Marie-France BAUD
Responsable du groupe Finances à Confrontations Europe et directrice du bureau de Bruxelles
Depuis dix ans, Confrontations Europe œuvre pour que la finance soit un moyen au service d’une véritable stratégie européenne d’investissement.
Pour une finance régulée au service du long terme
Ces dernières années, la finance aura été au cœur de l’actualité et du travail de Confrontations Europe qui a nourri quelques propositions phares à l’intention des décideurs politiques. Confrontations a très vite acquis la conviction de l’urgence et de l’importance de la réglementation financière, compte tenu de l’accélération des crises financières depuis 1997. Philippe Herzog, alors vice-président de la commission ECON au Parlement européen, avait soutenu le rapport de sa collègue néerlandaise Ieke van den Burg (Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates – S&D) qui, dès 2002, demandait un débat public sur une supervision européenne.
Quelques années plus tard, l’actualité s’emballait avec la crise des subprimes américains qui a emporté les marchés financiers dans une des plus graves crises qu’ils aient connues. Nous pressentions à Confrontations Europe qu’il s’agissait bien plus que d’une crise immobilière « classique » ayant pour théâtre d’opérations les États-Unis, mais d’un véritable dérèglement du système financier. Nous avons contribué aux réflexions sur les réformes du secteur financier et sur l’architecture future de la supervision européenne, suite à la proposition de la Commission sur la base du rapport de Larosière(1), en lien avec les autorités nationales. Nous avons travaillé sur le renforcement des capitaux propres et ratios d’endettement, sur le renflouement des établissements financiers, sur la genèse d’une Union bancaire, sur la gestion et la résolution des crises bancaires, sur les effets pervers de la « fair market value », sur la régulation des assurances et des fonds de pension… Autant de dossiers et d’initiatives prises par la Commission pour réguler le secteur financier afin de lui permettre de recouvrer stabilité et in fine retrouver sa raison d’être, le financement de l’économie avec la confiance des utilisateurs.
Revitalisation de l’investissement
Car pour nous, la stabilité financière n’aura pas été notre seul objectif : nous l’avons liée aux conditions d’une reprise d’une croissance à la fois soutenue et soutenable. Dès 2010, Confrontations visait particulièrement la nécessité d’une promotion des investissements de long terme matériels et immatériels en Europe : face à un système financier court-termiste, il fallait veiller à ce que la régulation n’entrave pas la finance patiente tant les besoins sont énormes, qu’il s’agisse d’infrastructures, d’énergie décarbonée, d’économie numérique, des mutations des besoins ruraux et urbains, de formation.
Confrontations s’est engagée dès 2009, aux côtés du Club des investisseurs de long terme, dans un combat décisif pour l’avenir de l’Europe, la revitalisation de l’investissement. Nous avons entamé une réflexion sur la valorisation et le financement des projets d’investissement dans un cadre européen favorable au long terme et à la cohésion.
Le débat aura été difficile à installer sur la place européenne, nous y avons pris une part active et, en mars 2013, un livre vert sur l’investissement de long terme a été publié. Ce livre vert aura été une opportunité de transformer la stratégie UE 2020 en véritable stratégie de croissance avec au centre l’impératif industriel et comme moyen la finance. Dans notre réponse à la consultation, nous insistions sur l’importance de mettre en cohérence l’articulation des initiatives de régulation financière en nous posant ces deux questions : le financement à long terme, pour quelles finalités et comment ? Et face à la menace de stagnation durable, nous avons alors décidé de créer, dès 2014 à Bruxelles, les Assises européennes du long terme de Confrontations Europe. Nous entendions ici, avec tous les acteurs concernés des secteurs public et privé, économique et financier, proposer aux dirigeants politiques européens les domaines prioritaires et les réformes, notamment fiscales et de supervision à conduire. Le plan d’investissement européen, dit « plan Juncker », est une première étape, bienvenue, vers une conscience politique commune mais il ne constitue pas une stratégie européenne commune pour l’investissement. Le combat continue…
1) En octobre 2008, au cours de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, Jacques de Larosière s’est vu confier pour mission de réfléchir aux moyens de lutter contre les défaillances du système européen de surveillance et de gestion des crises. Les recommandations du rapport ont été reprises lors du Conseil européen extraordinaire de juin 2010.