Les jeunes et l’Europe : quel futur pour le travail ?

Anne MACEY

déléguée générale de Confrontations Europe

Varsovie, février 2019 : étape 2 du Solidarity Tour lancé par Confrontations Europe et ses partenaires, avec le soutien de la Commission européenne. À l’invitation du syndicat Solidarnosc, ce sont 18 jeunes Belges, Français, Grecs, Hongrois, Serbes, Tchèques et leurs accompagnateurs qui ont rejoint une trentaine de jeunes Polonais principalement en apprentissage ou dans des formations équivalentes pour deux jours d’ateliers intenses, sur le futur du travail dans un monde en bouleversement.

La voix des jeunes est rarement entendue dans le débat public, qu’il soit européen ou national. Pourtant ils sont les mieux à même de définir leurs besoins et exprimer leurs attentes. Bien sûr, pour que les langues se délient, alors que la plupart d’entre eux n’ont pas l’habitude de parler en public.

Ces ateliers qui sont d’abord partis des craintes exprimées par les jeunes sur le futur du marché du travail a été bien plus efficace qu’une protection théorique.

« J’ai peur de l’automatisation, de ce que va entraîner l’intelligence artificielle, peur d’un remplacement des gens par des machines », affirme Elena, jeune grecque. Mais pour Eric, « ces machines, il faudra bien les construire et les réparer ! ». De jeunes polonais apprentis photographes s’inquiètent d’avoir choisi une profession précaire qui les conduirait à vendre une photo un jour de la reine Elisabeth et le lendemain à dormir sous un pont. Mais là aussi, au cours d’une discussion incroyablement participative selon les encadrants, des pistes émergent : il faudra « apprendre comment apprendre », tous les jours sur le terrain. Certes, mais… quelques lignes directrices sur comment trouver les bonnes sources pour se former également sur Internet seraient bienvenues !

Sans surprise, la qualité de l’éducation est apparue comme une priorité dans les différents ateliers : les jeunes attendent des écoles qu’elles les informent sur leurs droits basiques sur le marché du travail, sur les organisations qui peuvent les aider, par exemple le rôle des syndicats. Ils sont aussi fortement demandeurs de dialogue à l’école sur l’action des institutions de l’Union européenne. Des jeunes de différents pays se plaignent que leur système éducatif est ancien et mériterait des investissements substantiels pour le rendre plus innovant !

 

Pour un cadre commun européen des stages

Une jeune Serbe explique qu’elle a choisi un parcours de formation professionnelle alors qu’elle avait de bonnes notes et que ses amis allaient au lycée général. Aujourd’hui, elle s’en félicite : elle trouvera plus facilement que ses amis un emploi dans son domaine. Mais elle s’inquiète pour demain : le monde change tellement qu’elle devra changer de métier et qu’il lui sera peut-être plus difficile en revanche de trouver un emploi dans une autre profession. D’où la recommandation formulée par le groupe de jeunes de créer des ponts entre professions à travers des opportunités de requalification professionnelle tout au long de la vie. Pour les jeunes, cette responsabilité incombe à la puissance publique nationale et européenne, et pas seulement aux entreprises.

Autre sujet majeur abordé par les jeunes : l’enjeu de mobilité au sein de l’UE. Parce qu’ils veulent être sûrs de trouver un emploi, beaucoup sont prêts à changer de pays et aimeraient que ces mobilités soient facilitées. Mais le manque d’emplois disponibles et les différences de salaires en Europe conduisent à des migrations parfois forcées. Puisque c’est le pays d’origine, souvent moins aisé qui a financé l’éducation de ces jeunes employés dans des pays plus développés, une contribution du pays de mobilité vers le pays d’origine devrait compenser l’investissement de formation initial, compensation à concevoir sans pour autant freiner ces migrations.

Les nouvelles formes de travail paraissent aussi sources d’opportunités et de risques. L’entrepreneuriat offre plus d’autonomie, mais devrait s’accompagner d’une véritable couverture sociale partout en Europe. Les plateformes mériteraient d’être régulées : qui capture la valeur créée ? Les jeunes demandent surtout une protection sociale pour tous en Europe, incluant la couverture maladie, mais aussi la retraite et l’assurance-chômage en contrepartie d’une recherche active d’emploi. Autre point important abordé lors des ateliers : les stages qui apparaissent comme un sas permettant un éventuel accès à l’emploi. Or, dans de nombreux pays, les jeunes bénéficient d’une protection quasi inexistante, c’est pourquoi ils se sont prononcés en faveur d’un cadre commun pour les stages en Europe. La Commission européenne a rappelé que l’échelon européen n’avait pas compétence, mais les jeunes aimeraient que cela évolue.

Enfin, ces deux jours, remarquablement agencés par notre partenaire Solidarnosc, nous ont aussi permis d’échanger avec les dirigeants de l’Autorité polonaise du travail, et de découvrir l’histoire du patron de Solidarnosc, le prêtre Jerzy Popieluszko, assassiné alors qu’il n’avait pas 40 ans, parce qu’il célébrait des messes destinées aux travailleurs polonais en exprimant ouvertement leur besoin d’indépendance à l’époque communiste. Certains jeunes grecs, serbes ou français avaient les larmes aux yeux lors de la visite du mausolée. Apprendre à connaître et comprendre l’histoire de nos partenaires contribue aussi d’une certaine manière à renforcer la solidarité européenne !

Derniers articles

Articles liés

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici