Carole ULMER
Directrice des études de Confrontations Europe
A la veille du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de Bratislava, c’est un certain scepticisme qui domine. Que peut-on en espérer, quelles seront les priorités retenues ?
Les citoyens en attendent avant tout des réalisations concrètes. La sécurité est une priorité majeure pour les Européens aujourd’hui à travers la défenses des frontières extérieures de l’UE, mais une coopération accrue dans la lutte contre le terrorisme. Construire une politique de défense au niveau européen constitue l’une des attentes des citoyens, selon les Eurobaromètres. Bien qu’il s’agisse d’un sujet de souveraineté nationale par excellence, les citoyens expriment leur volonté d’agir en commun pour faire face aux menaces et ennemis communs. Des pas intéressants sont franchis en ce sens. Si la France a longtemps porté seule ce flambeau, elle est aujourd’hui rejointe par d’autres Etats membres. Signal important : la position allemande sur ce sujet évolue dans le sens d’une plus grande coopération. Si l’on est encore loin d’une véritable Armée européenne, la constitution d’une capacité civile et militaire de conduite des opérations semble être se profiler.
Nous attendons également de ce Sommet qu’il prenne à bras le corps la question de la relance de la croissance, de la mise en oeuvre d’un nouveau mode de développement pour les Européens. Le « Plan Juncker » d’investissement pour l’Europe et sa prolongation seront au menu des discussions. Un doublement de ce Plan sera discuté. Mais sera-t-il question à Bratislava de mieux orienter ce Plan pour en faire un véritable Programme ? Allons-nous définir de véritables priorités politiques pour nos investissements en Europe ? Aujourd’hui, rappelons qu’il n’y pas de priorités politiques en terme d’investissements définis au niveau européen. C’est un système qui est demand-driven : les premiers qui déposent leurs dossiers sont servis. Si bien que les grands pays sont pour le moment les principaux bénéficiaires de ce Plan. Le Plan se retrouve donc à financer des autoroutes en Allemagne… Est-ce véritablement une priorité d’intérêt commun ? N’y a t-il pas d’autres ambitions que nous voudrions porter collectivement ?
Encourager l’investissement dans le capital humain, soutenir notre jeunesse, promouvoir des coopérations industrielles et technologiques, préparer la transition numérique et énergétique : ce sont autant de priorités qui parlent à une majorité d’Européens et qui sont indispensables pour nos économies dans le 21ème siècle. Il faut aligner nos ambitions européennes – c’est-à-dire nos besoins communs en termes de transition énergétique, de transformation numérique, de formation et d’investissement dans le capital humain – avec nos investissements.
D’autres sujets seront probablement évoqués telle que la politique de la jeunesse. Ces engagements communs sont impératifs.
Toutefois, initier des mesures d’ampleur ne suffit pas. Le référendum britannique a véritablement été un électrochoc à l’échelon européen. N’omettons pas de traiter un sujet majeur : le sous-jacent de cette crise est une crise identitaire. Qu’est-ce qu’être européen aujourd’hui ? On passe trop souvent par pertes et profits cette question des valeurs européennes…Pourtant, la question identitaire a été au cœur de la campagne sur le Brexit, tout comme elle est également une clé de lecture des récentes élections en Mecklembourg-Poméranie occidentale. Ne pas traiter ce sujet, c’est risquer de poursuivre dans la voie d’une Europe à marche forcée, qui donne l’impression aux citoyens qu’elle se fait sans eux.
Nous vous proposons de réécouter l’émission Carrefour de l’Europe de Radio France Internationale, sur le même sujet, diffusée dimanche 11 septembre avec :
– Franck ENGEL, député européen luxembourgeois PPE, en duplex de Bruxelles
– Jean-Dominique GIULIANI, président de l’Institut Robert Schuman
– Karima DELLI, députée européenne écologiste
– Carole ULMER, directrice des Etudes de Confrontations Europe.