Thierry Langreney
Directeur général
de Pacifica, directeur général adjoint
de Crédit Agricole Assurances et président du
Groupement des Bancassureurs Dommages
Le nombre de catastrophes naturelles (ouragans, sécheresses…) est en augmentation régulière dans le monde. Mais, les dommages causés aux populations restent globalement sous assurés. Pour couvrir au mieux les risques climatiques, les assureurs s’appuient sur d’autres acteurs (réassureurs, investisseurs institutionnels) mais en appellent aussi à la solidarité publique internationale.
Dans les années 1980, 300 catastrophes naturelles majeures (tempêtes, inondations, mouvements de terrain, sécheresses…) étaient recensées chaque année en moyenne dans le monde. Depuis 2010, on déplore en moyenne 800 événements de ce type par an(1). Le coût de ces catastrophes a plus que doublé : 50 milliards de dollars par an en moyenne dans les années 1980, 110 milliards de dollars par an depuis 2000. Sans compter celui des vies humaines, inestimable.
En matière de prévention, certains pays, très exposés, ont mis en place des politiques très efficaces. Le Japon est sans conteste le champion du monde de la prévention des risques liés aux catastrophes naturelles. Et pour cause, 20 % des catastrophes qui surviennent au niveau mondial (séismes, tsunamis, typhons…) frappent le pays du Soleil-Levant. En 1896, un double tsunami a frappé la côte de Sanriku sur la côte Nord-Est du Japon : 83 % de la population de ce territoire a péri. En 2011, un tsunami a frappé sa côte Est, dont la centrale de Fukushima. La qualité des mesures de prévention a permis de ramener le taux de victimes à seulement 6% de la population du territoire touché.
Outre le Japon, la Nouvelle-Orléans en Louisiane, La Faute-sur-Mer en Vendée rappellent combien les villes côtières, qui concentrent sans cesse plus de population, sont de plus en plus exposées aux catastrophes naturelles. L’expérience montre que seules des politiques publiques exigeantes et disciplinées (normes de construction renforcées, infrastructures de protection adaptées – digues… – sensibilisation des populations) sont à même de produire des effets tangibles.
Seul un tiers des dommages indemnisés
L’homme reste pourtant très partiellement, assuré au niveau mondial. Selon Munich Re(2), seul un tiers des dommages subis par les populations est indemnisé par les assureurs. En Changement climatique : l’assurance au service de la solidarité. Le nombre de catastrophes naturelles (ouragans, sécheresses…) est en augmentation régulière dans le monde. Mais, les dommages causés aux populations restent globalement sous assurés. Pour couvrir au mieux les risques climatiques, les assureurs s’appuient sur d’autres acteurs (réassureurs, investisseurs institutionnels) mais en appellent aussi à la solidarité publique internationale. France, depuis 1982, l’assurance des catastrophes naturelles est obligatoire pour tous les contrats couvrant des dommages aux biens ou des pertes d’exploitation. La France présente de ce fait le meilleur taux de couverture d’Europe contre les événements naturels. L’assurance des récoltes sur pied, a fait, en France, l’objet d’une politique optionnelle avec droit à une subvention d’État de 65 % de la prime. Proposée depuis 2005, elle couvre une douzaine de périls (excès d’eau, sécheresse, gel…). Malgré cette incitation et l’encouragement des organisations professionnelles, le taux d’équipement des exploitations agricoles concernées n’est que de 30 %.
Nécessaire contribution de la communauté internationale
Il serait souhaitable et sans doute possible de développer partout dans le monde une couverture durable contre les événements climatiques. L’accès à la couverture contre les événements naturels peut être facilité par un adossement à d’autres assurances ou services. En Tanzanie, les petits exploitants agricoles achètent par SMS avec leurs semences une garantie de leurs récoltes contre les aléas domestiques !
Une saine gestion par l’assureur suppose une bonne modélisation du risque, et le transfert vers l’extérieur de ce qui excède la capacité d’absorption de ses fonds propres. Jusqu’au début des années 2000, ces excédents étaient essentiellement absorbés par les réassureurs dits traditionnels. Désormais, de nombreux investisseurs institutionnels absorbent à travers leurs CAT bonds (« obligation catastrophe »(3)), swaps (produits dérivés) et divers SPV (Special Purpose Vehicle(4)), ces risques diversifiables, en contrepartie d’un “yield pick up”. On estime aujourd’hui à 40 % la part de la réassurance financière dans la capacité mondiale.
Dans certains environnements et pour certains acteurs économiques (ménages, agriculteurs), le coût du risque naturel n’est pas supportable à court terme du fait de la faiblesse des revenus ou des infrastructures de prévention. La stratégie idéale de couverture obligatoire contre ce risque nécessite alors une politique nationale, voire internationale de subvention. Si le budget de l’État ne suffit pas, la communauté internationale doit apporter sa contribution.
Aider un pays à structurer et à financer une assurance obligatoire contre les catastrophes naturelles est un propulseur d’investissements. Et une extraordinaire voie d’aide au développement.
1) et 2) Cf. rapport de l’Association de Genève de juin 2013 “Warning of the Oceans and Implications for the (Re)insurance Industry”.
3) Obligation à haut rendement qui permet aux compagnies d’assurance et surtout de réassurance de faire supporter par des investisseurs une partie des risques liés à ces événements exceptionnels (tremblements de terre, ouragans…) et donc de réduire leurs risques.
4) Également connu sous le nom de Fonds Commun de créance.