Franco Bassanini, il ressemble plutôt à « une grande ville allemande à la fin de la Seconde Guerre mondiale, après trois ans de bombardements par les Alliés ». La révision de la législation sur l’interdiction des aides d’État devrait, avec les contrôles rigoureux qui s’imposent, être favorable aux projets visant à limiter les handicaps concurrentiels. Ceux qui aggravent ces handicaps seraient plus fermement rejetés.
Les réformes nationales, bien qu’essentielles, ne sont pas suffisantes : les handicaps concurrentiels en termes de coûts énergétiques et logistiques, par exemple, requièrent des investissements importants dans les réseaux d’infrastructures européens et, plus généralement, des politiques efficaces en matière d’infrastructures et d’énergies européennes.
Dans un contexte de perspectives démographiques nébuleuses et de dettes publiques élevées, l’Union européenne doit bâtir une « Union des infrastructures » capable de se substituer à l’État en tant qu’organe de financement majeur des infrastructures, avec des investisseurs institutionnels internationaux orientés sur le long terme qui cherchent à développer leurs produits financiers adossés à des infrastructures. Seule la création d’une véritable « classe d’actifs » d’infrastructures européennes fiable sur le plan technique pourrait faire l’affaire. Nous sommes au seuil d’un changement majeur de modèle de financement des infrastructures. C’est pourquoi, selon moi, le Plan Juncker et l’Union des marchés de capitaux vont dans la bonne direction.

La « règle d’or » des finances publiques implique le déficit budgétaire structurel (hors impact de la conjoncture économique) ne dépasse pas 0,5% du PIB.

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