Dette grecque : à chacun sa part

Carole ULMER

Directrice des études, Confrontations Europe

Une extension de 4 mois du programme d’assistance financière pour la Grèce a été approuvée le 24 février. Petit répit, mais le plus dur reste à faire. Syrisa doit donner corps à son programme de réformes. Les Grecs l’ont élu pour le changement mais ils ont vidé leurs comptes en banque à hauteur de 2 Mrd d’€ ! Leur désarroi est profond.
La solution serait-elle le Grexit ? V. Giscard d’Estaing l’estime nécessaire pour redresser l’économie grecque. Ce n’est pas ce que revendique Syrisa aujourd’hui, qui veut renégocier les termes de ses remboursements. Le Grexit ne pourrait être que brutal. Quelles en seraient les conséquences ? La Grèce ferait défaut et n’aurait plus accès aux marchés financiers. Très  dépendante des importations qui se renchériraient, elle serait contrainte de se renflouer auprès de la Chine ou de la Russie. Côté zone euro, certains estiment que la mise en place de nouvelles structures de gouvernance depuis 2012 réduirait les risques de contagion. Il n’empêche qu’une telle sortie serait un coup de tonnerre dans le  ciel de l’Union monétaire ! Parce qu’elle porterait un coup aux finances publiques des pays créditeurs. Parce qu’elle viendrait nourrir des tensions politiques partout dans l’UE entre partis au pouvoir et « outsiders ». Parce qu’elle fragiliserait les pays où de dures réformes ont eu lieu. Mais surtout parce qu’un Grexit viendrait confirmer que la participation à l’euro n’est pas irrévocable, fragilisant ainsi considérablement l’UEM en la réduisant à une zone de change avec un  peg rigide. L’idée qu’un euro ne vaut pas la même chose partout s’en verrait renforcée. Cette hypothèse n’est souhaitable pour personne.
Comment alors traiter la question de la  dette grecque ? Cette dernière s’élève à 321 Mrd d’€ soit 177% du PIB (dont 80% détenus par la zone euro et le FMI). Qui en est responsable ? Nombreux sont les économistes qui affirment une responsabilité partagée. Les Grecs ont élu les gouvernements successifs responsables de la déroute budgétaire. Depuis 2007, le pays a dépensé plus de 14% de son  PIB en excès par rapport à ce qu’il produisait ! Un excès d’endettement – public et privé – deux fois plus important qu’en Espagne. La responsabilité grecque est indéniable. Mais à chaque emprunteur écervelé correspond un prêteur écervelé. Les banques d’Europe du Nord ont fait d’énormes profits. Les prêts consentis par la zone euro et le FMI n’ont qu’en très infime partie servi aux grecs (intérêts de la dette pour 16%, activités du gouvernement grec pour 11%). Le reste a essentiellement servi à  rembourser  les créditeurs, autrement dit les banques « du Nord » ! Embarrassant.
Dès 2010, la question de la restructuration de la dette grecque s’est posée, elle a été empêchée par peur de la contagion au reste de la zone euro. Les Grecs ont-ils à payer pour ce délai ? Thomas Philippon, professeur au NY Stern School of Business, estime que non. D’après un savant calcul(1), il estime que 30% des 177% de la dette grecque sont imputables à la gestion collective de la crise, et devraient dès  lors être partagés. Certes, la Grèce bénéficie de conditions de prêts avantageuses. Toutefois, exiger  qu’elle atteigne un objectif d’excédent budgétaire primaire de 3% cette année, et de 4.5% en 2016 est très strict.
Chacun doit faire concessions et efforts. « La  zone  euro a intérêt à plier pour ne pas rompre »(2). Entendons le changement de cap souhaité par les Grecs, mais refusons le chantage. Encourageons une  restructuration responsable de la dette en diminuant le surplus primaire exigé et en combinant des extensions de maturités de dettes et de taux d’intérêt pour alléger la charge. Mais elle doit être assortie de réformes et de réorientations profondes de l’économie. Soutenons le nouveau gouvernement dans le développement des capacités de production grecques : c’est là que réside le véritable espoir pour  son peuple.

1 http://www.voxeu.org/article/fair-debt-relief-greece-new-calculations
2  Keneth Rogoff, « Quel plan B pour la Grèce ? » Les Echos, 27 février 2015

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