Anne MACEY
Déléguée générale, Confrontations Europe
Face à la transformation numérique, l’Europe a plein d’atouts, mais est en retard par rapport aux Etats-Unis et à la Chine. Il y a plusieurs préoccupations auxquelles nous devons répondre.
L’Europe est trop peu représentée dans l’industrie des plateformes. Or, elles interviennent dans des endroits stratégiques des chaînes de valeur. D’où un risque de dépendance. La concurrence avec des géants industriels tirés par l’Etat chinois aura des conséquences considérables pour l’Europe, pas seulement économiques, mais politiques. L’industrie européenne se prépare trop lentement, même l’industrie automobile allemande, le Mittelstand.Alors comment faire pour que nos industries, nos emplois restent et se créent en Europe et en France ?
Plus que des slogans, l’Amérique d’abord, et la Chine d’abord, sont des réalités quotidiennes. Mais nous, on a au mieux « Allemagne d’abord », « Italie d’abord », « France, d’abord ». Au mieux, … ou au pire, parce que nous sommes concurrents entre nous Européens, alors que c’est collectivement que nous pourrons mener ce combat pour notre avenir.
Mais l’Europe, c’est-à-dire l’Union Européenne et les Etats membres, peut-elle agir ?
Oui, la politique industrielle européenne est une compétence partagée. Il y a urgence à assurer l’autonomie européenne pour assurer nos valeurs européennes. Nous devons mobiliser l’épargne privée et publique pour investir massivement dans l’Intelligence artificielle, le Big Data, les compétences. Il va bien falloir pour cela isoler les fonds publics du déficit budgétaire.
D’accord, mais la politique de la concurrence peut-elle servir un patriotisme économique européen ?
D’abord, pour donner priorité au Made in Europe et aux emplois européens, on ne peut pas être par principe contre les aides d’Etat, surtout pour les industries naissantes : la Chine n’est pas une économie de marché, nous devons développer une industrie européenne de la batterie.
Ensuite, la politique de la concurrence doit autoriser les consolidations d’entreprises au niveau européen, parce que le jeu est mondial, plutôt que d’organiser une concurrence entre Européens. Il faut en finir avec les rivalités nationales stériles d’Etats nations réticents aux fusions/acquisitions d’un autre acteur européen sur un champion « national ». Nous avons besoin de nous appuyer sur un vaste marché domestique européen, comme le font chez eux les géants américains et chinois.
Il faudra bien sûr mettre en place un cadre juste au plan fiscal, social, environnemental, numérique au niveau européen et international, mais ça sera pour une prochaine chronique !