ESSAI – Un nouveau récit pour l’Europe

Philippe Herzog, ancien Député européen et Conseiller auprès de la Commission, Président fondateur de Confrontations Europe

English version below

Un nouveau récit pour l’Europe est un essai critique et engagé de Philippe Herzog, un projet qui pourrait se traduire par la déclaration suivante : « Un projet politique européen n’est pas une obligation mais c’est un choix. Je l’assume toujours pleinement et c’est pourquoi je veux aujourd’hui contribuer à refonder notre Union dans un contexte radicalement nouveau par rapport à celui des origines. »

Le projet européen est un système complexe, fait d’interactions multiples. Le processus d’intégration européenne est à la fois profondément concret, en ce qu’il touche directement à nos vies quotidiennes, et abstrait, tant il est le fruit d’idées, d’une histoire plurielle, de récits. Sa concrétisation sous la forme des Communautés européennes puis de l’Union européenne fait l’objet d’une indéfinition dans son devenir. Que sera l’UE demain ? Nous avons le choix de penser au sens que nous voulons donner au projet européen, c’est ce que Philippe Herzog nous invite ici à réaliser. Kundera parle de points de non-retour dans la vie humaine, et de l’homme moderne qui triche en cherchant à ignorer ces moments.

Pourtant, si nous considérons l’Union européenne aujourd’hui et les défis transversaux et structurels auxquels nous devons apporter des solutions, nous sommes peut-être à un moment où nous pouvons admettre un point de non-retour et se projeter vers l’avenir, vers un projet politique consenti, dont l’une des raisons d’être est à l’origine, tel qu’inscrit dans les traités, de créer une solidarité de plus en plus étroite entre les peuples.

Acquérir et partager une conscience écologique

Confrontations Europe : La devise européenne est « Unis dans la diversité », mais vous considérez que l’Union en tant qu’institution échoue à réunir les populations en raison notamment de la mise en arrière-plan du rôle de la culture et de l’éducation. Pour vous, il y a aujourd’hui besoin au contraire de repenser une éducation européenne, et de prendre conscience de l’importance de la culture comme une pierre angulaire du projet politique européen. Que proposeriez-vous aujourd’hui afin de promouvoir, consolider, régénérer cette conscience commune européenne ? Quels sont les obstacles?


Philippe Herzog : L’unité des Européens dans leur diversité fut une tâche pluriséculaire, et l’Europe s’est d’abord unie par la culture en revanche, en termes d’organisation politique, elle a été fragmentée en féodalités, États, empires rivaux et belliqueux. C’est pourquoi la création d’une Communauté économique, après les deux guerres mondiales, fut une remarquable innovation. Mais l’idée d’une Communauté politique de type fédéral est maintenant perdue de vue. Les nations européennes veulent rester des nations et vouloir imiter les États-Unis d’Amérique est une erreur, il faut fédérer autrement. Actuellement, nos nations souhaitent rester dans l’Union plus par intérêt que par désir de faire société en- semble. Ce n’est pas fatal mais le naufrage de l’enseignement de l’histoire européenne est attesté par les travaux du Conseil de l’Europe.

C’est un renoncement qui engendre des replis nationaux et des tensions entre des Européens qui se méconnaissent. Et cela obstrue l’effort d’acquérir une conscience commune, alors qu’il y a grand besoin d’une nouvelle vision du monde. L’humanisme européen a perdu sa sève ; peurs, manichéismes et indifférences s’installent. Les carences et les biais de la formation des dirigeants et de l’espace public d’information sont de lourds handicaps. J’appelle à un grand effort de rééducation. Il ne s’agit pas d’une réforme des compétences dans les traités ni de décisions centralisées, je crois plutôt à la multiplication d’initiatives et d’expérimentations associatives, comme on a pu le faire après la Seconde Guerre mon-diale avec des mouvements du type « Peuple et Culture ».

À Confrontations Europe, nous avons toujours voulu construire l’Europe par « le bas » : regagner les cœurs des ouvriers et des populations humiliées qui votent Rassemblement national, enraciner la prise de conscience sur les territoires, créer des mobilités transfrontières pour partager les récits et les formations.

Devenir une force de paix et de considération

C. E. : Pour devenir une force de paix et de coopération, il faut en avoir la volonté, mais également les moyens. Vous analysez dans votre livre la situation de l’économie globale en rappelant l’importance d’une vision rétrospective sur les cycles économiques dans l’histoire du capitalisme, et prospective sur les investissements de long terme et les moyens de créer des conditions d’une reprise durable et juste.

