Opinion | « Faisons de l’Europe, un continent d’hydrogène », Les Echos – Le Cercle, 14.02.24

Le plus grand gisement d’hydrogène naturel au monde vient d’être découvert en Lorraine. Cette bonne nouvelle pour la France doit s’inscrire dans une politique coordonnée avec l’Union européenne pour permettre un développement efficient de la filière hydrogène, souligne Michel Derdevet, président de Confrontations Europe.

La découverte spectaculaire en France d’un gisement d’hydrogène blanc, c’est-à-dire d’« hydrogène natif » présent à l’état naturel dans les sous-sols de la Terre a eu pour conséquence de produire beaucoup de réactions d’espoir et d’exaltation quant à notre capacité d’extraire ces ressources.

Ce « gisement lorrain », estimé à 46 millions de tonnes, soit quatre fois l’objectif annuel de production fixé par la Commission européenne pour 2030, présente cependant un certain nombre de défis techniques qu’il est essentiel de surmonter afin de procéder à son exploitation. Ce faisant, de telles annonces ne doivent pas nous aveugler quant à la nécessité de produire industriellement un hydrogène que l’on consomme aujourd’hui massivement dans la chimie pour la production d’engrais et dans le raffinage en tant que réactif chimique.

L’hydrogène, ou plus exactement le dihydrogène (H2), est la plus petite et la plus légère molécule de l’univers. Si sa taille et son poids suffisent à souligner son originalité, la question de son utilisation par l’être humain révèle sa véritable singularité. Les différents usages de l’hydrogène consomment annuellement près de 100 millions de tonnes dans le monde, 10 millions de tonnes en Europe et 1 million de tonnes en France. Dans l’Hexagone, la production d’hydrogène carboné correspond au niveau de la consommation, soit 1 million de tonnes ; mais elle représente près de 3 % des émissions de gaz à effets de serre, étant basée à 98 % sur des combustibles fossiles.

Objectifs ambitieux de l’UE

Ainsi, l’enjeu de décarbonation s’avère ici majeur, alors que les nouveaux usages de l’hydrogène vert devront s’accompagner d’une multiplication des volumes produits. Plusieurs secteurs de l’industrie et des transports, difficiles à décarboner, bénéficieraient de cet usage, et ce d’autant plus que ces derniers représenteraient près d’un tiers de nos émissions de CO2. Ce défi s’étend également aux infrastructures de transport. Bien que l’hydrogène puisse bénéficier, en partie, des infrastructures gazières existantes, il justifie un déploiement d’infrastructures dédiées du fait de ses caractéristiques techniques et de ses destinataires finaux.

Enfin, si l’hydrogène apparaît adapté comme outil de flexibilité pour répondre à l’intermittence des énergies renouvelables, les technologies permettant son stockage ne sont pas encore à maturité.

Dans ce contexte, la Commission européenne a déployé en 2020 sa Stratégie hydrogène, accompagnée d’objectifs ambitieux au vu de la production actuelle (10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelables produit en Europe, auxquels s’ajoutent 10 millions de tonnes importées en 2050). Ils traduisent une véritable prise de conscience de l’importance de l’hydrogène pour le futur énergétique de l’Union.

Coordination et collaboration

Pour autant, plusieurs facteurs freinent l’adoption rapide de l’hydrogène vert là où il est nécessaire et il est urgent d’y remédier. A ce titre, la nouvelle banque européenne de l’hydrogène va dans le bon sens, car elle permet de financer l’installation de nouvelles infrastructures. Cette dynamique d’investissement doit être impérativement accompagnée par les opérateurs privés dans leurs stratégies de décarbonation industrielles.

Il est primordial de coordonner l’ensemble des outils financiers ou législatifs à disposition des autorités européennes et nationales, pour permettre un développement efficient de la filière hydrogène. On ne peut pas se contenter de mesurer l’appui fourni au développement de l’hydrogène vert sur la seule base des financements publics, il faut impérativement réfléchir, en parallèle, à la structure d’un véritable marché idoine.

Concertations et collaborations futures sur l’hydrogène doivent dès lors s’inscrire dans un cadre avant tout européen. L’hydrogène est porteur d’importantes solutions aux défis qui se présentent à nous. Il peut incarner un pan substantiel de notre stratégie industrielle européenne, constituer un pilier de notre autonomie stratégique et contribuer à la réussite de la transition écologique européenne. L’Europe dispose de moyens suffisants pour affirmer son leadership sur l’hydrogène décarboné. Mais pour cela, encore faut-il qu’elle sache construire un vrai consensus politique entre Etats membres et jeter les bases de collaborations industrielles ambitieuses. Sinon, le potentiel de cette minuscule molécule restera insaisissable…

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