Par Valérie Gomez-Bassac, Députée LREM du Var
Le dynamisme de l’Union européenne repose sur l’existence d’un marché unique entre tous les États membres au sein duquel citoyens et acteurs économiques jouissent de quatre libertés : la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux.
Ce marché unique contribue à la prospérité économique de l’Union. Il offre l’opportunité à chaque entreprise européenne, notamment aux start-ups et aux petites et moyennes entre-prises, d’accéder au premier marché solvable au monde.
Pour autant, plusieurs obstacles demeurent à l’internationalisation rapide et fluide des relations d’affaires au sein de l’Union. Les dispositions européennes relatives au droit des affaires constituent l’environnement normatif dans le-quel les entreprises doivent évoluer mais l’harmonisation a été inégale en fonction des domaines concernés tout en restant difficile d’accès. Les auditions réalisées lors du rapport relatif à l’élaboration d’un Code européen des affaires ne laissent place à aucun doute (1).
Même si l’Union européenne est confrontée à des difficultés et crises successives, le processus d’intégration est toujours dynamique. Ce-pendant un espace économique ne sera rendu possible qu’avec l’application de règles similaires à tous ses acteurs.
Il est urgent de replacer le droit au cœur de la construction européenne et de consolider l’Union économique et monétaire en l’adossant à un droit des affaires unifié. Il ne s’agit pas d’une superposition supplémentaire ou d’un droit se rajoutant aux droits étatiques existants mais d’une sécurisation accrue du cadre réglementaire applicable aux différents acteurs économiques.
Au niveau international, l’Europe doit faire face aux géants économiques que représentent les États-Unis ou la Chine. Or le droit européen des affaires et les droits des affaires étatiques ne sont plus susceptibles de répondre efficace-ment à toutes les situations.
Le projet d’un Code européen des affaires reposerait aujourd’hui sur une initiative de la société civile. Le droit des affaires recouvre différentes spécialités. Certaines divergences entre États membres sont la résultante de choix politiques assumés, d’autres n’ont comme seule origine qu’un développement historiquement indépendant.
L’Union européenne s’est essentiellement concentrée sur la protection des consommateurs et, avec la crise financière, sur la réglementation des marchés financiers. Pour le reste il s’agit d’un patchwork de règles européennes et nationales (2).Ces divergences constituent des sources de complexités inutiles qui sont autant d’obstacles contreproductifs dans un marché unique. Le simple manque d’accessibilité des règles applicables peut suffire à générer des pertes de temps et d’opportunités (3).
La pratique des affaires en Europe est largement impactée par ce manque d’unification. L’Union a conscience du besoin de clarté dans sa législation et a tenté de réaliser des synthèses ou des codifications qui sont elles-mêmes peu intelligibles. A cela, il convient de rajouter un éclatement des compétences (4). A titre d’exemple, la régulation des affaires est soumise au droit de la concurrence (compétence exclusive de l’Union), aux principes de subsidiarité et de proportionnalité (compétence partagée) et à la fiscalité qui est soumise à l’unanimité.
Le premier enjeu consisterait à répertorier la règlementation existante. La codification-compilation permettrait de constituer un socle normatif accessible permettant de parfaire l’acquis européen (5). La Commission européenne a fait officiellement état de la nécessité d’un Code européen des affaires, dans son Livre Blanc sur l’avenir de l’Europe pour que : « les entreprises de toutes tailles (puissent) exercer facilement leurs activités au-delà des frontières ».
Cette méthode permettrait de rassembler les règlements, les directives et les recommandations par matière. La codification des règlements serait utile d’autant plus qu’ils ne sont pas transposés. La codification des directives faciliterait leur accessibilité et celle des recommandations permettrait de mieux comprendre l’objectif des directives.
Le second enjeu serait l’élaboration fonctionnelle d’un Code européen. Une forme juridique unifiée est une condition nécessaire pour assurer une mobilité sur le marché. Il est en effet paradoxal qu’une entreprise puisse choisir de s’établir dans l’État membre de son choix, mais qu’une fois installée, elle ait toutes les difficultés – s’il s’agit d’une PME – pour être mobile au sein de l’Union européenne.