« JE CROIS PLUTÔT À LA MULTIPLICATION D’INITIATIVES ET D’EXPÉRIMENTATION ASSOCIATIVES, COMME ON A PU LE FAIRE APRÈS LA SECONDE GUERRE MONDIALE »

Un problème majeur que vous identifiez est la distribution des rôles entre secteurs privé et public, ainsi que dans les valeurs que nous attribuons au capital et au travail : comment changer de paradigme au sein de l’UE, où celui de la libre concurrence continue de dominer ?

Ph. H. : Le capitalisme est un système économique qui se transforme constamment, et certaines crises ont un caractère systémique dont on ne peut sortir que par des transforma- tions structurelles profondes. Ce fut le cas, après la Seconde Guerre mondiale, par l’intervention massive de l’État dans l’économie ; c’est encore l’enjeu aujourd’hui, mais on ne peut reproduire les solutions des Trente Glorieuses. Les États sont accaparés par les tâches sociales et de solidarité au sein des nations, fortement endettés, et les infrastructures de services publics ont beaucoup vieilli, tandis que l’Union étouffe la coopération et la solidarité par son choix d’une concurrence interne exacerbée, et elle n’assume pas le devoir d’investissements de long terme d’intérêt général. Jamais l’écart entre le capital et le travail n’a été aussi grand, quand règnent les grandes entreprises et investisseurs globaux à qui nous avons confié notre sort.

Nous devons recréer une maîtrise publique et sociale de l’économie qui reposera sur la complémentarité entre les niveaux locaux, nationaux, et européen. À défaut, l’inefficacité des gestions actuelles est criante : dans les dernières décennies, une énorme enflure financière et monétaire a eu lieu en Europe (comme aux États-Unis), mais le sous-investissement humain et productif a été massif. Une planification concertée entre États et Union est indispensable pour des investissements de long terme sous la forme de partenariats publics-privés et associatifs trans- frontaliers. Cela exige un budget européen, une industrie financière européenne patiente, une stratégie industrielle reposant sur la coo- pération.

C. E. : La CECA fut créée de manière prag- matique, via les secteurs du charbon et l’acier, afin que la guerre ne se reproduise pas. Au- jourd’hui, nous parlons de secteurs industriels qui sont porteurs d’avenir, et du besoin d’établir un nouveau pacte industriel aligné avec le Green Deal. Pensez-vous que ce message pourrait être un vecteur d’espoir pour un projet politique européen ?

Ph. H. : Précisément, la CECA a consisté en l’organisation de solidarités industrielles pour des biens essentiels à la reconstruction et à la croissance d’après-guerre. Jean Monnet était un planificateur et non pas l’apôtre du marché commun. Celui-ci fut la revendication première de l’Allemagne, puissance industrielle en marche pour devenir un grand exportateur mondial. Comme les Britanniques, elle a toujours fait obstacle à une politique industrielle euro- péenne. Le Green Deal repose sur des obliga- tions et des incitations souvent incohérentes et peu efficaces. Un projet industriel écologique est indispensable pour régénérer l’habitat, l’emploi et la production sur les territoires de l’Union, et les adapter aux mutations climatiques,et non pas compter seulement sur des techno- logies miracles du futur pour décarboner l’éco- nomie. Il ne faut pas minorer les coûts, les risques et les sacrifices que cela implique, mais il faut vouloir les partager pour les réduire et valoriser systématiquement l’élévation des compétences et les solidarités. Il s’agit effectivement de bâtir des filières industrielles, des infrastructures et des réseaux d’information transeuropéens. La relance du nucléaire est de ce point de vue une bonne nouvelle, un atout majeur pour décarboner l’économie.

