Pascal Canfin, Député européen Renew Europe, Président de la commission ENVI
La guerre en Ukraine ne doit pas faire dérailler le « Green Deal » car celui-ci fait partie de la solution aux nouveaux problèmes soulevés par l’invasion barbare menée par la Russie de Poutine.
La première conséquence de cette guerre sur le plan énergétique est d’avoir mis tous les Européens d’accord sur la nécessité de se passer des énergies fossiles russes, aussi vite que possible, et selon un plan clair qui diminue cette dépendance des deux tiers avant la fin de l’année 2022. Cela est en bonne voie. Pour y parvenir nous allons accélérer le déploiement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Je soutiens un nouvel objectif pour les énergies renouvelables d’au moins 45 % au lieu de 40 % tel que proposé par la Commission européenne dans son paquet de juillet 2021. Pour aller plus vite et plus fort, il faut simplifier les procédures d’autorisation des projets et organiser la planification spatiale des renouvelables. La négociation en cours de la directive sur les énergies renouvelables nous donne l’occasion de changer ces règles maintenant. Nous devons également aller plus vite sur le déploiement de la sobriété et de l’efficacité énergétique.
Là encore, je suis favorable à rehausser l’objectif d’efficacité énergétique de l’Union pour 2030.
À côté de cette accélération, se pose bien sûr, à très court terme, l’enjeu de la diversification gazière. S’il est totalement logique d’aller chercher de nouveaux contrats de GNL là où ils sont disponibles pour se passer très vite du gaz russe, il faut néanmoins être attentif à ne pas remplacer une dépendance par une autre. Acheter massivement du gaz algérien et qatari soulève d’autres questions géopolitiques. Quant à l’achat du gaz de schiste américain, s’il est là encore nécessaire à court terme, il peut se révéler complexe à gérer à moyen terme si un nouveau Donald Trump était élu à la Maison Blanche… C’est pourquoi la diversification gazière doit être menée avec un souci d’optimiser les investissements publics nécessaires et de ne pas « surinvestir » dans un moment de panique. Dans ce contexte, je plaide pour un rôle accru donné à la Commission européenne pour garantir la bonne coordination de ces investissements gaziers.
Sur le plan agricole et alimentaire, la guerre en Ukraine a fait poser beaucoup de questions sur les objectifs de la stratégie de transition agricole « Farm to fork ». Pour moi, les choses sont claires : s’il est logique d’accepter des flexibilités à très court terme et pour une durée d’un an pour faire face au choc sur certaines matières premières agricoles, comme les tourteaux de tournesols ukrainiens dont notre élevage dépend, il n’est pas justifié de remettre en cause les grands objectifs de notre transition agro-écologique. Ainsi, nous sommes largement dépendants de la Russie pour les intrants utilisés dans nos productions. Produire plus avec les modes de culture actuels reviendrait donc à accroître cette dépendance, soit l’inverse de l’objectif recherché !
Par ailleurs, il y a dans les stocks de blé mondiaux de quoi compenser 20 fois le manque de ce grain dû à la guerre en Ukraine selon le département d’agriculture américain. S’il faut toujours s’assurer que la transition agricole ne conduise pas à moins de revenus pour nos agriculteurs, il serait abusif de conclure que celle-ci doit être interrompue en raison de la crise en Ukraine.
Au total, ce qui se joue dans la réponse à l’agression de l’Ukraine par Poutine, c’est notre capacité à accélérer le déploiement de notre logiciel de souveraineté européenne. Or, dans un monde où nous importons la très grande majorité de nos énergies fossiles, ce qui est bon pour nos politiques climatiques et aussi bon pour notre indépendance stratégique. Par ailleurs, comme nous l’avons fait au moment de la pandémie de Covid-19, nous devons gérer les conséquences de cette crise de manière solidaire. C’est pourquoi, si la situation macroéconomique était amenée à se dégrader, il serait nécessaire de travailler à une réponse intégrée sur le plan budgétaire de façon à éviter que ne se réveillent les fantômes du passé, lorsque l’Europe s’était révélée incapable de faire face ensemble aux conséquences de la crise fi nancière. Notre responsabilité est grande. À nous d’y répondre en Européens, forts et unis.