Par Laurence Farreng
Députée européenne, Renew Europe, France. Membre de la Commission de la culture et de l’éducation
Html code here! Replace this with any non empty text and that's it.
En mars 2021, selon l’Eurostat, 17,1 % des Européens de moins de 25 ans étaient au chômage, contre 15 % en janvier 2020. Cette proportion, déjà bien trop élevée avant la crise sanitaire, est désormais intolérable. Elle risque de s’envoler encore avec les retombées économiques de la crise sanitaire, alors que nos jeunes diplômés, ceux que l’on nomme déjà la « génération Covid », voient leur insertion sur le marché du travail fortement entravée. Aux conditions d’études dégradées par la pandémie et à une année et demie sacrifiée, s’ajoutent un net recul des embauches et une situation de précarité pour beaucoup de ces jeunes qui ne peuvent pas encore prétendre aux aides réservées aux chômeurs.
Si la politique de l’emploi relève exclusivement de la compétence des États membres, l’Union européenne a un rôle majeur à jouer, au-delà des échanges de bonnes pratiques entre États. Entre aide financière de court terme et réponses de moyen et long terme, les outils et programmes ne manquent pas. Accompagner les jeunes sur le terrain, mais aussi et surtout les préparer aux métiers de demain, du numérique, de l’intelligence artificielle, du développement durable, et dans une approche coordonnée à l’échelle continentale, c’est là que se trouve la véritable plus-value européenne.
DES REPONSES FINANCIERES FACE A LA CRISE
Dès les premières semaines du confinement, l’Union européenne, par la voix de ses différentes institutions, a fourni des premières réponses à la crise via notamment les initiatives CRII et CRII +. Les jeunes n’ont pas été oubliés, puisque le budget 2020 de l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes (IEJ) a été abondé de plus de 28 millions d’euros en sus des 118 millions d’euros programmés. J’ai travaillé sur cette proposition, votée par le Parlement européen le 9 juin 2020, en tant que rapporteure pour mon groupe parlementaire. L’IEJ est un programme relativement nouveau de l’Union européenne qui vise à soutenir dans leur recherche d’emploi et de formation les jeunes qui ne travaillent pas et ne suivent ni études, ni formation (les jeunes dits NEET). C’est un soutien direct et ciblé mais qui, à lui seul, ne peut bien évidemment résoudre des situations difficiles.
L’IEJ s’inscrit dans la logique d’intervention du Fonds social européen (désormais FSE+), le programme créé dès 1957 pour soutenir les projets de création d’emploi, formation et reconversion professionnelle partout en Europe. Une attention particulière est portée à l’employabilité et les formations des jeunes, avec des projets soutenus comme les Écoles de la Seconde Chance ou encore des projets d’accompagnement des jeunes diplômés. La France bénéficiera de 6,7 milliards d’euros de FSE+ sur la période 2021-2027.
Outre ce programme pluriannuel, déjà fléché vers l’insertion et l’emploi, le grand plan de relance européen Next Generation EU, qui finance 40 milliards des 100 milliards d’euros du plan de relance français, devra nécessairement porter une attention particulière à la jeunesse. C’est en tout cas ce que nous avons demandé au Parlement européen, en février, dans une résolution sur la jeunesse en temps de Covid pour laquelle j’étais négociatrice pour mon groupe parlementaire: des mesures budgétaires et monétaires ambitieuses, des dispositifs de renforcement des compétences et de reconversion professionnelle adaptés, tout en assurant des emplois décents et de qualité. Ce texte a été voté à une large majorité, à l’exception notable des députés du Rassemblement National.
Nous avons été entendus. Lors du Sommet de Porto en mai 2021, les États membres ont affirmé leur volonté de soutenir la jeunesse, notamment en réaffirmant le potentiel de la Garantie Jeunesse qui a déjà bénéficié à près de 25 millions de jeunes européens de moins de trente ans depuis sa création en 2013.
DES REPONSES DE MOYEN ET LONG TERME
Pour faire baisser durablement le chômage, et a fortiori le chômage des jeunes, des aides financières et projets ponctuels ne peuvent en aucun cas être suffisants.
Il faut investir dans l’éducation, donner aux jeunes un socle de connaissances et de compétences solides, et adapter celles-ci aux métiers d’aujourd’hui et de demain. C’est sur ce point que l’Union européenne a son plus grand rôle à jouer, et c’est ce qu’a très justement réaffirmé la « Stratégie européenne pour les compétences », présentée en juillet 2020 par la Commission européenne.
À mon sens, le programme Erasmus+ est un pilier incontournable de la formation et de l’employabilité des jeunes en Europe, et bien plus qu’un simple programme d’échanges. Négociatrice du nouveau programme Erasmus+ pour la période 2021-2027, je suis persuadée à la fois du potentiel du programme en matière d’ouverture d’esprit, de confiance en soi et d’acquisition de compétences essentielles pour l’entrée sur le marché du travail. Ce nouveau programme sera réellement pour tous, élèves, étudiants, formateurs, enseignants… et apprentis. Cette dernière catégorie est clé. Nous le savons, l’apprentissage est un véritable sésame vers l’emploi. Or dans la majorité des États membres, ce cursus est encore sous-estimé, voire délaissé par les jeunes et leurs familles.
Permettre aux apprentis d’effectuer une mobilité longue de plus de trois mois dans un autre État membre, c’est à la fois améliorer l’attractivité de ces cursus, tout en permettant aux jeunes d’acquérir des compétences sociales et professionnelles qu’ils n’auraient pas nécessairement obtenues dans leur pays d’origine. Je pense notamment à tous les enjeux du développement durable dans le bâtiment, et par exemple à l’efficacité énergétique. C’est la clé et nous savons que certains pays disposent de formations plus poussées à ce sujet. Mais cela est évidemment vrai également pour le numérique, la robotique… Permettre aux jeunes de se former dans plusieurs pays est un véritable atout pour leur employabilité, tout comme pour notre souveraineté et compétitivité européennes.
Les obstacles et réticences restent encore grands, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des compétences acquises à l’étranger. Je suis persuadée que les Centres d’Excellence pour l’Apprentissage, ces alliances de centres d’apprentissages et d’entreprises en réseau européen, nouvellement créés par le programme Erasmus+ 2021-2027, seront des outils puissants pour répondre à ces problématiques.
Permettre à chaque jeune de s’instruire, se former, travailler où il le souhaite et où ses compétences sont requises, c’est la base de la stratégie d’avenir. Europass (le CV européen compréhensible partout en Europe) et Eures (plateforme des services de l’emploi européens) en sont déjà des outils très concrets, mais encore trop peu connus. Il nous reste à parachever l’Espace européen de l’éducation tout en construisant en parallèle l’Espace européen de l’apprentissage et des compétences, avec de vraies reconnaissances des compétences et diplômes, et pour cela parachever le processus de Copenhague, renforcé par la Déclaration d’Osnabrück de 2020, qui vise à l’harmonisation, ce qui a été réussi pour l’enseignement supérieur avec le processus de Bologne.
Agir de manière concertée sur des projets locaux et ciblés, tout en permettant aux jeunes de se déplacer pour se former et travailler, c’est la force unique de l’UE face au chômage des jeunes.