Hervé JOUANJEAN
Vice-président de Confrontations Europe
Dans quatre mois, les citoyens français éliront leurs représentants au Parlement européen. Les États membres ont confié des compétences majeures à l’Union européenne et à ses institutions. Aucun citoyen ne peut s’en désintéresser. Et pourtant…
Et pourtant tout risque de tourner encore une fois autour de débats franco-français sur la politique française et l’opportunité ou non de poursuivre la construction européenne. Signe d’un malaise profond, d’une France qui ne s’aime pas et qui n’en finit pas de réveiller ses vieux démons, d’un État qui ne parvient pas à se réformer. Quand j’observais la situation depuis Bruxelles, il m’est souvent arrivé de constater que le comportement de la France et celui du Royaume-Uni avaient sur le fond bien des points communs, avec des intérêts différents certes et, surtout, l’une sur une île et l’autre sur le continent avec les conséquences géopolitiques que cela impliquait. Historiquement deux grands pays, deux grands empires il n’y a pas si longtemps que cela. Chacun à sa manière a cherché à se projeter dans le rêve d’un futur tout aussi glorieux et à bien des égards nos États n’ont pas été en mesure de mener à bien l’opération de renaissance qu’imposait l’émergence d’un nouvel environnement mondial aux plans économique et politique. Nul doute que nos glorieux ancêtres auraient attendu mieux de nous. Nul doute que nous pouvons y parvenir.
La construction européenne a initialement été une immense opération de paix et de réconciliation, construite sur les réalités de vie économique qui ont permis de la consolider dans le temps. Elle a été un instrument de renouveau et d’enrichissement incomparable qui force l’admiration du monde. Elle a été l’ambition qui a permis de ramener à la démocratie les anciens pays d’Europe de l’Est. Ceux qui ont lancé ce projet ont eu le courage fou d’aller serrer la main de l’autre, de celui avec qui il avait fait la guerre.
Bien des problèmes français résultent de ces longues périodes de rêve au cours desquelles certains ont cru qu’invoquer les mannes du passé et payer pour rendre le chômage supportable socialement suffirait à leur survie politique. Les réponses se trouvent au niveau national dans l’éducation, la formation, la recherche, tout ce qui renforce la compétitivité de l’économie et permettra de vaincre le chômage, de distribuer des salaires décents et de sauvegarder une solidarité nationale. Elles se trouvent aussi au niveau européen qui permet à la France de participer à un espace de pouvoir, au sein duquel elle compte, et susceptible d’imposer son point de vue au niveau mondial face aux États-Unis, à la Chine, bientôt à l’Inde, au Brésil ou à l’Indonésie sans parler de ces nouveaux pays virtuels que sont les géants de l’ère du numérique. Dans bien des domaines, la base de notre souveraineté est l’Europe : la force du marché intérieur auquel nos amis britanniques s’accrochent désespérément, une économie numérique performante où l’homme trouve sa place conformément aux valeurs européennes, l’environnement, fondamental pour la survie de l’espèce humaine, pour lequel la voix forte et respectée de l’Europe est essentielle, une politique de migrations respectueuse, solidaire et ferme, les enjeux de sécurité et de défense à propos desquels une conscience structurée commence à émerger.
En bref, l’intérêt de la France et des Français est qu’un véritable débat ait lieu et de porter au Parlement européen des élus représentant une variété d’opinions qui repoussent un nombrilisme rétréci, s’impliquent dans les groupes politiques et dans les Commissions parlementaires et s’attellent à des dossiers à même de consolider l’Union européenne et ses valeurs sans nier les différences culturelles entre pays européens.