« jAMAIS L’ÉCART ENTRE LE CAPITAL ET LE TRAVAIL N’A ÉTÉ AUSSI GRAND QUAND, RÈGNENT LES GRANDES ENTREPRISES ET INVESTISSEURS GLOBAUX À QUI NOUS AVIONS CONFIÉ NOTRE SORT. »

C. E. : Au moment où l’UE cherche sa position sur la scène internationale, où nous tendons à nous focaliser sur un ensemble géopolitique concurrentiel et complexe qui prend la forme d’un patchwork, vous défendez l’idée que l’UE pourrait jouer un rôle de « passeur » dans les relations internationales : comment et avec quels moyens ? Pensez-vous que ce rôle serait accepté par les autres grandes puissances ?
Ph. H. : La vocation de l’Europe, c’est la paix que de grands hommes du passé ont voulu « perpétuelle », disons durable. Nous nous devons de ne pas perdre cela de vue, alors que les foyers de guerre sont multiples et interconnectés dans le monde actuel, et qu’il y a risque de guerre mondiale. Aussi, l’« autonomie stratégique » que nous souhaitons pour l’Europe n’implique pas simplement des moyens de défense, mais une vision positive pour la paix du monde. La guerre en Ukraine est un test à cet égard. Je refuse la maxime romaine belliqueuse « si tu veux la paix, pré- pare la guerre ». Car sans préparer une paix durable, on n’en finira jamais avec la guerre. Accueillir l’Ukraine et plusieurs pays des Balkans dans l’Union est un devoir, préparer la perspective d’une coopération et d’un accord de sécurité avec la Russie, aussi. Si, ici comme ailleurs, l’Union n’est pas capable d’être un médiateur dans les conflits, d’autres puissances s’en chargeront. Et adieu son autonomie. L’Europe est prise en étau dans la confrontation des grandes puissances, États-Unis et Chine. S’enfermer dans la logique du bloc occidental ne peut qu’aggraver sa situa- tion. Elle doit choisir un non-alignement et consolider son économie avec la volonté de répondre aux besoins immenses de coopéra- tion des populations du grand Sud, là où est la jeunesse du monde. Elle a très peu investi chez eux et, le ressentiment envers l’Occident est profond. Inverser la tendance, voilà une tâche vraiment « stratégique ».

Vers un nouvel âge de la démocratie en Europe

C. E. : Nous devons mettre en place des changements structurels profonds de nos so- ciétés, or ces changements impliquent des transitions qui ont un poids pour la population, d’autant plus en considérant les inégalités so- ciales et économiques, qui tendent à se creuser. Dans ce contexte, comment définir des biens etdesobjectifscommunsauniveaueuropéen? Ph. H. : Les biens communs sont la diversité – les Européens n’en manquent pas – il faut en faire richesse; c’est l’humanité à réconci- lier; c’est l’harmonie du rapport à la nature à redécouvrir. Concrètement, ceci exige que l’Union assume une coresponsabilité avec les États pour restaurer les biens publics et en bâtir des transnationaux dans tous les domaines, à commencer par l’éducation et la santé, l’énergie et l’alimentation…

C. E. : Et pensez-vous que le temps démo- cratique soit compatible avec l’urgence de l’action?


Ph. H. : Un projet politique véritable exige en effet de disposer d’une période assez stable et assez longue. Aujourd’hui, le sentiment d’accé- lération traduit surtout un doute sur nos capa- cités. L’Union n’est pas inactive, mais il faut bien évaluer les changements. Ainsi s’est-elle dotée d’une capacité d’emprunt, mais manque d’un budget. Elle accroît ses dépenses militaires par des voies nationales (allemande, ploniase…), mais pour quoi faire? Des règlements intéres- sants voient le jour pour le numérique, mais acquérir une maîtrise européenne pour le trai- tement et le partage des données reste une fiction. On nous dira que le verre est à moitié plein, mais ce serait ignorer que pour voir plus loin il y a un grand goulot d’étranglement : la gouvernance techno-juridique de l’Union. Entre parenthèses, passer au vote à la majorité quali- fiée n’aurait rien de salvateur. Je préconise lamultiplication des coopérations structurées permanentes entre États volontaires dans les domaines industriels de biens publics. Et la création d’une Autorité politique à vocation gouvernementale. Car ni la Commission ni le Conseil européen, toujours prêts à se donner des satisfecit, ne pourront s’autoréformer et devenir les « maître des horloges ».

« l’EUROPE DOIT CHOISIR UN NON-ALIGNEMENT ET CONSOLIDER SON ÉCONOMIE AVEC LA VOLONTÉ DE RÉPONDRE AUX BESOINS IMMENSES DE COOPÉRATION DES POPULATIONS DU GRAND SUD. LÀ OÙ EST LA JEUNESSE DU MONDE. »

C. E. : Vous revenez d’ailleurs sur l’histoire de la construction européenne au fil de votre ouvrage, et ce qui est frappant, c’est la notion de solidarité. Cette dernière a-t-elle encore un sens, et pourrait-elle faire l’objet d’une reconsidération afin de redevenir le socle du projet politique européen?

