Par Maddy Gilbert, Secrétaire nationale chargée de la transition
vers un monde durable CFE-CGC
La COP30, qui se tiendra du 10 au 15 novembre 2025 à Belém, en plein cœur de l’Amazonie, marque un tournant symbolique crucial dans les discussions climatiques mondiales. En choisissant la ville de Belém, la présidence brésilienne place la protection des forêts tropicales et leur rôle central dans la lutte contre le réchauffement climatique. La forêt amazonienne, qui constitue l’un des plus grands réservoirs de carbone de la planète, est au bord d’un point de non-retour, avec des conséquences irréversibles non seulement pour la région, mais pour l’ensemble de la planète.
La COP30 : Une COP d’inclusion et de mise en œuvre
La présidence brésilienne a annoncé que la COP30 sera une COP d’inclusion et de mise en œuvre. Dans cette optique, la plateforme officielle Global Mutirão1 appelle à une mobilisation collective locale, afin d’unir et amplifier l’action climatique à l’échelle mondiale. Cette plateforme se base sur la connaissance collective et l’inspiration des communautés locales pour identifier et trouver des solutions climatiques adaptées aux contextes régionaux. Elle vise à montrer que l’action climatique est non seulement un enjeu global, mais également un défi profondément lié aux réalités sociales, économiques et culturelles de chaque territoire.
L’Amazonie, lorsqu’elle est intacte, joue plusieurs rôles clés : elle stocke du carbone dans la biomasse et les sols, elle est un puits de CO₂ et sa biodiversité renforce la résilience des puits de carbone et hydriques. En produisant de l’eau par évapotranspiration, elle génère des nuages et soutient les pluies régionales, contribuant ainsi à la stabilisation des régimes de pluie et à la prévention des sécheresses extrêmes. La déforestation, les feux et la dégradation des terres menacent cette fonction écologique essentielle. Cette COP30 sera l’occasion de réaffirmer l’importance de préserver cette ressource vitale et de mettre en lumière les co-bénéfices de la protection de l’Amazonie pour la santé, la sécurité alimentaire et le respect des droits des peuples autochtones.
Désormais, il est identifié que climat et biodiversité sont indissociables, on ne peut traiter l’un sans l’autre. Le rapport NEXUS de l’IPBES (décembre 2024) montre que les crises de la biodiversité, de l’eau, de l’alimentation, de la santé, du climat, de l’énergies’entrecroisent et que des politiques fondées sur les synergies offrent la meilleure voie. C’est l’idée que les grands systèmes sont interdépendants et qu’une politique efficace doit donc considérer plusieurs objectifs à la fois pour éviter de résoudre un problème tout en en aggravant un autre.
Le rôle de la COP30 dans l’action climatique mondiale
La COP30 représente aussi une étape importante dans la révision des contributions déterminées au niveau national (NDCs), un des instruments clés de l’Accord de Paris. Durant l’année 2025, chaque pays est censé publier une mise à jour de ses engagements climatiques pour la période après 2030. Ces contributions déterminées au niveau national (NDCs) doivent être renforcées pour garantir un alignement avec l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. L’objectif sera d’évaluer l’ambition de ces nouveaux engagements, tout en veillant à ce qu’ils soient mesurables, vérifiables et transparents.
Actuellement, les NDCs des pays sont largement insuffisantes pour atteindre cet objectif global. Selon le rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), les engagements actuels mèneraient à un réchauffement de +2,5°C à +2,9°C d’ici la fin du siècle, bien au-dessus du seuil de 1,5°C que l’Accord de Paris cherche à maintenir. Ainsi, le rehaussement des NDCsdevient une priorité absolue pour la COP30.
Le Brésil, en tant qu’hôte de cette COP, pourrait jouer un rôle moteur dans ce processus en annonçant un rehaussement significatif de ses propres ambitions climatiques. Cette démarche mettrait une pression supplémentaire sur d’autres pays émergents, comme l’Inde et l’Indonésie, pour qu’ils revoient leurs objectifs et s’engagent dans une réduction plus ambitieuse de leurs émissions. L’enjeu est de faire en sorte que tous les pays, y compris les plus grands pollueurs, participent activement à la réduction des émissions mondiales afin de respecter les engagements de l’Accord de Paris.
Le rehaussement des NDCs implique non seulement des engagements renforcés pour la réduction des émissions, mais aussi des plans clairs pour atteindre des objectifs de neutralité carbone, des plans d’adaptation aux impacts du changement climatique, et un calendrier précis pour la mise en œuvre. Le défi réside dans la capacité des pays à concilier ces objectifs ambitieux avec les réalités socio-économiques et les besoins de financement, en particulier pour les pays en développement.
