GARANTIES JURIDIQUES POUR LE DÉPLOIEMENT DE L’HYDROGÈNE RENOUVELABLE

Par Daniel Fraile, Responsable du plaidoyer à Hydrogen Europe

La directive sur les énergies renouvelables et la banque de l’hydrogène ont un rôle crucial à jouer dans la consolidation du marché européen de l’hydrogène, qui subit actuellement des pressions internes, en raison de la lenteur de la mise en œuvre, et externes à cause de la concurrence internationale.

La transition mondiale vers un avenir durable et neutre en carbone a placé l’hydrogène renouvelable au cœur de la transformation des secteurs de l’énergie et de l’industrie. Alors que l’Europe cherche à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et renforcer sa sécurité énergétique, l’hydrogène renouvelable apparait comme une solution prometteuse. Toutefois, la réussite de son déploiement en Europe dépend fortement d’un cadre juridique solide qui offre certitudes, soutien et incitations à l’industrie. Dans cet article, il s’agit de mettre en évidence les garanties juridiques nécessaires, en soulignant l’importance de la directive sur les énergies renouvelables (RED), des actes délégués RED II et de la banque de l’hydrogène en tant qu’outil de marché essentiel, pour assurer la compétitivité de l’industrie et atteindre ainsi les objectifs européens en matière de décarbonisation. 

La directive sur les énergies renouvelables (RED) et les actes délégués RED II sont les principaux moteurs réglementaires de l’accélération de la production d’hydrogène renouvelable. 

La directive sur les énergies renouvelables (RED), instrument juridique essentiel au sein du cadre réglementaire de l’Union européenne, vise à promouvoir l’utilisation des sources d’énergie renouvelables et à atteindre les objectifs contraignants de l’UE en la matière. La législation RED III introduit des objectifs résolument ambitieux concernant la part d’hydrogène renouvelable que les États membres doivent atteindre dans les secteurs des transports et de l’industrie d’ici 2030. Une autre pièce importante du puzzle se présente sous la forme de deux actes délégués. 

Relevant des articles 27 et 28 de la RED II, ils définissent les critères permettant de classer un carburant comme « renouvelable d’origine non biologique » (RFNBO) au sens de la directive, et donc de déterminer si son utilisation peut être prise en compte dans les objectifs de la RED II en matière d’énergie renouvelable. Les éléments faisant débat sont liés aux questions de l’additionnalité et de la corrélation temporelle et géographique. Malgré leurs limites, les deux actes délégués peuvent apporter des réponses claires à l’industrie de l’hydrogène renouvelable, car ils établissent des dispositions spécifiques relatives à la définition de l’hydrogène renouvelable, aux critères de durabilité pour les filières de production d’hydrogène, aux futurs systèmes de certification et aux mécanismes de soutien. 

S’il est essentiel de disposer de directives ambitieuses à l’échelle de l’UE, l’impact réel sur le déploiement de l’hydrogène renouvelable dépendra désormais de la mise en œuvre de la RED et des actes délégués au niveau des États membres. Les retards ou incohérences dans l’adoption et la mise en œuvre de la législation peuvent créer un environnement incertain pour les investisseurs et les acteurs de l’industrie, ce qui risque de freiner la croissance du marché. Pour éviter cela, l’UE a besoin d’une vision claire des mécanismes conçus dans chaque État membre pour atteindre les objectifs en matière d’hydrogène liés à la RED III, ainsi que d’une interprétation détaillée des actes délégués par la Commission, suivie d’un déploiement de systèmes de certification qui pourraient être rapidement mis en œuvre. Ce processus conditionnera une approche intégrée de la mise en œuvre, qui devrait être complétée par un cadre de soutien conçu au niveau de l’UE et des Etats membres. 

La banque de l’hydrogène : vers la mise en place d’une chaîne de valeur complète de l’hydrogène dans l’UE 

L’industrie de l’hydrogène renouvelable se trouve à un stade critique, cherchant à intensifier ses activités et à attirer des investissements importants. Les acteurs du secteur ont exprimé de sérieuses inquiétudes quant à des retards et incertitudes supplémentaires qui pourraient mettre en péril le potentiel du marché et entraver la compétitivité de l’Europe sur la scène mondiale, en particulier avec les récents progrès réalisés aux États-Unis et en Chine. 

En effet, les projets d’hydrogène renouvelable nécessitent souvent des investissements initiaux substantiels. Or, l’incertitude entourant les réglementations et les mécanismes de soutien pourrait entraîner le report de projets ou le détournement de fonds vers des secteurs mieux établis et moins risqués. De plus, avec l’intensification de la concurrence internationale et l’investissement actif d’autres pays dans l’hydrogène renouvelable, l’Europe ne parvient pas à fournir un environnement favorable à l’industrie, risquant ainsi de perdre sa position de leader mondial en matière de technologies énergétiques propres. 

Reconnaissant la nécessité d’un soutien public concret et d’un cadre réglementaire cohérent, le concept d’une banque de l’hydrogène est apparu comme un outil de création de marché. La banque vise à faire avancer le secteur de l’hydrogène renouvelable, à la fois dans l’UE et sur la scène mondiale, ainsi qu’à faciliter la production et la consommation nationales d’hydrogène renouvelable. 

Dans son volet intérieur, la Banque de l’hydrogène jouera le rôle de catalyseur pour coordonner les activités et les flux de financements afin de soutenir les projets liés à l’hydrogène renouvelable. Elle offrira un soutien financier aux projets par le biais d’une prime fixe (un montant fixe de financement par kilogramme d’hydrogène renouvelable produit). En attirant des fonds publics, des investissements privés et des obligations vertes, la Banque de l’hydrogène peut soutenir des projets innovants qui contribuent aux objectifs de décarbonisation de l’Europe et tirer parti de son budget initial (estimé à 800 millions d’euros) pour obtenir d’autres financements. 

Il faudra davantage d’informations avant de savoir exactement comment le pilier international de la banque s’attaquera aux défis liés aux importations, qui sont d’une nature tout à fait différente. En effet, l’Europe aura besoin d’un instrument capable de faciliter les importations d’hydrogène dès que possible, jusqu’à ce que la production européenne soit à même de remplir sa mission. Pour ce faire, les institutions étudient actuellement les mécanismes existants pour agréger l’offre mondiale d’hydrogène et ses dérivés (par exemple, par le biais d’AggregateEU) et la manière de les connecter (par exemple, au travers de H2Global). Ces deux types de soutien seront cruciaux, en particulier au cours des premières étapes du développement du secteur, qui doit relever les défis de l’échelle et de la compétitivité. 

Alors que l’Europe s’efforce de tracer une voie durable et neutre en carbone, le déploiement de l’hydrogène renouvelable apparaît comme une lueur d’espoir. Mais son succès exige un effort de collaboration entre les décideurs politiques, les acteurs de l’industrie et le public autour de la vision d’un avenir plus vert. Pour prospérer sur un marché mondial où la concurrence est féroce, l’Europe doit développer un environnement propice à l’innovation et attirer les investissements dans l’hydrogène renouvelable. Le destin de l’industrie dépend de la détermination des décideurs politiques, aux niveaux national et supranational, à créer un paysage réglementaire clair et stable qui inspire la confiance et stimule le progrès.

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