Par Ghislaine Hierso, Secrétaire du bureau de Confrontations Europe, Fondatrice de Sage & Responsable, membre de la plateforme RSE
Considérer le dérèglement climatique comme la seule urgence environnementale de portée véritablement globale, est une erreur. L’urgence climatique, bien sûr, est évidente et pas secondaire. Elle se manifeste malheureusement au quotidien, même si elle peut être observée de manière différenciée et différée dans le temps et selon les zones géographiques. Mais l’urgence environnementale ne se réduit pas à l’urgence climatique.
En effet, les bouleversements fondamentaux à l’oeuvre en matière de biodiversité doivent nous interpeller tout autant. Le vivant disparaît actuellement à un rythme inconnu jusqu’ici sur notre planète. Les premières causes d’effondrement de la biodiversité restent la destruction des habitats, les pollutions généralisées des écosystèmes et les destructions directes des espèces. Naturelle-ment, ces différents facteurs interagissent et il en résulte une aggravation et une accélération des perturbations environnementales. Mais c’est bien le vivant qui est l’indicateur le plus intégrateur de toutes les atteintes environne-mentales faites à notre planète.
La modification des écosystèmes, les sècheresses, inondations, tempêtes, problèmes sanitaires, les enjeux d’approvisionne-ment en alimentation et en eau sont très perceptibles. Les conséquences des changements climatiques se font d’ores et déjà ressentir et pourraient s’accentuer si les États persistent à ne pas prendre de réelles décisions contraignantes.
Les activités économiques et industrielles produisent un impact de plus en plus prégnant sur l’environnement et sur les équilibres sociaux. Malgré plusieurs crises écologiques, économiques et sociétales survenues dans le monde, la situation environnementale s’aggrave et, depuis près de 50 ans, les inégalités augmentent dans presque tous les pays du monde.
Au fur et à mesure de l’avancée des con-naissances scientifiques sur des enjeux comme le réchauffement climatique, la disparition de la biodiversité ou la quantité de plastique pré-sente dans les océans, il faut se rendre à l’évidence de la nécessité à trouver un modèle économique plus juste, susceptible de per-mettre d’assurer nos besoins sans détruire notre écosystème.
Il faut souligner que les premiers rapports formulant cette nécessité datent des années 1970, notamment avec la publication du rap-port du Club de Rome (1972) et du rapport Brundtland (1987) , “Notre avenir à tous”, même si certains philosophes, comme Henri David Thoreau et Hans Jonas, ont très tôt mis en avant les problèmes que pose la civilisation technicisée.
En 1972, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm, des personnalités politiques et scientifiques, inquiètes de dysfonctionnements qu’elles observent, appellent l’attention des gouvernements sur la nécessité d’intégrer équité sociale et prudence écologique dans les modèles de développement économique.
Onze ans après ce premier Sommet de la Terre, le contexte international est de plus en plus agité à propos des questions de justice sociale et d’environnement, sans pour autant évoluer. Néanmoins, la communauté internationale se rend compte que nous vivons dans un monde aux ressources finies, et que notre mode de développement doit ainsi être revu. L’idée est de trouver un moyen de concilier le développement économique et des marchés avec la préoccupation écologique et sociale.
De nombreux pays sont aujourd’hui en train de prendre conscience que s’ils veulent exister et se développer sur le long terme, ils doivent préserver leurs espaces naturels, leurs ressources, mais également fonder une société plus juste et plus égalitaire. Le développe-ment durable pénètre aussi les entreprises dans leur politique de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE).
La notion de développement durable recouvre en effet, faut-il le rappeler, les dimensions économique, sociale et environnementale, ainsi que la gouvernance globale. Le développement durable est la responsabilité partagée des États et de toutes les parties prenantes. Il s’agit d’un objectif commun que doivent viser les citoyens, les organisations et les entreprises dans leur vie et leurs activités quotidiennes.
Il est en effet essentiel d’économiser les ressources naturelles, de s’assurer que les exigences de réduction de consommation tiennent compte du développement du pays et de s’assurer d’un accès équitable pour tous aux ressources naturelles.
Nous devons tous être plus efficaces, et surtout plus efficients. Le XXe siècle, surtout en Occident, a été le siècle du gaspillage, il faut que le XXIe siècle soit celui de la sobriété.
Pour ce faire, nous avons un agenda inter-national, COP Climat, COP Biodiversité et COP Désertification, les rapports du GIEC et de la plateforme IPBES, et l’agenda ODD/2030. Même si, après plus de 50 ans de mise en exergue de ces préoccupations, les résultats sont loin d’être probants.
Ainsi, la dernière COP 26 Climat à Glasgow, au-delà des textes de décision, et donc des négociations formelles, a donné lieu à un tour-billon d’annonces. Jour après jour, les pro-messes se sont succédées, notamment sur quatre priorités : le charbon, les voitures, la fi-nance et les arbres. Parmi les plus marquantes, deux « alliances », comptant chacune une centaine d’États, ont décidé de mettre un terme à la déforestation d’ici à 2030, et de réduire les émissions mondiales de méthane, un puissant gaz à effet de serre, de 30 % entre 2020 et 2030.
Surtout, jamais une conférence climat ne s’était attaquée aussi frontalement aux énergies fossiles. D’abord, le charbon, une vingtaine de nouveaux pays promettant d’en sortir dans les années 2030 et 2040. Mais aussi le pétrole et le gaz, une étape encore rarement franchie ; une trentaine d’États ont annoncé mettre un terme à leurs financements publics dans les projets de combustibles fossiles à l’international fin 2022, s’ils ne sont pas adossés à de la capture du carbone.
Mais la possibilité d’aménagements pour « circonstances nationales particulières » nous interroge sur la réalité de l’ambition des pays à limiter la hausse des températures.
Malgré toutes ces décisions et actions multilatérales, malgré les alertes répétées des leaders politiques, la situation n’évolue pas assez vite ; les rapports produits par les experts et les scientifiques de tous bords (climat, biodiversité, air, océan, banquise, agriculture, faune, …) ne font que confirmer une réalité : la tendance est toujours haussière, faisant craindre une catastrophe humanitaire mondiale par la transformation des conditions de notre habitat : changement climatique, raréfaction des res-sources en eaux, diminution des ressources naturelles (forêts, énergies fossiles,…), disparition d’espèces animales et végétales, migration massive, famine, … Certains pensent qu’il est déjà trop tard. D’autres prônent le rassemblement autour de valeurs solidaires et humanistes pour transformer nos écosystèmes sociaux et industriels.
Une chose est sûre : la durabilité doit être ancrée dans la société toute entière, en tant que principe qui guide les citoyennes et les citoyens, les entreprises et les acteurs de la société civile dans les nombreux choix qu’ils effectuent chaque jour.
Références bibliographiques :
Guimont, C., Theys, J., Nous n’avons jamais été « soutenables » : plaidoyer pour une durabilité forte et une politique des limites, l’Encyclopédie du développement durable, 11/03/2020.
Que sont les objectifs de développement durable ?, Programme des Nations Unies pour le développement, 2021.
Amblard, Christian, « L’urgence environnementale ne se réduit pas à l’urgence climatique », Le Monde, 04/02/2021.
Conférence des Nations Unies sur la biodiversité, Nations Unies, 11/ 10 / 2 0 21.
À la COP26, les négociateurs cherchent un accord avant la clôture de la conférence, ONU Info, 12/11/2021.
Garric, Audrey, Climat : la COP26 accouche d’un accord en demi-teinte, Le Monde, 13/11/2021.