Un équilibre entre croissance et innovation

Carole ULMER et Louise DECOURCELLE

Confrontations Europe

La Stratégie pour le Marché unique numérique, publiée en mai dernier, s’articule autour de trois piliers : améliorer l’accès en ligne, créer des services numériques innovants et réinventer le monde du travail et la société. Elle doit permettre d’accompagner les États membres dans la nouvelle révolution industrielle : la révolution numérique.

Un marché unique numérique connecté
© Européan Union 2015 / Echard Cristof

Jean-Claude Juncker a fait du numérique l’une des grandes priorités de sa Présidence. Le numérique transforme l’économie et la société, mais l’Europe est en retard dans la prise en considération de ses enjeux : 30 % des citoyens européens et deux tiers des entreprises européennes ne sont pas en ligne. Et la législation européenne n’est pas adaptée à ces bouleversements. L’Europe, qui dispose d’un vivier de talents et de start-up numériques exceptionnel, a les atouts nécessaires pour s’approprier cette révolution mais doit supprimer les obstacles réglementaires tout en accompagnant la société dans cette transformation. C’est là l’objectif affiché de la Stratégie pour le Marché unique numérique publiée le 6 mai. Robert Madelin(1), l’ancien directeur général de la DG Connect de la Commission européenne, est venu en présenter les grandes lignes à Confrontations Europe et à la Représentation de la Commission européenne à Paris le 27 mai dernier.
La Stratégie s’articule autour de trois piliers et se décline en seize actions clés. Elle entend améliorer l’accès en ligne pour les consommateurs et les entreprises (facilitation du commerce en ligne, modernisation du droit d’auteur…) mais aussi créer des réseaux numériques innovants (adaptation de la réglementation des télécoms, analyse et réflexion sur les plateformes et l’économie du partage) et réimaginer le monde du travail et la société dans son ensemble (réflexion sur la libre circulation des données, la formation…).
Technologies et capital humain
Le constat fait lors de cette discussion est à la fois encourageant mais aussi teinté d’inquiétudes face à cette révolution numérique, qualifiée de nouvelle révolution industrielle. Son potentiel économique est bien quantifié à la différence des mutations sociétales, qui elles, ne sont ni entière- ment prévisibles ni aisément mesurables. L’impact du numérique dans le domaine de l’emploi suscite espoirs et interrogations : quelles nouvelles opportunités de création d’emplois et quelles menaces de destruction ? Quel impact sur les relations et contrats de travail ? Le système de protection sociale européen est-il adapté aux mutations à venir ?
Il n’y a aucun défaitisme à avoir : l’Europe a les technologies et le capital humain nécessaires pour réussir cette révolution si elle prend le sujet à bras-le-corps et si l’on parvient à « réeuropéaniser la politique industrielle numérique » estime Robert Madelin. À quelles conditions cela est-il possible ? La question de la volonté est centrale : celle de la société d’être une société d’innovation, celle des citoyens de pouvoir se doter des compétences nécessaires, celle des États membres de contribuer à une législation européenne simplifiée et harmonisée, celle de l’Union européenne d’œuvrer à établir un cadre de confiance et d’innovations, celle du secteur privé de se saisir du numérique tant pour améliorer leur efficience que pour faire évoluer leur business model, celle du secteur public de se moderniser…
Nouveau contrat social des données
Les enjeux sont sensibles, comme en témoigne par exemple le débat autour des données. Pour encourager les innovations, « il faudrait ajouter une cinquième liberté au traité, celle de la libre-circulation des données » affirme Robert Madelin. Toutefois, « il faut en même temps réussir à mettre en place un nouveau contrat social des données, permettant au citoyen de savoir à qui il donne accès à ses données et pourquoi, et quels avantages il en retire », ajoute-t-il.
La stratégie pour le marché unique numérique est régie comme un cadre qui nécessite désormais des applications concrètes rapides(2). Ce n’est un cri de guerre ni contre les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ou le secteur culturel ni un appel à créer des champions paneuropéens partout. La Commission entend étudier prudemment tous les phénomènes nouveaux qui touchent la société afin de les accompagner au mieux. Le marché unique numérique européen ne sera une réussite qu’à condition que l’Union européenne réponde à, ce que Robert Madelin appelle, « la quadrature du cercle digital ». Quel niveau d’européanisation de l’industrie numérique souhaitons-nous ? Quel type de régulation permettrait de favoriser l’innovation ? Comment adapter les réglementations nationales aux entreprises qui ont une stratégie de développement mondial ? Comment concilier la législation nationale sur les données avec l’innovation numérique en nuage ? Autant de défis qu’il est possible de relever si une coopération efficiente se met en place à tous les niveaux.

1. Robert Madelin a été nommé conseiller spécial du président Juncker sur l’innovation au mois de juin ; le nouveau directeur général de la DG Connect est Roberto Viola.
2. Pour suivre l’avancée du Marché unique numérique, consultez : http://ec.europa.eu/digital-agenda/ digital-single-market.

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