La décennie 2020 sera-t-elle celle de l’Europe des valeurs ?

Sandro Gozi, Député européen Renew Europe, membre de la commission AFCO

La démocratie et l’État de droit sont le fondement de l’identité européenne. Ce n’est qu’en les renforçant que l’Union européenne pourra accéder au statut de puissance souveraine dans les domaines économique, culturel et diplomatique. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’urgence humanitaire qu’elle a provoquée et la menace que Poutine a fait peser sur nos démocraties ont joué un rôle essentiel dans le renforcement du dynamisme stratégique de l’Europe grâce à un partenariat politique fort, s’imposant ainsi sur la scène internationale comme une nouvelle puissance capable de parler et d’agir d’une seule voix. Un premier signe a été la décision de fournir une aide militaire à l’Ukraine et de frapper l’économie russe avec des sanctions de plus en plus sévères, qui constituent une arme alternative efficace à l’utilisation directe de la force militaire.

Cependant, la réalisation d’une politique étrangère et de défense commune, ainsi que d’autres grands projets prioritaires devenus d’actualité suite à l’apparition de la pandémie, notamment une Europe de la santé et une politique fiscale seront impossibles sans une véritable Union politique et une démocratie parlementaire européenne.

C’est dans ce contexte que la conférence sur l’avenir de l’Europe s’inscrit comme une occasion unique de faire des citoyens des protagonistes du développement de l’Union de demain, en leur permettant de fournir à la Communauté et aux institutions nationales des recommandations concrètes sur la manière de rendre l’Union européenne plus efficace, autant sur le plan interne qu’externe et en la rapprochant de ses citoyens. Les objectifs de la conférence sont ambitieux mais, en même temps, très concrets, car ils s’inscrivent dans un champ d’équilibres très délicats en raison de la coexistence d’éléments intergouvernementaux et d’organismes transnationaux.

Ce n’est qu’en augmentant la participation et l’implication des citoyens dans les choix politiques au niveau européen et en rendant ses processus plus accessibles et compréhensibles qu’il sera possible de dépasser les frontières nationales et d’entrer dans une dimension transnationale. En recourant aux formes de participation existantes et nouvelles, tout aussi efficaces et innovantes, les Européens auront davantage la possibilité de jouer un rôle de premier plan dans les processus décisionnels et de vivre une « expérience civique européenne complète ». Cela peut se faire en répondant à la demande des citoyens de pouvoir voter directement pour des mouvements et partis politiques européens, par la création de listes transnationales. En les mettant en place, on renforcerait la démocratie européenne et augmenterait la participation aux élections du Parlement européen, tout en assurant un lien fort entre les citoyens et leurs représentants. On leur permettrait ainsi une véritable européanisation des élections parlementaires, mettant fin à la relégation de la démocratie exclusivement, à l’intérieur des 27 frontières nationales.

L’accord conclu par les principaux groupes politiques pro-européens représentés au Parlement européen sur la réforme de la loi électorale européenne représente un moment historique pour l’Union. Les prochaines élections de 2024 pourraient voir pour la première fois l’introduction de listes transnationales de 28 sièges : un début prometteur, qui doit être compris comme une transition vers un avenir où tous les membres du Parlement européen seront élus via des listes transnationales. Ainsi, une plus grande légitimité démocratique des processus décisionnels et des institutions européennes elles-mêmes pourrait faciliter des progrès substantiels dans le processus d’intégration politique, économique, culturelle et militaire, en particulier dans les domaines traditionnellement considérés comme plus sensibles tels que la sécurité, la défense ou la sauvegarde des valeurs fondamentales sur lesquelles repose l’Union. Pour réaliser une Europe puissante et souveraine, nous devons veiller à ce qu’elle soit aussi et surtout démocratique et légitime. Aujourd’hui plus que jamais, il est clair qu’il faut donner au Parlement européen une plus grande responsabilité en tant qu’organe représentant les citoyens, en lui donnant les pouvoirs de toute assemblée législative, avec un droit d’initiative et le pouvoir d’enquêter à la fois sur le Conseil et la Commission. Pour ce faire, la voie à suivre consistera à abandonner le vote à l’unanimité au Conseil et à étendre le vote à la majorité qualifiée à tous les domaines politiques, à l’exception de certaines décisions fondamentales telles que l’adhésion de nouveaux membres de l’UE et les modifications des principes fondamentaux de l’Union énoncés dans les traités. Rendre efficace l’organe représentatif du droit d’initiative des citoyens européens rendra à son tour la citoyenneté européenne efficace et crédible. Une autre façon d’atteindre ces résultats serait de renforcer le principe de subsidiarité, en promouvant une plus grande coopération entre les parlements nationaux afin qu’ils puissent suggérer directement une législation au niveau européen, une réforme du Comité des régions et la création d’un réseau de conseillers de l’UE au niveau local. Afin d’assurer la bonne mise en œuvre de ces propositions, le lancement d’une convention, correspondant à l’ex-article 48 du TUE, a été invoqué.

Pour y parvenir, il faudra œuvrer pour que les conclusions de la conférence se traduisent par des projets politiques concrets.

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