Hugues SIBILLE
Président du Comité français pour l’investissement à impact social
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En juin 2013 B. Hamon m’a demandé de représenter la France dans une Taskforce internationale liée au G8 sur « l’investissement à impact social ». J’ai accepté pour trois raisons. Parce que c’était le ministre de l’ESS qui le demandait, ce qui induisait un positionnement de la question vue par la France. Parce que la France doit être présente à l’échelle internationale sur ces sujets, et non les abandonner au prétexte que les anglo-saxons s’en saisissent. Parce qu’enfin nous sommes en transition socio-économique et qu’il faudra bien inventer de nouvelles approches sociales, comment « passer de la dépense sociale à l’investissement social » en conservant des objectifs d’intérêt général. Les titres à impact social n’ont pas, selon moi, vocation à se substituer aux subventions, mais à les compléter, en finançant des innovations.
J’ai mis en place un comité de 29 personnalités qualifiées, issues de la finance solidaire, l’entrepreneuriat social, la banque publique et privée, l’université, l’Etat, les organisations internationales… Avec un regret : une présence insuffisante du secteur associatif classique, sanitaire et social par exemple. Pendant un an j’ai participé aux réunions internationales de la Taskforce, à Washington, Berlin, Londres, Rome et Paris. Quelques remarques. D’abord la diversité de la composition du Comité français. Finalement ces gens n’ont pas l’habitude de se parler et se connaissent mal. Nous avons décidé de poursuivre ce dialogue enrichissant en 2015. Ensuite, la connexion à des expériences internationales fait progresser. La Taskforce présidée par Ronald Cohen a auditionné de nombreux cas concrets des 7 pays articulant innovation sociale et innovation financière. Elle a fonctionné in fine comme un véritable « knowledge center » passionnant sur ce sujet neuf. J’ai vite constaté qu’il n’y avait pas assez de recul sur l’investissement à impact social permettant des certitudes opératoires universelles. Tout le monde cherche. Notamment une meilleure efficience : dépense publique sociale/résultats évaluables pour les bénéficiaires. Dans cette recherche, la France n’a pas à faire de complexe. Ainsi avons-nous valorisé la Finance solidaire française, en particulier l’épargne salariale solidaire et les Fonds 90/10.
Le rapport français dégage 21 propositions. Je regrette que le débat ne se soit trop vite focalisé sur les « social impact bonds ». L’investissement à impact social est une notion beaucoup plus large qui permet un effet de levier de l’argent public. Elle incite les parties prenantes à se mettre autour de la table pour définir des objectifs partagés, des moyens à mettre en oeuvre, des indicateurs d’évaluation. Ceci mérite encore approfondissement et débat public.
D’où le grand intérêt des deux conférences de Confrontations à Paris et Bruxelles, qui ont permis un débat ouvert et contradictoire (multi-stakeholders) et la poursuite d’un approfondissement académique du sujet. Les travaux d’Eve Chiapello sont, de ce point de vue, prometteurs. Un autre avantage est de densifier le débat avec les Allemands. Leur modèle social est sensiblement différent du modèle anglo-saxon ; il faut écouter leurs réflexions sur l’investissement à impact social. Enfin elles ont permis de chercher à faire émerger une vision européenne.
Il est urgent que J.-C. Juncker dise quel rôle il attribue à l’investissement à impact social dans sa politique de relance par l’investissement (300 Mrd d’€). Et qu’il reprenne rapidement les travaux initiés par le Commissaire Barnier sur l’entrepreneuriat social et la mesure de l’impact social.
J’avance pour ma part avec deux repères sur ma boussole : privilégier l’intérêt des bénéficiaires, favoriser la co-production.
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Plan Juncker : investir dans le social
De hauts responsables de l’UE appellent à investir une partie des 315 milliards du plan Juncker dans le social, facteur de développement et pas seulement de coût. Mais l’UE sait-elle faire ce que préconisait le « Social Investment package » de 2013 sans en donner les recettes ? Les deux conférences que Confrontations Europe a co-organisées2 permettent d’en douter.
En effet, si l’on se borne à utiliser les outils existants, on se heurte à une série de questions, notamment :
– définir ex ante les impacts sociaux visés pour rationaliser les choix budgétaires et financiers et les mesurer ex post avec précision devient difficile quand il s’agit de capital humain, d’innovations, d’investissements de très long terme, dans lesquels il y a et aura toujours une part de non mesurable ;
– monétariser les évaluations d’impact pour les introduire dans les calculs coûts/bénéfices peut ainsi condamner à ne financer que ce qu’on connaît déjà et piloter l’avenir avec un rétroviseur, en accordant un poids croissant aux experts;
– enfin, investir dans les organisations sociales, insérées dans des systèmes historiques de protection, ne peut obéir à de simples logiques de capital risque.
Ainsi, pour maintenir la diversité d’approches nécessaire, un champ de recherche théorique et pratique essentiel est ouvert.
Nicole ALIX, Confrontations Europe
« Unequal Europe, Recommendations for a more Caring EU », Rapport du Groupe de Haut Niveau sur « l’Union sociale », Les Amis de l’Europe, printemps 2015.
2https://confrontations.org/fr/conferences/2015