Auteur : Edouard SIMON
Directeur du Bureau de Bruxelles
Les 27 et 28 novembre dernier, avait lieu, à Séville, la conférence ministérielle de l’ESA – l’Agence Spatiale Européenne. Au cours de celle-ci les Européens ont décidé d’augmenter massivement le budget de l’Agence pour les 3 prochaines années. Celui-ci augmentera effectivement de 40% pour atteindre le niveau record de 14,4 milliards d’euros. Eléments de décryptage.
Cette augmentation très substantielle est une très bonne nouvelle car elle témoigne de l’engagement et de l’implication des Etats européens dans le domaine spatial à un moment particulièrement critique. D’autant qu’à ces plus de 14 milliards devraient normalement s’ajouter les 16 milliards du programme spatial de l’Union européenne pour la période 2021 – 2027.
Cet effort arrive à point nommé pour l’Europe spatiale, dont le leadership industriel est mis à mal par le regain d’intérêt des Etats-Unis et des Chinois pour l’Espace. Il faut dire que l’Espace est stratégique à plus d’un titre. Du point de vue militaire tout d’abord, les moyens spatiaux sont d’ores et déjà critiques pour la conduite d’opérations. Et, cela sera encore plus le cas avec les futurs systèmes d’armes, tels que le SCAF – le Système de Combat Aérien du Futur – futur successeur du Rafale et qui reposera en grande partie sur les moyens de télécommunications satellitaires. Mais les moyens spatiaux (le GPS, par exemple) ont aujourd’hui déjà de nombreuses applications dans notre vie quotidienne et sont stratégiques pour la prospérité future de l’Europe.
Celle-ci a pendant longtemps financer ses ambitions spatiales en poussant ses industries à gagner des marchés à l’international. Or, ceux-ci ont tendance à se refermer et de nouveaux concurrents très efficaces (tel l’Américain Space X) sont apparus, menaçant d’autant le modèle économique de notre politique spatiale.
Concrètement, à quoi vont servir ces 14 milliards ?
Ce budget va être ventilé sur plusieurs projets, sur lesquels les Etats membres de l’ESA ont été amenés à préciser leur niveau d’implication. Celui ayant remporté le plus de succès est sans conteste le programme européen d’observation terrestre Copernicus. Il doit permettre d’améliorer notre mesure des émissions de gaz à effets de serre.
Mais, et ce n’était pas gagné d’avance, les Européens ont également convenu de soutenir la filiale lanceurs, qu’il s’agisse des futures versions d’Ariane et de Vega ou du projet de vaisseau spatial SpaceRider. Or, cette industrie, qui assure l’autonomie d’accès des Européens à l’Espace a particulièrement souffert de l’arrivée de nouveaux concurrents, tels que SpaceX et son lanceur réutilisable.
Cette hausse de budget conséquente sera-t-elle suffisante pour assurer la pérennité des ambitions spatiales de l’Europe ?
Au-delà de la question budgétaire se pose la question du rapport des Européens à l’Espace. Ceux-ci considèrent-ils l’Espace et les activités spatiales comme stratégiques ? Et, dans ce cas, quelles conséquences en tirent-ils en termes de politique industrielle, par exemple ? De ces questions dépendent vraiment, au-delà de la question des enveloppes budgétaires certes essentielles, l’avenir de « l’Europe spatiale ». Mais la création à venir d’une Direction Générale dédiée aux industries spatiales et de défense au sein de la Commission européenne et qui sera rattachée au Commissaire Thierry Breton, doit être vue comme un pas important dans cette direction.
Crédit photo : ESA-CNES-Arianespace, Photo Optique Vidéo CSG modifié par Confrontations Europe