Macron et « la mort cérébrale » de l’OTAN [Chronique Europe du 15 novembre | RCF]

Auteur : Edouard Simon

Directeur du Bureau de Bruxelles

Dans une interview au magazine britannique The Economist, Emmanuel Macron a considéré que l’OTAN était « en état de mort cérébrale ». En cause, selon lui, les doutes qui existent sur l’engagement américain au sein de l’Alliance. Eléments de décryptage.

Sur le fond, Emmanuel Macron a raison de pointer la crise existentielle que vit l’alliance. Le retrait des Etats-Unis du Nord de la Syrie et l’intervention de la Turquie dans cette zone ont clairement mis à mal la confiance entre les alliés et ouvert une crise profonde. Que ferons-nous, en effet, si les Turcs invoquent la clause de solidarité de l’Alliance en cas de réplique syrienne à son intervention ?

Mais, Emmanuel Macron a également raison sur la relation des Etats-Unis au projet européen. Malgré son pivot stratégique vers l’Asie, Obama restait fondamentalement en accord avec le projet européen. Ce n’est pas le cas de Trump, pour qui l’Union européenne est un ennemi, qu’il « faut détruire » pour reprendre les propos de son propre ambassadeur.

Bref, l’analyse d’Emmanuel Macron est juste sur le fond. Mais, il ne vous aura pas échappé qu’Emmanuel Macron n’est pas un analyste. Ces mots ont, dès lors, un poids particulier puisqu’ils engagent la politique de la France.

Justement, comment cette analyse a-t-elle été reçue par nos alliés européens ? Angela Merkel était, au moment de la publication de cette interview, avec le Secrétaire Général de l’OTAN et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne s’est pas montrée très enthousiaste vis-à-vis des déclarations du chef de l’Etat français.

Vous avez raison, de la Chancelière allemande qui assure ne pas partager son point de vue sur la coopération au sein de l’OTAN, parlant de « propos intempestifs », au premier ministre polonais qui qualifiera les mots d’Emmanuel Macron d’ « irresponsables », on ne peut pas dire que nos alliés aient accueilli très chaleureusement les propos du président français.

Pourtant, en privé, nombreux sont les diplomates et les chancelleries européennes qui avouent partager le constat, mais pas les mots, d’Emmanuel Macron sur la situation de l’Alliance. Restent que, pour l’heure, aucun d’entre eux n’a voulu afficher son soutien à des propos très peu diplomatiques.

 

N’est-ce pas pourtant une occasion de renforcer le projet d’une défense européenne ?

Tout dépendra, en fait, des suites qui seront données à cette interview. Si aucune traduction politique n’est donnée, la France risque fort de s’enfermer dans un « splendide isolement » en Europe. Pour ne pas se retrouver dans cette situation, il faudra qu’Emmanuel Macron articule une réponse politique aux problèmes qu’il analyse. Il est clair que celle-ci ira vers la création d’une véritable défense européenne. Mais, pour être crédible, il faudra que la France accepte de sortir de ses propres contradictions, en acceptant, par exemple, de partager le pouvoir de décision…

Quoiqu’il en soit, le premier test de la volonté française sera très certainement le prochain Sommet de l’OTAN, qui aura lieu début décembre à Londres. A suivre, donc…

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