Vers une transition énergétique « complète »

Karsten LÖFFLER, Matthias SEEWALD

Directeur général d’Allianz Climate Solutions GmbH, Membre du Conseil et directeur des investissements chez Allianz France

Six mois après la signature de l’Accord de Paris, les responsables politiques et le secteur privé doivent unir leurs forces pour financer des projets en faveur de la transition énergétique. Le capital est disponible mais il faut créer un climat favorable à l’investissement durable et développer les infrastructures énergétiques et les réseaux.

L’année dernière, deux grands mouvements ont uni leurs forces : d’un côté, les responsables politiques se sont engagés à prendre des mesures à long terme pour lutter contre le changement climatique. C’est ce qui ressort de l’enquête menée par le Conseil de stabilité financière sur les risques climatiques dans le secteur financier, et bien entendu de l’Accord de Paris, dont on peut se féliciter à juste titre. De l’autre, le secteur privé a manifesté sa volonté de mettre en œuvre les actions requises sur le terrain, par exemple avec la Coalition pour la décarbonisation des portefeuilles. Cette initiative, dans laquelle sont notamment engagés des investisseurs institutionnels de long terme comme Allianz, vise à transférer 600 milliards USD vers des actifs économes en carbone. Si les capitaux sont disponibles, les projets susceptibles d’être financés manquent.

Un des secteurs-clés est la production d’énergie. La transition énergétique a été engagée il y a plus d’une décennie et l’importance de la production à partir de sources renouvelables va continuer à croître avec l’électrification des transports et des bâtiments. Nous entrons maintenant dans la phase d’expansion. Cela signifie que les gouvernements vont devoir prendre leurs responsabilités pour honorer leurs engagements, et mettre en œuvre leurs plans nationaux sur le climat. Les actions doivent s’inscrire dans une stratégie à long terme jalonnée d’objectifs, mais néanmoins flexible. Le secteur financier privé devra assumer la plupart des investissements, qui seront massifs : une étude d’Allianz a récemment montré que les pays du G20 auront besoin de 710 milliards USD chaque année. À titre de comparaison, les investissements effectués en 2015 dans le monde entier dans le domaine des énergies renouvelables se sont élevés à 286 milliards USD.

Pour attirer le secteur privé, les responsables politiques vont devoir instaurer un environnement d’investissement transparent et durable, combinant d’une part un engagement politique clair et crédible envers la transition énergétique, et d’autre part des actions sur le terrain, en élaborant, par exemple, une réglementation adéquate pour les investissements dans les énergies renouvelables.

Le déploiement rapide, dans certains pays européens, des énergies renouvelables met en lumière plusieurs problèmes dont d’autres pays pourraient tirer des enseignements.

Tout d’abord, les exigences en matière de réseaux électriques sont en train de changer. Au lieu d’une vingtaine de grandes centrales, on en trouve désormais des milliers réparties dans tous les pays. En outre, les énergies solaires et éoliennes sont intermittentes et requièrent des réseaux plus flexibles. Il est donc nécessaire d’adapter les réseaux de transmission et de distribution en conséquence, et le plus tôt sera le mieux, car il semblerait qu’il soit plus long de construire des réseaux de distribution que des centrales. Ensuite, dans la plupart des pays, le prix de l’électricité est déterminé par les coûts marginaux, le coût du carburant et des certificats de CO2. Les prix ont considérablement chuté à cause de l’augmentation de la production d’énergies renouvelables, dont les coûts marginaux sont quasi nuls. Aucun carburant ni certificat de CO2 n’est nécessaire pour produire de l’énergie éolienne ou solaire. De ce fait, plus les énergies renouvelables gagneront du terrain, plus le prix de l’électricité baissera.

Cela pose un problème à la fois pour les centrales conventionnelles et renouvelables, car les revenus du marché ne suffisent pas à couvrir les coûts d’investissement et d’exploitation. C’est pourquoi on a pu curieusement assister, par exemple, à la mise en réserve de centrales au gaz toutes neuves.

Est-on prêt à une transition où le prix de l’électricité serait fondé sur les seuls coûts marginaux ? La réponse est non. Il faudrait pour cela d’autres sources de revenus, comme les garanties d’achat pour les énergies renouvelables ou les mécanismes de capacité pour les centrales traditionnelles.

Les responsables politiques pourraient également tirer un meilleur parti d’avancées comme le plan d’investissement pour l’Europe, dit « plan Juncker ». La mobilisation de capitaux publics pour attirer les investissements du secteur privé dans les infrastructures serait une bonne solution pour développer les infrastructures énergétiques à faibles émissions de carbone ainsi que les réseaux, et faire face aux évolutions futures.

Financer la transition énergétique n’est pas chose aisée, mais il est facile d’en saisir l’objectif ultime : neutraliser les émissions de carbone d’ici la seconde moitié de ce siècle. Toutes les composantes d’une transition réussie sont réunies, il est temps de les relier entre elles et de passer à la phase de « transition complète ».

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