Pascal BRICE
Directeur général de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides)
L’initiative de l’Ofpra (Office de protection des réfugiés et apatrides) de dépêcher des équipes au Proche-Orient pour porter secours aux demandeurs d’asile les plus fragiles va dans la bonne direction. Elle a été étendue au Sahel par Emmanuel Macron dès l’été 2017. Certes ce programme ne concerne que quelques milliers de réfugiés, mais ne pourrait-il pas, si quelque volonté politique se faisait jour au sein de la « forteresse Europe », être porté par d’autres États membres ?
La France au chevet des demandeurs d’asile les plus vulnérables. Depuis la fin de l’année 2013, les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) sont mobilisés auprès des personnes fuyant les persécutions dans leur pays et placées sous la protection du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) dans le cadre du programme de réinstallation(1). À cet effet, des missions sont régulièrement organisées au Proche-Orient, en Turquie, au Liban et en Jordanie, et depuis peu en Afrique, au Niger et au Tchad. Ainsi, les 13 missions organisées en 2017 ont concerné plus de 4 500 Syriens, Palestiniens de Syrie, Irakiens, Érythréens, Centrafricains, Soudanais, etc.
Les officiers de protection déployés pour une mission d’une à deux semaines procèdent à des entretiens sur place. Lorsque les personnes concernées arrivent sur le territoire français, elles reçoivent directement la décision de l’Ofpra. Ce dispositif s’inscrit en cohérence avec l’objectif de ces missions d’accueillir en France des personnes vulnérables en besoin manifeste de protection internationale. Il s’agit par exemple de personnes présentant des pathologies graves, ou de femmes seules avec enfants.
Pas une mesure d’externalisation de l’asile
Il ne s’agit pas d’une externalisation de l’asile, dès lors que ces missions de protection à l’extérieur sont bien complémentaires de l’examen au fond des demandes d’asile formulées sur le sol européen. Dès l’automne 2017, ces missions de protection au Proche-Orient ont été étendues à l’Afrique subsaharienne, comme annoncé par le président de la République le 27 juillet 2017 à Orléans. Il avait alors souhaité que « l’Union européenne, et à tout le moins, la France le fera-t-elle, puisse aller traiter les demandeurs d’asile au plus près du terrain, dans l’État tiers le plus sûr, proche justement des États d’origine pour leur éviter de prendre des risques inconsidérés ».
Début août 2017, une mission exploratoire de l’Ofpra au Niger puis au Tchad a permis la concertation avec les autorités locales et le HCR en vue du déploiement d’officiers de protection de l’Ofpra. Ces derniers ont ainsi pu être présents au Tchad dès le mois d’octobre 2017, pour une mission d’une semaine qui a bénéficié à 230 ressortissants centrafricains et soudanais, préalablement enregistrés par le HCR et relevant du droit d’asile. S’ajoute à ce premier critère la prise en compte de la vulnérabilité de ces personnes, ainsi que le risque de les voir poursuivre leur migration vers l’Europe à travers les terribles dangers de la Libye et de la Méditerranée. Mi-novembre 2017, une autre équipe de l’Ofpra s’est rendue à Niamey, capitale du Niger, où ont été entendues 72 personnes. Parmi elles, 25 personnes érythréennes et soudanaises récemment évacuées de Libye par le HCR ont pu être entendues avant d’être accueillies sur le sol français en urgence en raison de leur grande vulnérabilité, dans un délai de quelques semaines.
À ce jour, trois missions de protection se sont tenues au Niger et au Tchad et d’autres sont en cours d’organisation dans les mois à venir. Parallèlement, les missions au Proche-Orient et en Turquie se poursuivent.
Le 9 octobre 2017, le président de la République a annoncé l’accueil en France, d’ici 2019, de 10 000 personnes dans le cadre de ce programme de réinstallation, dont 3 000 en provenance du Niger et du Tchad, et 7 000 depuis la Turquie, la Jordanie et le Liban pour des réfugiés syriens. Il a en outre invité ses homologues européens à rejoindre la France dans cette mobilisation pour éviter les drames vécus sur les routes migratoires vers l’Europe.
Aujourd’hui, le succès des missions de protection de l’Ofpra repose sur le travail avec les équipes du HCR. Leur réussite au Sahel dépend de la capacité du HCR à intervenir dans de bonnes conditions en Libye, mais également de l’engagement des États membres de l’Union européenne et, au-delà, des membres de la communauté internationale à prendre leur part dans la réinstallation des réfugiés, particulièrement en offrant leur soutien à la campagne exemplaire menée par les autorités nigériennes pour la prise en charge des rescapés de l’enfer libyen.
1) Les programmes de « réinstallation » prévoient des voies légales et sûres pour entrer dans l’UE, épargnant ainsi de périlleux voyages à des personnes vulnérables. À ne pas confondre avec la « relocalisation » (cf. encadré, p. 26 de ce numéro de Confrontations Europe La Revue) qui a pour but d’aider les États membres situés aux frontières extérieures de l’Europe à faire face à la pression d’une arrivée importante des réfugiés en envoyant des demandeurs d’asile arrivés sur leur sol (Grèce, Italie…) dans d’autres États membres où leur demande sera alors examinée.