Les négociations autour de ces NDCs à la COP30 devront donc être centrées sur la clarté des engagements, la mise en œuvre effective et la mobilisation des financements nécessaires, notamment pour les pays les plus vulnérables aux impacts du changement climatique. Ce sera également l’occasion de discuter de la transparence dans le suivi des progrès réalisés, et des mécanismes permettant de corriger les trajectoires si les objectifs ne sont pas atteints.
La finance climat : nouveaux objectifs à définir
L’Article 6 de l’Accord de Paris, qui régit les marchés du carbone internationaux, sera également un sujet majeur lors de la COP30. Après l’accord historique atteint à Bakou, des précisions seront nécessaires concernant les règles de fonctionnement des crédits carbone et leur utilisation dans le respect des engagements climatiques. Ce sera l’occasion de clarifier la manière dont les mécanismes de compensation carbone peuvent soutenir la transition tout en garantissant des pratiques transparentes et éthiques.
Un autre enjeu crucial de la COP30 sera la finance climat. Le cadre financier actuel des 100 milliards USD par an, qui n’a jamais été pleinement atteint, arrive à son terme. Un nouvel objectif pour le financement climatique devra être défini, potentiellement bien plus ambitieux, pour atteindre 500 à 1 000 milliards USD par an d’ici 2030. L’enjeu principal sera de mobiliser les fonds nécessaires pour soutenir les pays en développement, notamment pour les projets de transition énergétique et d’adaptation aux impacts climatiques.
Le fonds pour les pertes et dommages climatiques, acté à Charm el-Cheikh (COP27), devra devenir pleinement opérationnel. Ce fonds vise à soutenir les pays vulnérables confrontés à des pertes irréversibles en raison du changement climatique. Parallèlement, les discussions sur l’adaptation prendront de l’ampleur, en particulier pour soutenir les infrastructures résilientes, la gestion de l’eau et les systèmes de santé publique dans les régions les plus exposées aux effets du dérèglement climatique.
L’Union européenne et son défi climatique à la COP30
L’Union européenne, qui reste la seule région juridiquement contrainte par une trajectoire de neutralité carbone à 2050, doit réaffirmer son leadership à la COP30 avec son objectif de neutralité carbone en 2050.
Le 4 novembre, le Conseil de l’Environnement qui a réuni les 27 ministres européens en charge du climat a adopté le nouveau plan climat européen, confirmant l’ambition de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 90 % d’ici 2040, par rapport au niveau de 1990. Toutefois, le Conseil a introduit une marge de flexibilité en s’accordant la possibilité d’en externaliser 5 % par le biais de projets climatiques réalisés hors d’Europe. Si cette option facilite la mise en œuvre pour certains États membres, elle atténue néanmoins la portée réelle de l’engagement européen.
Ce texte s’inscrit au cœur de la trajectoire européenne vers la neutralité carbone, il reprend également la proposition danoise quifixe une étape intermédiaire à l’horizon 2035, avec une réduction comprise entre 66 et 72 % par rapport à 1990.
Toutefois, la mise en œuvre de ces objectifs se heurte aussi à des défis importants : compétitivité industrielle, acceptabilité sociale et coûts de transition.
À l’approche du grand rendez-vous climatique mondial de la COP30, l’Union européenne confirme malgré tout son rôle de pionnière en matière climatique.
La COP30 sera donc une occasion pour l’Union Européenne de renforcer son engagement, notamment en défendant un objectif de réduction ambitieux à l’échelle mondiale tout en offrant un modèle de transition qui équilibre réduction des émissions et croissance économique durable. Il faudra que l’Union Européenne continue de jouer un rôle moteur, en soutenant les pays en développement par une finance climat ambitieuse et en apportant des solutions adaptées aux réalités sociales et économiquesde chacun.
Enjeux à long terme : Réalignement avec les objectifs de l’Accord de Paris
À l’occasion du dixième anniversaire de la signature de l’Accord de Paris, la COP30 devra tirer un bilan des 10 années passées et faire le point sur les avancées et les retards dans l’atteinte de l’objectif de maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C, tout en poursuivant les efforts pour le limiter à 1,5°C. Alors que la science (notamment le GIEC) prédit une hausse de température de 1,5°C dès les années 2030 si les émissions ne sont pas drastiquement réduites, la COP30 aura un rôle crucial pour éviter un réchauffement supérieur à 2°C à moyen terme, avec des conséquences dramatiques pour la biodiversité et les sociétés humaines.
La COP30 de Belém, en Amazonie, incarne l’urgence climatique. Elle représente un moment clé pour réajuster les ambitions mondiales, mettre en œuvre les engagements pris à Paris, et donner une véritable impulsion à la transition énergétique et écologique à l’échelle mondiale. L’Union européenne, en particulier, doit saisir cette occasion pour renforcer son rôle de leader, tout en s’assurant que la transition vers la neutralité carbone se fait de manière juste, équitable et inclusive, pour un avenir commun plus durable.
1 Brasil launches global call for a ‘mutirão’ against climate change, 10 mars 2025












