SLOVAQUIE – Construire la citoyenneté Européenne : de la réforme électorale à la participation et à l’engagement

Par Vladislava Gubalova, Chercheuse, Centre Globsec pour l’Europe globale

Les élections du Parlement européen de 2024 sont là. Pourtant, même si les propositions de réforme électorale abondent, ces élections ne seront procéduralement pas différentes des précédentes. Le sentiment des citoyens restera le même et le renforcement de la légitimité démocratique de l’UE restera principalement à l’état de paroles. Avec le scénario le plus probable d’une poussée de l’extrême droite dans le nouveau Parlement européen (PE), il est ur- gent de commencer à agir pour construire la citoyenneté européenne et de travailler de bas en haut pour éviter une future érosion de la légitimité de l’Union et un désenchantement accru des citoyens.

Avant les élections de 2024 et à la suite des conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, en mai 2022, le PE a voté en faveur d’une nouvelle proposition pour des réformes plus complètes dans l’Acte électoral euro- péen. La proposition comprenait, entre autres: la création de listes transnationales pour élire 28 Députés supplémentaires (une circonscription électorale à l’échelle de l’UE), des âges minimaux communs pour les candi- dats et les électeurs, un seuil électoral minimal commun (s’appuyant sur la décision du Conseil de 2018 pour les plus grandes circonscriptions nationales(1)) et l’établissement d’un quota pour assurer l’égalité des genres.

Les avantages d’une réforme du proces- sus électoral européen actuel ont longtemps été soulignés. Ils comprennent le potentiel d'<< empowerment >> des citoyens et le renfor- cement de la légitimité démocratique globale de l’Union, la culture d’une identité et d’une communauté européennes, et l’élévation de la légitimité et de la responsabilité des insti- tutions de l’UE. Pour le moins, l’introduction d’une petite taille de listes transnationales (28 sièges sur 720 en 2024) peut servir d’ex- périence utile. Cependant, aucun véritable progrès n’a été observé au cours des vingt dernières années. Le Conseil n’a pas avancé sur la dernière proposition.

« il est urgent de commencer à construire la citoyenneté européenne et de travailler de bas en haut pour éviter une future érosion de la légitimité de l’union »

La question de la construction de listes transnationales est souvent liée au processus de nomination du Président de la Commission eu- ropéenne. L’idée de donner encore plus de voix aux citoyens dans le choix du Président de la Commission à travers la procédure du << Spitzenkandidat >>(2) semble raisonnable. Pour- tant, dans le système actuel et en observant les préparatifs des élections européennes de 2024 par les partis européens, la possibilité est qua- siment révolue. Néanmoins, la nomination du Président de la Commission par un accord inter- institutionnel juridiquement contraignant entre le Conseil et le PE serait très bénéfique pour la transparence et la crédibilité du Président.

Dans le contexte d’une poussée des partis d’extrême droite, anti-systèmes et euroscep- tiques avant les élections du PE, il y a le sentiment persistant de grandes opportunités manquées pour renforcer le sentiment d’appropriation et d’engagement des citoyens européens, de faire avancer vers une communauté européenne plus unifiée et de renforcer la légitimité de l’Union, démocratiquement et institutionnellement. dernières années. Le Conseil n’a pas avancé sur la dernière proposition.

La question de la construction de listes transnationales est souvent liée au processus de nomination du Président de la Commission eu- ropéenne. L’idée de donner encore plus de voix aux citoyens dans le choix du Président de la Commission à travers la procédure du << Spitzenkandidat >>(2) semble raisonnable. Pour- tant, dans le système actuel et en observant les préparatifs des élections européennes de 2024 par les partis européens, la possibilité est qua- siment révolue. Néanmoins, la nomination du Président de la Commission par un accord inter- institutionnel juridiquement contraignant entre le Conseil et le PE serait très bénéfique pour la transparence et la crédibilité du Président.

Dans le contexte d’une poussée des partis d’extrême droite, anti-systèmes et euroscep- tiques avant les élections du PE, il y a le sentiment persistant de grandes opportunités manquées pour renforcer le sentiment d’appropriation et d’engagement des citoyens européens, de faire avancer vers une communauté européenne plus unifiée et de renforcer la légitimité de l’Union, démocratiquement et institutionnellement.