C. E. : Une dernière question… En, tant que fondateur de Confrontations Europe, vous abordez dans ce livre les raisons de la création de ce think tank (notamment pour que les différents points de vue et les conflits s’expriment de façon viable et constructive). Pensez-vous que les think tanks aient, à l’échelle européenne, leur juste place pour affirmer ce rôle clé de médiateur établissant des ponts entre des points de vue qui seraient à première vue irréconciliables ? Identifiez­ vous d’autres acteurs clés qui permettent de tisser ces liens entre les différents acteurs à l’échelle européenne ?

Ph. H. : Oui, la solidarité doit faire l’objet d’une reconsidération. Ni l’Allemagne ni la France n’en ont la culture et chacune la freine en pratique, sauf pour son intérêt propre. Quant au droit communautaire, il est juge et arbitre, à défaut d’une volonté politique de politiques communes. La solidarité implique une fraternité dans nos engagements. On pour- ra alors dépasser la gouvernance technocra- tique et bâtir une démocratie partenariale etplurinationale.

Ph. H. : La plupart des think tanks jouent un rôle d’experts auprès des institutions, mais ils ne sont pas des médiateurs entre celles-ci et les citoyens. Confrontations Europe a été fondé comme un mouvement de la société civile réunissant des acteurs publics et privés, des entreprises et des collectivités pour devenir un acteur collectif de la construction européenne. Il fait participer des citoyens par le dialogue, l’évaluation critique des politiques des institutions; il ouvre une perspective de refondation pour l’avenir. Je remercie Michel Derdevet et son équipe pour la pérennisation de cette association. Oui, nous voulons être un pont entre les différents points de vue, et nous œuvrons à un affectio societatis européen.

C. E. : Si vous deviez formulez un souhait pour les citoyens européens lors de la prochaine mandature du Parlement, quel serait-il ? 

Ph. H. : Je souhaite qu’ils soient plus engagés grâce à une revitalisation des mouvements associatifs. Plus exigeants envers leurs élus, ils doivent les appeler à dépasser leurs intérêts partisans pour servir le bien commun. Le prochain Parlement ne doit pas tourner à la foire d’empoigne, et pour endiguer les extrêmes, il faudrait un pacte constructif entre tous ceux qui veulent coopérer pour le renouveau de l’Union. Le Parlement ne doit pas seulementproduire des directives, mais contribuer à repenser l’idée de fédération.

Philippe Herzog
Un nouveau récit pour l’Europe
(Éd. ASCPE, Collection “Europe 21” 64 pages). Paru en février 2024.

Depuis des décennies, Philippe Herzog est animé par la volonté de faire de la culture européenne un enjeu politique. Nourri de multiples recherches et expériences, il y a consacré plusieurs essais. Celui que nous publions aujourd’hui enrichit les précédents en présentant une vision d’avenir
et des propositions originales à la veille des élections européennes de 2024.
« Il n’y a plus de projet d’Union politique, et le débat à ce sujet est au point mort », écrit-il. Il fait appel aux Européens pour le régénérer. Acquérir et partager une conscience historique est primordial.
Or les Européens se méconnaissent, et l’enseignement de l’histoire européenne est une peau de chagrin. Le choix est entre renoncement et rééducation. La volonté de participer à faire l’histoire avec des idéaux de paix perpétuelle et universelle redonnerait vigueur à l’Europe dans le monde actuel. Réconcilier en profondeur les nations européennes et l’Union est indispensable, et cela exige de transformer nos démocraties pour les rendre partenariales et plurinationales.
Utopie ? Toujours en quête de transcendance, Philippe Herzog conclut : « Quand l’Europe est
en risque de sombrer, le réalisme n’est-il pas de joindre l’audace à l’imagination ? »

Économiste et homme politique de renom, essayiste, Philippe Herzog, Polytechnicien
et Professeur des Universités, a été co-inventeur du premier modèle de prévisions économiques français. Après une longue expérience de dirigeant du Parti communiste français, il fonde Confrontations Europe avec Michel Rocard en 1992. Député européen de 1989 à 2004, puis Conseiller auprès de la Commission européenne, il est nommé Membre d’honneur de la Fondation Jean Monnet (à Paris et à Lausanne). Cofondateur du Cercle cinéphile Open World, Regards croisés avec sa compagne Claude Fischer Herzog, il œuvre à une politique de civilisation mondiale.

