Marie-France Baud
Directrice du bureau de Bruxelles, Confrontations Europe
A la suite des préconisations du Rapport des cinq présidents, la Commission n’a pas tardé : elle a dévoilé, dès le 24 novembre dernier, sa proposition législative sur le système européen de garantie des dépôts (SEGD ou EDIS), pilier manquant de l’Union bancaire. L’Europe y gagnera sur le plan de la stabilité financière
Après les piliers « supervision » et « résolution » bancaires, la garantie commune des dépôts a vu le jour, une étape qui permettra de consolider l’Union bancaire dans les dix-neuf pays de la zone euro qui y participent. Les dépôts bancaires devraient être garantis à hauteur de 100 000 euros d’ici 2024 avec un dispositif mutualisé qui repose sur les systèmes nationaux. Troisième et dernier pilier de l’Union bancaire, il est destiné à rétablir la confiance du public dans le système bancaire.
Ce dispositif permettra d’éviter le bank run dans les Etats qui, à cause des difficultés de leurs banques, font face à la défiance des déposants. Tel a été le cas en Grèce. Il permettra aussi d’accroître la résilience et de faire face aux crises futures, les systèmes nationaux de garantie des dépôts restant vulnérables aux chocs locaux, en particulier quand la dette souveraine et le secteur bancaire national semblent fragiles.
L’institution s’est voulue prudente et poursuit la logique de mutualisation progressive des risques bancaires qui devrait être totale d’ici 2024. La proposition de règlement définit trois étapes dans le système EDIS (European Deposit Insurance Scheme ou SEGD). En premier lieu, : la réassurance jusqu’en 2020. Un système de garantie des dépôts national n’aura accès aux fonds du SEGD qu’après avoir épuisé ses propres ressources en application de la directive BRRD (Bank Recovery and Resolution Directive) qui encadre les régimes nationaux de restructuration et de résolution bancaires et qui instaure le principe du bail-in . La directive Garantie des dépôts d’avril 2014, qui protège toute épargne bancaire des personnes physiques inférieure à 100 000 euros , sera aussi appliquée. Deuxième étape : la co-assurance à partir de 2020. Le Système de garantie des dépôts devient progressivement un système mutualisé, toujours assorti de limites et de garde-fous contre les abus, sa contribution étant fixée à 20 % et augmentant progressivement. Enfin, en troisième lieu, l’assurance complète en 2024. A cette date, le SEGD couvrira alors 100% des besoins de remboursement d’un fonds national à bout de ressources. Le système sera obligatoire pour tous les Etats membres de la zone euro dont les banques relèvent du mécanisme de surveillance unique et ouvert aux autres Etats membres de l’Union européenne, qui souhaitent rejoindre l’Union bancaire.
Le SEGD sera doté d’une capacité totale d’environ 43 milliards d’euros (0,8 % des dépôts bancaires couverts). Il n’impliquera pas pour le secteur bancaire des coûts supérieurs aux coûts déjà prévus à la création des fonds nationaux de garantie qu’il abonde. Les contributions, que verseront les banques au SEGD, pourront être déduites de celles qu’elles versent aux systèmes de garantie des dépôts nationaux. Les banques exposées à des risques élevés verseront des contributions plus importantes que les banques plus sûres, quel que soit le pays où est implanté leur siège social, et ce principe d’ajustement devra être renforcé au fur et à mesure de la mise en place du système. Dans les faits, il reviendra sans doute au Conseil de résolution unique (SRB) de gérer le futur fonds européen de dépôt des garanties, en même temps que le fonds unique de résolution (SRF), qui sera pleinement opérationnel en 2024. Cette double casquette attribuée au SRB permettra à l’autorité européenne d’être le « point d’entrée principal en cas de crise bancaire » et de créer des synergies grâce à la combinaison des fonctions « résolution » et « garantie des dépôts ».
Enfin, ce projet sera articulé dans les mois à venir aux nouvelles propositions visant à renforcer la stabilité financière de la zone euro, qui incluent un examen des règles d’exposition des banques au risque souverain. Est attendue courant 2016 une proposition législative visant à intégrer dans le droit communautaire le coussin TLAC entériné par le G20.