(1) La décision portait sur la fixation d’un seuil minimal d’entrée (2-5%) dans les grandes circonscriptions/grands États membres (EM). Elle n’a pas été ratifiée par tous les États membres et n’est donc pas disponible pour les prochaines élections.

(2) Le terme << Spitzenkandidaten », meilleur candidat, n’a pas permis d’obtenir un soutien tu processus lui-même et devrait être abandonné.

(3) Même si l’équilibre géographique proposé par le rapporteur du PE dans la proposition 2022 est mieux respecté que dans la proposition précédente, il reste une préoccupation.

► LA ROUTINE HABITUELLE…

Il y a une réassurance dans ce qui est connu. Avoir les élections du PE comme 27 élections nationales distinctes, avec peu d’implication et d’engagement des partis européens locale- ment, rend tout cela trop confortable pour les États membres. Jusqu’à présent, les élections du PE, en particulier dans les pays d’Europe centrale et orientale, ont été presque exclusive- ment axées sur des questions domestiques.

Pourtant, il n’y a pas beaucoup d’appétit pourtransformer les campagnes électorales du PE en campagnes plus orientées vers l’Europe, la préférence réside plutôt dans la nationalisa- tion des élections du PE. Les partis nationaux voient une plateforme supplémentaire pour se présenter aux électeurs locaux comme un trem- plin pour les prochaines élections nationales. Une telle vision de l'<< utilisation >> des élections du PE pour des gains domestiques laisse à peine de place à la possibilité d’introduire des listes transnationales, ce qui nécessiterait également une campagne à l’échelle européenne avec des questions européennes à l’ordre du jour.

De plus, de nombreux partis nationaux font peu d’efforts pour expliquer la dimension transnationale de ces élections. L’absence de connexion de leur campagne à leur famille de partis européens, interroge la transparence du processus et étouffe la sensibilisation et la visibilité de la dimension européenne des élections européennes.

« LE SUCCÈS D’UN ENGAGEMENT CITOYEN DURABLE ET RÉGULIER DÉPEND DES EFFORTS DE MULTIPLES PARTIES PRENANTES, DES AUTORITÉS NATIONALES ET LOCALES à LA SOCIÉTÉ CIVILE, ETC.”

De même, la direction des partis euro- péens, leurs structures ou leurs liens avec diffé- rents partis nationaux sont pratiquement inconnus des citoyens ordinaires. Une telle sé- paration <<< Bruxelles est trop loin » est une op- portunité manquée d’engager les électeurs de manière significative et durable. Avec la possi- bilité d’élection d’un Parlement européen beau- coup plus eurosceptique cette année, les partis traditionnels semblent désengagés et lents, encore confortables, même si leurs positions s’érodent (perte de sièges).

QUE FAIRE?

Dans l’état actuel, où la probabilité d’une réforme électorale imminente n’est pas encou- rageante, se concentrer sur la construction du sentiment d’identité européenne des citoyens depuis la base peut être une étape possible pour atteindre leur autonomisation. Par consé- quent, leur sensibilisation accrue et leur impli- cation régulière dans divers formats participatifs ont le potentiel de construire une demande de changement depuis la base.

Certaines leçons importantes peuvent être tirées de l’expérience de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (COFE). Au-delà des conclu- sions finales, qui pointent ambitieusement vers des réformes dans toutes les politiques et dimensions européennes (nécessitant souvent des changements de traités), le processus lui-même est peut-être le bénéfice le plus précieux pour les citoyens. Tandis que dans des pays comme l’Irlande ou la France les mécanismes démocratiques participatifs et délibératifs ont été demandés, facilités et mis en œuvre avec succès, dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO), ceux-ci sont rela- tivement rares, inconnus et, même si promul- gués, souvent pas mis en œuvre avec succès.

D’une part, le processus COFE a montré le manque de culture de participation dans les PECO. Cela a été vu parfois par l’approche des gouvernements nationaux, conduisant des activités pro forma et étouffant le poten- tiel pour une participation réelle. Dans d’autres cas, comme en Slovaquie, le gouvernement a procédé avec un engagement sérieux dans

« LA MISE EN PLACE DE CONSEILS DE JEUNESSE aux NIVEAUX DE L’UE, NATIONAL ET LOCAL, PEUT FOURNIR AUX JEUNES UNE VOIE PRÉCIEUSE POUR EXPRIMER LEURS IDÉES Eт CONTRIBUER AU DÉBAT PUBLIC.”