CONFRONTATION-EUROPE-138-210×297-WEB-76-81

ESSAY – « A new narrative for Europe », by Philippe Herzog

Philippe Herzog, former Member of Parliament European and Advisor by the Commission, President founder of Confrontations Europe

A NEW NARRATIVE FOR EUROPE

” A New Narrative for Europe” is a critical and engaged essay by Philippe Herzog, a project that could be summed up by the following declaration: “A European political project is not an obligation but a choice. I always fully embrace it, and that’s why I want to contribute today to the refoundation of our Union in a radically new context compared to its origins.” at a moment where we can acknowledge a point of no return and project ourselves to- wards the future, towards a consensual political project whose original purpose, as stated in the Treaties, is to create an ever closer solidarity among peoples.

The European project is a complex system, made up of multiple interactions. The process of European integration is both profoundly concrete in that it directly affects our daily lives and abstract, as it is the result of ideas, a diverse history, and narratives. Its materialization in the form of the European Communities and then the European Union is subject to a lack of definition. What will the EU become? We have the choice to ponder the meaning we want to give to the European project, and this is what Philippe Herzog invites us to realize here. Kundera speaks of

points of no return in human life and of modern people who cheats by seeking to ignore these moments. Yet, if we consider the European Union today and structural challenges for which we must find solutions, we may be at a moment where we can acknowledge a point of no return and project ourselves towards the future, towards a consensual political

project whose original purpose, as stated in the Treaties, is to create an ever closer solidarity among peoples.

Acquiring and sharing a historical consciousness

    Confrontations Europe: The European motto is “United in Diversity,” but you believe that the Union as an institution fails to bring together populations, notably due to the relegation of the role of culture and education. For you, there is a need today, on the contrary, to rethink European education and to become aware of the importance of culture as a corner- stone of the European political project. What would you propose today to promote, consolidate, regenerate, this common European consciousness? What are the obstacles?

    Philippe Herzog: The unity of Europeans in their diversity was a centuries-old task, and Europe first united through culture. However, in terms of political organization, it was fragmented into feudalities, states, rival, and bellicose empires. That is why the creation of an economic community, after the two world wars, was a remarkable innovation. But the idea of a federal political community is now lost sight of. European nations want to remain nations, and wanting to imitate the United States of America is a mistake; we need to federate differently. Currently, our nations wish to remain in the Union more out of interest than out of a desire to form a society together. This is not inevitable, but the failure of the teaching of European history is evidenced by the work of the Council of Europe. It is a renunciation that leads to national retreats and tensions between Europeans who do not recognize each other. And this hinders the

effort to acquire a common consciousness at a time when there is a great need for a new vision of the world.

    European humanism has lost its vitality; fears, dualisms, and indifference are taking hold. The deficiencies and biases in the education of leaders and in the public information space are significant handicaps. I call for a major effort in reeducation. This is not about reforming competencies in treaties or centralized decisions; I believe more in the proliferation of grassroots initiatives and associative experiments, as was done after the Second World War with movements like “People and Culture”. At Confrontations Europe, we have always aimed to build Europe from the ground up: winning the hearts of workers and the humiliated populations who vote for the National Rally, rooting awareness in localities, creating cross-border mobilities to share narratives and training.

Becoming a force FOR peace and cooperation

    C. E.: To become a force for peace and cooperation, it requires not only the will but also the means. In your book, you analyze the situation of the global economy, emphasizing the importance of a retrospective view on economic cycles in the history of capitalism, and a prospective view on long-term investments and means to create conditions for a sustainable and just recovery.

    A major problem you identify is the distribution of roles between the private and public sectors, as well as in the values we attribute to capital and labor: how to change the paradigm within the EU where that of free competition continues to dominate?

