Auteur : Gabrielle Heyvaert
Chargée de Mission Energie et Numérique
Bureau de Bruxelles de Confrontations Europe
Chaque jeudi matin, Confrontations Europe intervient sur les ondes d’Euradio pour un édito consacré à l’actualité européenne.
Euradio : A Bruxelles, le Collège des Commissaires est maintenant prêt à être soumis au vote d’approbation à la majorité simple des eurodéputés le 27 novembre pour une entrée en fonction le 1er décembre. De nombreux sujets brûlants attendent la nouvelle Commission Von der Leyen, notamment celui de mettre en place une « Europe adaptée à l’ère du numérique ». Quel est l’enjeu ?
Pour aborder le sujet du numérique au sein de l’Union européenne, on peut commencer par regarder ce qui est annoncé dans les « orientations politiques » de la commission Von der Leyen, qui présente les six grandes ambitions pour les cinq prochaines années à venir. La troisième, qui a pour titre « Une Europe adaptée à l’ère du numérique » comme vous l’avez justement indiqué, présente les mesures phares et les ambitions européennes en la matière. Les principaux enseignements sont les suivants :
- La nouvelle présidente de la Commission reconnaît qu’il est trop tard pour que l’Europe rattrape les géants du numérique existants, en faisant référence, sans les nommer, aux GAFA et à leurs équivalents chinois.
- Mais qu’il est encore temps de participer à la deuxième vague d’innovation numérique dans certains domaines clefs : l’objectif clairement affiché ici est de garantir une souveraineté technologique européenne.
- Pour ce faire, la Commission prévoit des investissements massifs pour développer des technologies stratégiques (par exemple, le calcul à haute performance, l’informatique quantique et l’intelligence artificielle). La Commission entend également définir des normes qui auront vocation à s’imposer à l’échelle mondiale.
Euradio : Qu’entend la Commission par « souveraineté technologique » ?
L’usage du terme de souveraineté dans le domaine du numérique est relativement récent mais fait son chemin en Europe. Le ministre de l’économie allemand, Peter Altmaier, a appelé plus tôt cette année à une souveraineté numérique, tandis que Bruno le Maire, son homologue français, appelle à mettre en place un nouvel empire européen pour faire face aux puissances technologiques américaines et chinoises.Ce n’est pas anodin quand on regarde la signification du mot « souveraineté » en relations internationales : pour prendre une définition simple, un Etat souverain est un Etat qui n’est ni dépendant, ni soumis à toute forme de pouvoir extérieur ou à un autre Etat. La souveraineté désigne aussi le contrôle des éléments qui rendent une société prospère. En l’occurrence, quand on touche au domaine du numérique, cela signifie clairement avoir le contrôle et l’usage de nos données. Et depuis plusieurs années en Europe, l’inquiétude quant à cette « perte » de souveraineté numérique est prégnante, face aux géants américains. Relance : comment les données sont-elles devenues un facteur stratégique de croissance ? A l’origine, les données provenaient majoritairement des téléphones, des ordinateurs portables et des autres appareils électroniques de ce type. Désormais, beaucoup plus d’appareils ont la capacité de générer des données tels que les voitures connectées, les compteurs électriques ou encore les montres. Cela a induit un déplacement de la valeur : la valeur ne réside plus uniquement dans le produit physique en tant que tel, mais également dans les données générées par les utilisateurs. Les acteurs économiques, à même de tirer profit des données, disposent d’un avantage compétitif décisif sur leurs concurrents. Ainsi, on observe l’essor des industries numériques qui ont la capacité d’extraire les données et de les analyser. Cela a conduit à l’émergence d’un nouveau modèle d’entreprise qu’on appelle « plateforme ». Les multinationales américaines, telles qu’Amazon, Uber, Google et Facebook sont les modèles-types de plateforme les plus efficaces, c’est pourquoi elles ont réussi à s’imposer. Passer à côté des opportunités qu’offre la révolution des données constitue un danger sérieux pour les entreprises européennes, qui ne seraient à terme plus du tout concurrentielles au niveau mondial. Il devient donc urgent que l’Union européenne se donne les moyens d’agir en matière de numérique.
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