► construction d’une citoyenneté européenne, une communauté investie qui, étant donné les opportunités façonnées et réorientant les politiques européennes, peut véritablement contribuer à l’avenir de l’Union. Pour réaliser cet objectif, il est essentiel de reconnaître et d’adresser les obstacles à la participation et à l’engagement, en s’attaquant aux racines du problème et en favorisant une culture de par- ticipation active au sein de l’UE.

Cela implique non seulement de réviser et d’améliorer les mécanismes existants, mais également d’innover dans la manière dont nous envisageons la participation citoyenne et l’en- gagement politique. Il est crucial de rendre la politique de l’UE plus accessible et compré- hensible pour ses citoyens, en démolissant les barrières perçues de distance et de complexi- té qui séparent souvent les institutions de l’UE de ses citoyens.

L’éducation civique joue un rôle important dans ce contexte, en informant les citoyens non seulement sur leurs droits, mais aussi sur leurs responsabilités en tant que membres actifs de la communauté européenne. Les initiatives éducatives devraient mettre l’accent sur l’im- portance de la participation politique et sur la manière dont chaque citoyen peut contribuer à la démocratie européenne, que ce soit par le vote, la participation à des dialogues citoyens ou l’engagement dans des initiatives locales et européennes.

En outre, l’utilisation de la technologie et des plateformes numériques pour faciliter une participation plus large et plus inclusive peut jouer un rôle transformateur. L’expérience de la pandémie de Covid-19 a montré la capacité des sociétés à s’adapter à des formes de com- munication et de participation virtuelles, ou- vrant ainsi de nouvellesvoies pour l’engagement démocratique.

Enfin, il est impératif de rétablir la confiance dans les institutions de l’UE et dans le proces- sus démocratique européen. Cela nécessite une transparence accrue, une responsabilité et une communication efficace sur la manière dont les décisions sont prises et sur la manière dont les citoyens peuvent influencer ces déci- – sions. Renforcer la légitimité et la crédibilité des institutions de l’UE passe par l’implication active des citoyens dans le processus politique et décisionnel.

La construction d’une citoyenneté euro- péenne engagée et informée est un projet à S long terme qui nécessitera des efforts conti- nus et concertés de la part de toutes les par- ties prenantes, y compris les institutions de I’UE, les États membres, la société civile et, surtout, les citoyens eux-mêmes. C’est seule- ment par une participation active et éclairée que nous pouvons espérer construire une Union européenne plus forte, plus unie et plus démocratique pour les générations futures. La voie vers une Union européenne plus engagée et démocratique repose sur la capa- cité à transformer l’engagement civique de concept en action concrète. Cela signifie créer des opportunités tangibles pour que les ci- toyens jouent un rôle actif dans la formulation des politiques non seulement au niveau eu- ropéen, mais aussi au sein de leurs commu- nautés locales. La décentralisation de la participation démocratique pour mieux refléter et servir les besoins et préoccupations des citoyens à la base est essentielle pour renforcer le sentiment d’appartenance et l’identité européenne.

Une démarche essentielle dans ce proces- sus est d’encourager une culture de dialogue et d’échange continu entre les citoyens et les décideurs. Cela pourrait prendre la forme de forums publics réguliers, de consultations en ligne et d’assemblées citoyennes qui abordent des sujets d’importance européenne, nationale et locale. Ces espaces de dialogue doivent être inclusifs, permettant à tous les segments de la société de partager leurs perspectives et de contribuer à la prise de décision.

La collaboration entre les institutions de l’UE, les organisations de la société civile, les éducateurs et les médias est cruciale pour diffuser l’information de manière efficace, et pour combattre la désinformation qui peut saper la confiance et l’engagement. En four- nissant aux citoyens des informations fiables et accessibles sur l’UE, ses politiques et son impact sur leur vie quotidienne, on peut aug- menter leur capacité à participer de manière significative aux débats et aux décisions.

L’importance de la jeunesse dans ce pro- cessus ne peut être sous-estimée. En engageant activement les jeunes européens à travers l’éducation civique, les programmes d’échange et les plateformes de participation dédiées, on peut cultiver une génération future qui se sent non seulement concernée, mais aussi capable d’influencer le cours de l’Union européenne. La mise en place de conseils de jeunesse aux niveaux de l’UE, national et local, peut fournir aux jeunes une voie précieuse pour exprimer leurs idées et contribuer au débat public.