Ph. H.: Capitalism is an economic system that is constantly evolving, and some crises have a systemic nature that can only be addressed through profound structural transformations. This was the case after the Second World War, with the massive intervention of the state in the economy, and it remains the challenge today. However, we cannot simply replicate the solutions of the post-war boom years. States are c with social tasks and solidarity within nations, heavily indebted, and public service infrastructures have aged considerably. Meanwhile, the EU stifles cooperation and solidarity with its choice of intensified internal competition, and it does not fulfill its duty of long-term investments in the general interest. The gap between capital and labor has never been greater, with large corporations and global investors reigning supreme, to whom we have entrusted our fate. We must recreate public and social control of the economy, which will be based on complementarity between local, national, and European levels. Otherwise, the inefficiency of current management is glaring: over the past few decades, there has been a massive financial and monetary bloating in Europe (as in the United States), but human and productive underinvestment has been significant. A coordinated planning effort between states and The Union is indispensable for long-term investments in the form of cross-border public- private and associative partnerships. This requires a European budget, patient European financial industry, and an industrial strategy based on cooperation.

    C. E.: The ECSC was pragmatically created through the coal and steel sectors to prevent war from recurring. Today, we talk about industrial sectors that hold promise for the future and the need to establish a new industrial pact aligned with the Green Deal. Do you think this message could be a vector of hope for a European political project?

    Ph. H.: Precisely, the ECSC consisted of organizing industrial solidarities for essential goods in post-war reconstruction and growth. Jean Monnet was a planner, not an advocate of the common market. The common market was Germany’s primary demand, an industrial powerhouse striving to become a major global exporter. Like the British, it has always hindered

European industrial policy. The Green Deal relies on often inconsistent and ineffective obligations and incentives. An ecological industrial project is essential to regenerate habitat, employment, and production in the Union’s territories, and to adapt them to climate change, rather than relying solely on future miracle technologies to decarbonize the economy. We must not under- estimate the costs, risks, and the sacrifices it implies, but we must be willing to share them in order to reduce them and systematically value the development of skills and solidarity. This indeed involves building industrial sectors, trans-European infrastructures, and information networks. The revival of nuclear energy is, from

“NeVeR haS the GaP BetWeen CaPI?aL anD LaBOR Been SO GReat aS When LaRGe CORPORatIOnS anD GLOBaL InVeStORS, tO WhOm We have entRUSteD OUR Fate, ReIGn SUPReme.”

this perspective, good news, a major asset for decarbonizing the economy.

    C. E.: At a time when the EU is seeking its position on the international stage, when we tend to focus on a competitive and com- plex geopolitical landscape that takes the form of a patchwork, you argue that the EU could play a “bridging” role in international relations: how and with what means? Do you think this role would be accepted by other major powers?

    Ph. H.: The vocation of Europe is peace, which great men of the past have wanted to be “perpetual,” let us say durable. We must not lose sight of this while multiple and inter- connected war zones exist in today’s world, and there is a risk of world war. Also, the “strategic autonomy” that we desire for Europe does not simply involve defense means but a positive vision for world peace. The war in Ukraine is a test in this regard. I reject the bellicose Roman maxim “if you want peace, prepare for war.” Because without preparing for lasting peace, we will never end war. Welcoming Ukraine and several Balkan countries into the Union are a duty, as is preparing the prospect of cooperation and a security agreement with Russia as well. If, here as elsewhere, the Union is not capable of being a mediator in conflicts, other powers will take on that role.

And farewell to its autonomy. Europe is caught in the grip of the confrontation between major powers, the United States and China. Locking itself into the logic of the Western bloc can only worsen its situation. It must choose non- alignment and strengthen its economy with the will to meet the immense cooperation needs of the populations of the Global South, where the world’s youth resides. It has invested truly little there, and the resentment towards the West runs deep. Reversing this trend is a truly “strategic” task.

Towards a new era of democracy In Europe

    C. E.: We must implement profound structural changes in our societies, yet these changes involve transitions that weigh on the population, especially considering the social and economic inequalities that tend to widen. In this context, how do we define common goods and objectives at the European level? 

Ph. H.: Common goods include diversity – Europeans have plenty of it – we must turn it into wealth; it is humanity to be reconciled; it is the harmony of our relationship with nature to rediscover. Concretely, this requires the Union to assume co-responsibility with the states to restore public goods and build transnational ones in all areas, starting with education and healthcare, energy, and food…

    C. E.: And do you think democratic time is compatible with the urgency of action?

    Ph. H.: A true political project indeed requires a period that is stable and long enough. Today, the sense of acceleration mainly reflects doubts about our capabilities. The Union is not inactive, but changes must be carefully evaluated. Thus, it has acquired borrowing capacity but lacks a budget. It in- creases its military spending through national channels (German, Polish…), but for what purpose? Interesting regulations are emerging for the digital realm, but achieving European mastery for data processing and sharing remains a fiction. It may be said that the glass is half full, but it would ignore that to see further, there is a major bottleneck: the techno- legal governance of the Union. By the way, switching to qualified majority voting would not be a panacea. I advocate for the multiplication of permanent structured cooperations among willing states in the industrial domains of public goods. And the creation of a political authority with governmental functions. Because neither the Commission nor the European Council, always ready to pat themselves on the back, can self-reform and become the “masters of the clock.”