Cette structure répondrait aux lacunes de la société européenne qui n’est pas adaptée aux PME. Elle irait plus loin que les directives relatives aux fusions transfrontalières ou au transfert de siège puisqu’elle traiterait également de la création des sociétés.
La possibilité d’exercer une activité économique sous une appellation européenne constituerait également un avantage important en termes de reconnaissance et d’efficacité.
Dès lors qu’un agent économique opterait pour cette structure, il disposerait d’un en-semble d’outils juridiques — c’est-à-dire de contrats (assurance, vente…) — nécessaires à l’exercice de son activité.
Cette forme juridique, et les contrats y afférents, seraient construits conjointement avec des représentants de chaque État membre.
Ainsi, ce travail permettrait de proposer aux entrepreneurs des solutions juridiques complètes pour la création d’une structure portant une activité économique, tout en demeurant à droit constant. Cela permettrait que ce droit des affaires européen soit repensé dans sa globalité : de la naissance, à la vie jusqu’à la mort de l’entreprise.
Le dernier enjeu majeur serait celui d’adapter la codification-modification aux besoins réels de l’entreprise. Force est de reconnaître que les pères fondateurs ont souhaité – et ont créé – un espace économique unifié alors que les règles de droit de l’Union ne l’étaient pas. Le droit économique européen est un droit de l’élite, inaccessible pour beaucoup. Pourtant le droit est un outil qui cimente la construction européenne. Il est urgent d’en faire un droit pour les citoyens et les entreprises.
Le premier axe de codification-compilation permettrait de déceler les contradictions pouvant exister entre certains textes. L’élaboration d’un Code révèlerait ipso facto une démarche de refonte ou de création. En effet apparaîtront des contradictions, des incohérences, des lacunes sur lesquelles il conviendra d’agir.
En effet, un droit harmonisé faciliterait le commerce et permettrait aux PME d’avoir accès à des opportunités de business. Permettre la prévisibilité du droit est un gage de confiance et de sécurité juridique tant pour les acteurs économiques que du côté des bénéficiaires. Partager le même droit, c’est créer et accepter une véritable communauté.
Toute harmonisation juridique dans un espace donné, dans une zone homogène, per-met de réduire les coûts de façon significative. Cette harmonisation de certains pans du droit est possible dès lors que les droits fondamentaux ne sont pas concernés.
Un Code européen des affaires fournirait des outils aux entrepreneurs et aux PME pour se développer à l’échelle du continent. Jusqu’à présent le législateur européen ne s’est intéressé qu’aux firmes multinationales par le prisme du droit de la concurrence et des règles antitrust. Il s’agirait dans un premier temps d’un droit optionnel, la souplesse étant indispensable pour la réussite de ce projet.
(1) Valérie Gomez Bassac. Élaboration d’un Code européen des affaires. Mission confiée par Monsieur le Premier ministre Édouard Philippe le 13 février 2019. Remis le 30 septembre 2019.
(2) Paul Bayzelon, Élise Bernard. Pour un Code européen des affaires. Fondation Robert Schuman : question d’Europe n° 418, 23 janvier 2017, p.1.
(3) Les États-Unis ont déjà leur propre développement d’unification du droit du commerce et des entreprises appelé l’ « Uniform Commercial Code des Etats Unis d’Amérique » : il s’agit d’un véritable outil de travail à destination des entrepreneurs et commerçants.
(4) Pour certains pans de la législation, la régulation du commerce relève de compétences exclusives (Art. 3 TFUE) ou partagées (art. 4 TFUE) voire parfois des compétences d’appui (Art. 6 TFUE). Partage qui touche l’effectivité de l’échange au sein du marché intérieur.
(5) Rémy Cabrillac. Un code européen des affaires une chance pour la construction européenne. Recueil Dalloz, n° 21, 13 juin 2019.