Fabienne Keller (1), Députée européenne Renew Europe, Questeur du Parlement européen, Membre de la commission LIBE
L’évolution des phénomènes migratoires Depuis le conflit syrien en 2015 et l’arrivée de 2,3 millions de demandeurs d’asile, l’Europe fait face à une accélération des phénomènes migratoires, sous des formes diverses et à des points différents du continent.
Plusieurs exemples l’attestent : l’accroissement des traversées irrégulières – et trop souvent mortelles – de migrants en mer Méditerranée, les guerres qui ont poussé les Afghans (été 2021) puis les Ukrainiens (février 2022) à fuir leur pays et se réfugier, ou les nouvelles formes d’« instrumentalisation » migratoire par des pays tiers pour faire pression sur l’Europe.
L’orchestration d’un flux migratoire de migrants en situation irrégulière aux frontières polonaises, lituaniennes et lettones par le régime dictatorial de Viktor Loukachenko à l’automne dernier est une manifestation brutale de l’instrumentalisation d’êtres humains.
Ces phénomènes migratoires ne sont pas propres à l’Union européenne mais traduisent une dynamique mondiale. Mi-2021, l’UNHCR recensait 26,6 millions de réfugiés dans le monde, dont à peine 10 % pour l’UE.
Dans le même temps, ils rebattent les cartes de la migration sur notre continent et poussent des pays d’Europe centrale et de l’Est, jusque-là éloignés des migrations dites du « Sud », à être confrontés eux-mêmes aux problématiques du pays de première entrée.
L’Europe au pied du mur
À ces crises, l’Union répond en urgence et peine à fédérer les États qui s’écartent des règles ou de la coordination européenne en matière d’asile et de migration. Le 1er décembre dernier, lors de mon déplacement à la frontière polonaise avec la Biélorussie, j’ai dénoncé les conditions inacceptables des migrants bloqués dans une zone d’urgence, sans ressources et sans aide, par des températures négatives.
Au Parlement européen, je m’engage pour bâtir de nouvelles solutions plus solidaires, plus efficaces et résolument européennes.
D’abord, l’adoption du Pacte sur l’asile et la migration est prioritaire. Cette réforme entend modifier profondément le système actuel autour de trois objectifs principaux et complémentaires :
- le renforcement du dialogue avec les pays tiers, afin d’instaurer des partenariats mutuellement bénéfiques en matière de voies légales de migration de travail, de lutte contre les réseaux de passeurs et de retours des personnes en situation irrégulière dans l’UE ;
- le contrôle des frontières extérieures de l’Union, avec un enregistrement obligatoire dans les pays de première entrée et une procédure rapide à la frontière pour les personnes manifestement non éligibles ;
- un mécanisme de solidarité tangible et prédictible pour partager la responsabilité entre les 27 États membres en cas de pression ou de crise migratoire.
Ce sont les trois piliers d’une politique européenne plus juste et plus efficace. J’appelle les États membres, au Conseil, à s’engager plus résolument dans cette réforme afin qu’elle aboutisse avant la fin de notre législature parlementaire (avril 2024).
Sans attendre la réforme du Pacte sur la migration et l’asile, nous pouvons agir dès aujourd’hui en améliorant la mise en œuvre des règles actuelles et en nous appuyant davantage sur les agences européennes. L’Agence européenne d’asile (EUAA) et l’Agence de protection des frontières (Frontex) disposent de mandats renforcés et de capacités techniques et opérationnelles pour épauler les autorités nationales sur le terrain. Je pense en particulier à la nouvelle réserve de 500 experts d’asile nationaux, prêts à être déployés pour épauler les États membres dans la gestion des procédures d’asile.
Les fonds européens et les projets pilotes permettent aussi d’apporter des solutions concrètes et de soulager les pays confrontés à des pressions migratoires.
Enfin, l’Union et les États devraient tirer les leçons de l’accueil des réfugiés ukrainiens victimes de l’agression russe. L’activation pour la première fois du mécanisme de protection temporaire a permis l’accueil humanitaire et la mise à l’abri de millions de personnes fuyant la guerre. Un tel acte de solidarité transeuropéen, presque impensable auparavant, démontre la capacité de l’Union à répondre aux nouveaux défi s migratoires, avec humanité et conformément à nos valeurs fondamentales.
1 Fabienne Keller est Députée européenne, membre du groupe Renew Europe au Parlement européen. Investie sur les sujets d’asile et de migration en commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures (LIBE), Fabienne Keller est Rapporteure pour le Parlement européen sur le règlement procédures d’asile et Rapporteure pour son groupe sur le nouveau règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration (ex-règlement Dublin III).