    C. E.: You revisit the history of European construction throughout your work, and what is striking is the notion of solidarity. Does it still have meaning, and could it be reconsidered to once again become the foundation of the European political project?

    Ph. H.: Yes, solidarity should be reconsidered. Neither Germany nor France has a culture of it, and each one practically hinders it, except for its own interest. As for community law, it acts as judge and arbiter in the absence of a political will for common policies. Solidarity implies

“EUROPe mUSt ChOOSe nOn-aLIGnmen? anD COnSOLIDate ItS eCOnOmY WIyh the DeteRmInatIOn tO aDDReSS the ImmenSe COOPeRatIOn neeDS OF the POPULatIOnS OF the GLOBaL SOUth, WheRe the WORLD’S YOUth ReSIDeS.”

fraternity in our commitments. We can then go beyond technocratic governance and build a partnership and multi-national democracy.

    C. E.: One last question, as the founder of Confrontations Europe, you address in this book the reasons for the creation of this think tank (notably to ensure that different view- points and conflicts are expressed in a viable and constructive manner). Do you think that think tanks have their rightful place at the European level to assert this key role as mediators establishing bridges between seemingly irreconcilable points of view? Do you identify other key actors who facilitate the weaving of these links between different stakeholders at the European level?

Ph. H.: Most think tanks play the role of experts to institutions, but they are not media- tors between them and citizens. Confrontations Europe was founded as a movement of civil society bringing together public and private actors, companies, and communities to be- come a collective actor in European construction. It involves citizens through dialogue, critically evaluating institutional policies, and opens up a perspective for future restructuring. I thank Michel Derdevet and his team for the

sustainability of this association. Yes, we want to be a bridge between different viewpoints, and we work towards a European sense of community.

    C. E.: If you were to formulate a wish for European citizens during the next term of Parliament, what would it be?

    Ph. H.: I wish for them to be more engaged through a revitalization of associative movements. More demanding of their elected representatives, they must call on them to transcend their partisan interests to serve the common good. The next Parliament should not turn into a brawl, and to stem extremism, there should be a constructive pact among all those who want to cooperate for the renewal of the Union. The Parliament should not only produce directives but also contribute to re- thinking the idea of federation. 

“I believe more in the multiplication of initiatives And associative experiments, as was done after the second world war.”

Philippe Herzog
A New Narrative for Europe
(Published by ASCPE, Collection “Europe 21” 64 pages). February 2024.

For decades, Philippe Herzog has been driven by the desire to make European culture a political issue. Nourished by multiple research and experiences, he has devoted several essays to this cause. The one we publish today enriches the previous ones by presenting a vision for the future and original proposals on the eve of the 2024 European elections. “There is no longer a project for political union, and the debate on this subject is at a standstill,” he writes. He calls on Europeans to regenerate it.

Acquiring and sharing a historical consciousness is paramount. However, Europeans are unfamiliar with each other, and the teaching of European history is dwindling. The choice is between resignation and reeducation. The will to participate in making history with ideals of perpetual and universal peace would rejuvenate Europe in today’s world. Deeply reconciling European nations and the Union is essential, requiring us to transform our democracies into partnership and multi-national ones. Utopia? Always in search of transcendence, Philippe Herzog concludes, “When Europe is at risk of sinking, isn’t realism about joining audacity with imagination?”

An esteemed economist, politician, and essayist, Philippe Herzog, a graduate of École Polytechnique and a university professor, co-invented the first French economic forecasting model. After a long tenure as a leader of the French Communist Party, he founded Confrontations Europe with Michel Rocard in 1992. A Member of the European Parliament from 1989 to 2004, then advisor to the European Commission, he was appointed an honorary member of the Jean Monnet Foundation (in Paris and Lausanne). As the co-founder of the Open World Film Circle, Crossed Looks with his partner Claude Fischer Herzog, he works on a policy of global civilization.

a-new-narrative-for-europe

Derniers articles

Articles liés

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici