Anne MACEY
Délégué générale, Confrontations Europe
L’Allemagne vient de décider de renforcer son contrôle des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques, tels que la défense et l’énergie. Pourquoi ? De quoi s’agit-il ?
Le Gouvernement allemand a approuvé mercredi un projet de loi permettant d’examiner et si besoin de bloquer tous les investissements dans les industries sensibles si une entreprise étrangère souhaite prendre une part même de 10% du capital (le seuil préalable était de 15%). Cela fait suite à plusieurs tentatives chinoises d’investissements stratégiques qu’a subies l’Allemagne -entre autres- sur les années récentes : par exemple, une pépite innovante dans la robotique avait été rachetée par des Chinois pour copier les technologies et accélérer le rattrapage. Une tentative de prise de participation chinoise sur l’un de ses principaux opérateurs de réseau d’électricité a en revanche été contrée cette année. Il s’agit typiquement d’ »infrastructures critiques » : l’énergie, les télécommunications, les médias, avec potentiellement un impact sur la « sécurité nationale » du pays.
Et l’Europe dans tout ça ?
Les Etats-Unis eux disposent déjà depuis fort longtemps d’un tel mécanisme de contrôle des investissements étrangers, et l’ont au fil du temps considérablement renforcé, La France en a un également. Mais c’est au niveau européen qu’il faut en développer un. La Commission européenne a d’ailleurs mis sur la table une proposition en ce sens. Car typiquement, les Chinois, mais aussi les Russes, les Turcs… n’hésitent pas dès qu’ils le peuvent à essayer de nous diviser entre Européens. Ils investissent d’abord là où l’Europe est faible et où elle n’investit pas assez, en Grèce par exemple avec le port du Pyrrhée passé sous contrôle chinois, dans les Balkans, en Hongrie, tracé de leurs nouvelles routes de la soie … ou même en Afrique. Il est donc impératif que les Européens s’accordent sur leurs intérêts stratégiques communs, les promeuvent et les défendent.
Il ne s’agit certes pas de nous fermer aux investisseurs étrangers. Ils nous apportent des capitaux et créent des emplois, et tant mieux si c’est chez nous plutôt qu’ailleurs. On a donc tout intérêt à être attractif, comme le revendique la campagne « Choose France » / « Choisir la France ». Mais l’Europe ne peut être naive, elle doit distinguer les investissements commerciaux des investissements à visée stratégiques. Elle doit aussi se doter d’une véritable politique industrielle européenne, mais ce sera pour une prochaine chronique sur RCF.