L’année européenne la plus longue

Stefan LUNTE

Conseiller COMECE, secrétaire général de Justice et Paix Europe

2016 pourrait être proclamée comme l’« année européenne la plus longue » car peu d’avancées constructives sont à attendre pour résoudre la grave crise qui ébranle aujourd’hui l’Union européenne. Mais, face à la paralysie politique liée aux multiples échéances électorales européennes s’ouvre une fenêtre d’opportunités pour des initiatives de la société civile.

Malgré le référendum britannique, malgré la persistance des crises de la dette et des migrations, malgré l’instabilité grandissante à l’est, en Syrie et au sud de la Méditerranée, malgré aussi la bonne volonté indiscutable d’un bon nombre d’acteurs, rien de substantiel n’est à attendre en Europe sur le front politique jusqu’à la fin 2017. La raison ? Des multiples échéances électorales sont prévues dans de nombreux États membres. Dès cet automne, il y aura un référendum constitutionnel en Italie et de nouvelles élections présidentielles en Autriche après l’invalidation du scrutin du printemps. Un scrutin législatif est annoncé en Roumanie pour le mois de décembre. En mars 2017, les Néerlandais voteront pour un nouveau Parlement. La France élira un nouveau président en mai et une nouvelle Assemblée nationale en juin. En Allemagne, des élections générales auront lieu en septembre ou en octobre, la date n’étant pas encore fixée définitivement. À chacune de ces élections, se profileront des candidats et des partis avec un agenda anti-européen. Un exemple parmi d’autres : le parti de Geert Wilders aux Pays-Bas, est actuellement donné grand gagnant dans les sondages alors que son programme propose aux Néerlandais un référendum « Nexit » à l’instar de celui du Royaume-Uni.

Les gouvernements en place – ou plus généralement les forces politiques qui continuent d’apporter leur soutien à la construction européenne – ont alors plutôt tendance à prendre des positions défensives. Il serait inutile pour eux de proposer des changements au niveau européen qui nécessiteraient des révisions des Traités. Il serait même inconscient de tenter de le faire, car dans un système démocratique il faut des majorités pour avancer. Dans le cas de l’Union européenne et à cause de la procédure de ratification prévue dans le Traité de l’Union, il faut même une majorité absolue et stable dans tous les États membres. La simple majorité de la totalité de la population ne serait pas suffisante. Or, personne n’osera prendre le pari dans le contexte troublé actuel. Avant de se lancer dans de nouvelles aventures, un travail de longue haleine sera nécessaire pour retrouver la confiance, l’assentiment rationnel et affectif des Européens, pour le projet de la construction européenne.

Congrès à Rome
Le système politique paralysé au niveau européen offre en revanche un moment propice aux initiatives de la société civile. Elles sont aujourd’hui nombreuses, notamment celles émanant des églises chrétiennes. Ainsi, la conférence des Églises européennes (CEC) a lancé en juin dernier un processus de consultation avec ses Églises membres sur le thème de la construction européenne. Les évêques catholiques de la COMECE (Commission des Épiscopats de la Communauté européenne) préparent activement un grand congrès à Rome sur l’avenir de l’Europe qui se tiendra en octobre 2017 à Rome. Le réseau catholique Justice et Paix Europe, qui regroupe une trentaine de commissions nationales, a dédié son action commune en 2017 au thème « L’Europe au Carrefour ». Les Semaines Sociales de France consacreront leur rassemblement annuel 2017 également à la question européenne. Sans oublier enfin les prises de position et l’intérêt que porte le Pape François à l’Europe. En témoignent ses discours devant le Parlement européen en novembre 2014 et à la cérémonie de remise du Prix Charlemagne en mai dernier.

Cette impressionnante variété d’initiatives et de prises de position témoignent toutes de la pertinence de poursuivre la construction de la « maison commune Europe ». Face à la mondialisation, trois options s’offrent aujourd’hui aux Européens : poursuivre la construction de cette maison commune sans toucher aux ouvertures et vivre avec des trous béants, ou alors en murer toutes les ouvertures et s’y enfermer. Troisième voie : y poser des portes et fenêtres à la fois solides et faciles à ouvrir. C’est sur ce dernier choix que beaucoup de projets cités devraient se prononcer. Il convient de préparer le terrain pour que l’action politique puisse reprendre son droit et ses devoirs et que prenne fin l’année européenne la plus longue.

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