Confrontations Europe organisait, le 23 février 2022, une visioconférence sur le thème « La mise en place un service civique européen : quel levier pour redynamiser le sentiment d’appartenance à l’UE chez les jeunes ». Ce débat avait pour ambition de contribuer à penser les bénéfices de la mise en place d’un service civique à l’échelle de l’Union européenne, suite aux annonces par Emmanuel Macron plaçant ce thème au cœur des objectifs de la présidence française du Conseil de l’UE.
Cette conférence réunissait les panélistes suivants : Marie Trellu-Kane, Présidente exécutive de Unis-Cité, Benjamin Sibille, Directeur Général et fondateur du Collectif pour un Service Civique européen, Ilana Cicurel, députée européenne, Renew, membre de la commission Culture et Éducation, et Béatrice Angrand, Présidente de l’Agence du Service Civique en France.
La mobilité européenne est un levier fort de stimulation du sentiment d’appartenance européen auprès de la jeunesse. Les échanges transnationaux donnent une illustration concrète des bénéfices de l’intégration européenne pour les citoyens de l’Union en favorisant la construction d’expériences et de rencontres transfrontalières. Toutefois, il convient de noter que cette mobilité ne concerne pas toutes les classes sociales. Le programme Erasmus+ profite principalement aux étudiants des universités et des grandes écoles, même si celui-ci dispose d’un programme de formation professionnelle appelé Leonardo da Vinci. Ainsi, en France entre 2014 et 2020, 350 000 étudiants ont bénéficié d’Erasmus+ contre seulement 164 000 apprentis et élèves en formation. Le service civique européen permettrait de démocratiser l’accès à la mobilité des jeunes européens d’origines sociales et géographiques hétérogènes avec ce programme ouvert à tous et non plus seulement aux étudiants du supérieur.
1. Le Service civique européen pour dynamiser un sentiment d’appartenance chez les jeunes
Jean Monnet disait vouloir créer une « solidarité de fait » entre les peuples européens, afin d’éviter une nouvelle guerre sur le continent. Le partage renforce les valeurs communes, les symboles et la citoyenneté. Ainsi, le Service Civique Européen peut apporter un élément de réponse à un des défis principaux auquel fait face l’Union européenne, à savoir la construction du sentiment d’appartenance chez les jeunes. Le service civique européen le permet en développant la solidarité via des projets concrets et d’actualité ainsi que par des missions de promotion de la citoyenneté, de sensibilisation aux enjeux environnementaux ou encore d’accompagnement aux personnes handicapées. Plus globalement, les missions de service civique portent sur des sujets sociétaux tels crise climatique, la précarité sociale, ou encore le développement de la culture, en somme des sujets qui touchent de près la jeunesse.
Ces opportunités doivent être mises à la disposition de tous les jeunes citoyens de l’UE, en particulier ceux issus de milieux défavorisés, afin que tous puissent profiter d’une expérience européenne. Elles peuvent aider les jeunes à apprécier la valeur de la diversité et le respect des autres cultures, qui sont fondamentales pour le processus de développement de la citoyenneté européenne.
2. Une opportunité pour tous les jeunes d’acquérir un capital européen valorisable
Par ailleurs, ce programme peut également se révéler être un tremplin sur le plan professionnel pour beaucoup de jeunes. En France, selon une étude de 2020 réalisée par l’agence française du Service Civique les recruteurs sont un tiers à estimer que le Service Civique est avant tout un moyen pour les jeunes d’acquérir de l’expérience qui pourrait leur servir dans leur parcours. Ceux-ci s’accordent à plus de 2/3 pour dire que le Service Civique peut constituer un atout auquel ils prêtent attention dans le CV d’un jeune. Un tel programme permet à chaque jeune de développer une forme de capital européen qu’il peut faire fructifier aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle. D’après les chiffres de l’association Unis-Cité, 76% des jeunes sont en emplois ou en formation choisie après le service civique. Les expériences de volontariat permettent aux jeunes de reprendre confiance en eux, de développer des compétences transversales, ainsi que leurs capacités d’adaptation, autant de compétences nécessaires pour être résilient dans un environnement du travail mouvant.
3. Quel Service Civique Européen ?
Aujourd’hui le Corps Européen de Solidarité offre la possibilité d’effectuer un service volontaire dans un pays de l’UE entièrement financé, à temps plein, pour une durée comprise entre deux semaines et deux mois (projet court terme) et/ou entre deux mois et douze mois (projet long terme). Le CES permettrait aux participants de « développer des compétences et d’acquérir une expérience humaine incomparable » (J.C Juncker, 2017) en mettant en lumière la valeur du volontariat et de la contribution des jeunes à la société.
Avec le Service Civique Européen il s’agira en bref d’appliquer le concept Erasmus+ de mobilité européenne aux missions de volontariat au sein de l’UE, c’est-à-dire de rester juridiquement attaché à l’opérateur public de service civique de son propre État membre, tout en passant quelques mois dans un autre pays. L’Union européenne financerait alors la promotion du dispositif auprès des jeunes ainsi que les frais liés à la mobilité, en attribuant des bourses mobilité pour les jeunes concernés.
Aujourd’hui le Corps européen de solidarité, permettant aux jeunes d’effectuer des missions de volontariat dans les pays membres de l’UE reste encore trop méconnu du grand public. Promouvoir et investir dans un programme de Service civique européen en parallèle d’Erasmus+ permettrait de sensibiliser les jeunes à la citoyenneté européenne, quel que soit leur niveau d’éducation.
Ainsi, le concept de service civique européen, soutenu par le Collectif pour un Service Civique Européen et Unis-Cité, va au-delà du Corps Européen de Solidarité. Celui-ci s’appuie sur les Services Civiques nationaux, pour proposer un modèle hybride permettant d’accompagner au mieux tous les jeunes vers la mobilité européenne et l’engagement citoyens avec la formule suivante : six mois dans le pays membre d’origine, puis six mois dans un autre pays de l’Union Européenne. Ce modèle propose d’abord une expérience « chez soi » offrant un premier pas vers la mobilité européenne. Une approche particulièrement intéressante pour les jeunes étant plus éloignés du cadre européen car celle-ci pourra permettre des échanges avec des volontaires venus d’autres États membres et des cours de langues afin de préparer la deuxième phase et le départ à l’étranger.
En conclusion, c’est en France que le modèle de service civique fonctionne le mieux. En effet, la France est le pays, en Europe, où cette « année de césure citoyenne » est la plus développée, avec plus de 130 000 jeunes engagés en Service Civique en 2020 et 200 000 prévus sur 2021. Le Service Civique est identifié par plus de 9 Français sur 10 (93%) et 87% d’entre eux indiquent en avoir une bonne image. Il est perçu à la fois à travers le prisme de l’engagement citoyen et de celui de l’employabilité.
C’est pour cette raison que la présidence française de l’UE représente une formidable opportunité pour donner son impulsion au projet de service civique européen. Emmanuel Macron annonçait ainsi, à l’occasion d’une conférence de presse présentant le programme de la PFUE le 9 décembre 2021, vouloir aller plus loin qu’Erasmus+, déjà élargi aux apprentis, en réfléchissant à une service civique européen de 6 mois ouvert à tous les jeunes de moins de 25 ans. 2022 est l’année européenne de la jeunesse et la démocratisation de la mobilité peut permettre qu’elle soit celle de toute la jeunesse. La France a d’ailleurs fait voter, au Conseil de l’UE le 13 avril dernier, un principe d’accord pour que ce service civique se généralise dans chaque pays de l’Union.