Faut-il supprimer la DG Commerce ?

Alain BERGER

Directeur exécutif de la Stratégie, Hill&Knowlton

Les récentes négociations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis (TTIP ou Tafta) ou le Canada (CETA) ont suscité de vifs débats au sein des opinions publiques. Ce climat de défiance, remet-il en question l’avènement d’une politique commerciale européenne commune ?

Avant même l’élection de Donald Trump aux États-Unis, la plupart des grands sujets de politique commerciale semblaient faire les frais d’une misconception, voire d’une remise en cause. L’épisode du CETA, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, a brutalement illustré les tensions autour de la question centrale des compétences de l’Union en matière commerciale. Il en a été de même dans le cadre des discussions sur l’accord de Commerce entre les États-Unis et l’Europe (TTIP) : après avoir donné un mandat précis de négociation à la DG Commerce et à ses négociateurs européens, des États membres, et non des moindres, ont « torpillé » les discussions en brandissant la menace d’un veto, tandis que le Parlement européen exigeait encore plus de transparence, fragilisant la position de négociation déjà délicate des Européens. Dans les négociations avec Singapour ou le Maroc, la faiblesse de la politique européenne se traduit par les demandes incessantes d’avis juridique à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Autre exemple : les procédures anti-dumping se multiplient, mais les États membres ont du mal à s’accorder avec le Parlement européen sur la modernisation nécessaire des instruments de défense commerciale proposés par la Commission Européenne. Tout cela, dans un contexte déjà tendu : le statut d’économie de marché de la Chine, en cours de discussions, modifierait substantiellement les modèles de calculs économiques des « droits » compensateurs en matière de dumping.

A quoi, dès lors, sert la DG Commerce si elle n’est pas en situation de négocier correctement un Accord avec un partenaire étranger, ou pas suffisamment soutenue pour mettre en vigueur un bon Traité ?

La décision de l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 21 décembre dernier sur Singapour, apporte un éclairage sur ce que pourrait devenir la règle en matière de compétence. Le texte confirme clairement que tout accord commercial traitant de sujets de compétences nationales (ou régionales), comme l’environnement, les conditions de travail, les droits fondamentaux, les mécanismes de résolution des différends, etc. doit effectivement obtenir l’accord des Autorités nationales ou régionales compétentes avant d’être validé ou mis en vigueur. On ne pourra plus dorénavant se réfugier dans cette zone « grise » et c’est heureux.

Ratification à 38 risquée

Faudra-t-il, dès lors, adapter le périmètre de nos accords commerciaux aux domaines stricts de compétence de l’Union et continuer à les faire négocier par la DG Commerce, ou revenir à des accords négociés par les autorités nationales ? Choisira-t-on finalement d’ajouter, à une procédure européenne déjà longue, la ratification, souvent risquée, des 38 parlements nationaux ou régionaux dès lors qu’il s’agirait d’un accord « de compétence mixte » ?

Le bon sens a, en effet, bien inspiré les constructeurs historiques de l’UE en reconnaissant clairement qu’un traité de commerce ou d’investissement, négocié pour le compte de 28 États membres, représentant un espace économique de plus de 550 millions de consommateurs, est plus favorable qu’un texte discuté par chaque État séparément. Ce qui était vrai hier l’est encore plus aujourd’hui alors que les membres européens du club des dix principales puissances économiques du monde vont passer de trois à un – l’Allemagne – dans les dix prochaines années… Le « jouer collectif » impose que l’intérêt « commun » soit supérieur à l’intérêt individuel, car il y aura toujours des motifs de frustration dans le cadre d’une négociation « collective ». A titre d’illustration, le CETA reconnaît pour la toute première fois les produits européens à « indications géographiques ». C’est un progrès majeur pour l’Europe qui fera précédent. Mais la France ou l’Italie compteront toujours plus « d’appellations contrôlées » que la Wallonie ou l’Estonie. De même, il faut continuer à promouvoir nos valeurs « humanistes » dans tous nos accords de commerce, mais sans chercher à en faire nécessairement une priorité absolue, en raison de la conditionnalité de mise en œuvre, ou de remise en cause, effective des traités de commerce.

Nos institutions publiques doivent se positionner clairement pour éviter la cacophonie. A mon sens, la dimension européenne donne clairement un avantage en matière de Traité de commerce. Arrêtons donc de nous « chamailler » sur les compétences nationales ou européennes. Et donnons une mission claire à la Commission européenne et à sa DG Commerce.

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