En fin de compte, la construction d’une citoyenneté européenne plus forte repose sur la reconnaissance et la valorisation de la gagée et démocratique repose sur la capa- cité à transformer l’engagement civique de concept en action concrète. Cela signifie créer des opportunités tangibles pour que les ci- toyens jouent un rôle actif dans la formulation des politiques non seulement au niveau eu- ropéen, mais aussi au sein de leurs commu- nautés locales. La décentralisation de la participation démocratique pour mieux reflé- ter et servir les besoins et préoccupations des citoyens à la base est essentielle pour renfor- cer le sentiment d’appartenance et l’identité européenne.

Une démarche essentielle dans ce proces- sus est d’encourager une culture de dialogue et d’échange continu entre les citoyens et les décideurs. Cela pourrait prendre la forme de forums publics réguliers, de consultations en ligne et d’assemblées citoyennes qui abordent des sujets d’importance européenne, nationale et locale. Ces espaces de dialogue doivent être inclusifs, permettant à tous les segments de la société de partager leurs perspectives et de contribuer à la prise de décision.

La collaboration entre les institutions de l’UE, les organisations de la société civile, les éducateurs et les médias est cruciale pour diffuser l’information de manière efficace, et pour combattre la désinformation qui peut saper la confiance et l’engagement. En four- nissant aux citoyens des informations fiables et accessibles sur l’UE, ses politiques et son impact sur leur vie quotidienne, on peut aug- menter leur capacité à participer de manière significative aux débats et aux décisions.

L’importance de la jeunesse dans ce pro- cessus ne peut être sous-estimée. En engageant activement les jeunes européens à travers l’éducation civique, les programmes d’échange et les plateformes de participation dédiées, on peut cultiver une génération future qui se sent non seulement concernée, mais aussi capable d’influencer le cours de l’Union européenne. La mise en place de conseils de jeunesse aux niveaux de l’UE, national et local, peut fournir aux jeunes une voie précieuse pour exprimer leurs idées et contribuer au débat public.

En fin de compte, la construction d’une citoyenneté européenne plus forte repose sur la reconnaissance et la valorisation de la diversité au sein de l’UE. Cela signifie recon- naître les différentes identités, cultures et langues comme une richesse qui apporte au projet européen, plutôt que comme des obs- tacles à l’unification. Célébrer cette diversité à travers des initiatives culturelles et éduca- tives peut aider à construire des ponts entre les citoyens des différents États membres, en renforçant le sentiment d’une identité euro- péenne commune.

L’engagement à long terme pour la ci- toyenneté européenne nécessite une vision audacieuse et un engagement renouvelé de toutes les parties prenantes. Alors que l’Union européenne continue d’évoluer, le besoin d’une participation citoyenne active et éclairée n’a jamais été aussi critique. Par une approche collaborative, inclusive et orientée vers l’avenir, nous pouvons non seulement répondre aux défis actuels, mais aussi poser les fondations d’une Union européene plus résiliente, démo- cratique et unie pour les années à venir.

CONFRONTATIONS EUROPE I LA REVUE #138

Sources:

Areitio Asier, 2023, https://www.iedonline.eu/download/2023/ european-democracy/2023_JED_Report_ASIER.pdf

Olivier Costa et autres, 2023, https://www.politica.eu/ wp-content/uploads/2023/09/19/Paper-EU-reform.pdf

Parlement européen, 2022, https://www.europarl.europa.eu/ legislative-train/theme-constitutional-affairs-afco/file-reform- of-the-electoral-law-of-the-european-union

Gatterman, K., 2019. «Le rôle des listes transnationales dans les élections du Parlement européen».

European Policy Alalyses », p. 5(2), 206-217,

Vladislava Gubalova et Kinga Brudzinska, 2021, https://www.globsec.org/sites/default/files/2021-01/CoFE- a-National-Model-for-Central-Europe.pdf

Vladislava Gubalova et Lukas Draveck, 2023, https://www.globsec.org/sites/default/files/2023-08/

EUAc12%20report.pdf

Sara Hobolt, 2020, The Brexit Vote: A Divided Nation, A Divided Continent, Journal of European Public Policy, p. 27(3), 442-457,

Luise Quaritsch, 2024, https://www.delorscentre.eu/fileadmin/

2_Research/1 About_our_research/2_Research_centres/

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CONFRONTATION-EUROPE-138-210×297-WEB-54-59

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