Clotilde Warin
Rédactrice en chef, Confrontations Europe
Le référendum britannique sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne se tiendra vraisemblablement en 2016. Les dirigeants européens étudient les quatre exigences britanniques, présentées comme des conditions à leur maintien dans l’Union. Pour Confrontations Europe, qui a organisé un débat début janvier sur le Brexit, il s’agit de trouver un compromis dynamique qui permette de répondre aux souhaits de David Cameron tout en ne bradant pas les piliers de l’Union que sont la non-discrimination et la libre circulation.
« In » or « out » ? C’est le choix qu’auront à formuler les Britanniques lors du référendum que leur Premier ministre s’est engagé à organiser d’ici la fin 2017, mais plus vraisemblablement au mois de juin 2016 ou à l’automne de cette année. La date n’est pas encore connue. Mais les grandes manœuvres ont déjà commencé. Le Premier ministre britannique, David Cameron, a posé ses conditions dans une lettre adressée à Donald Tusk, le président du Conseil européen, le 10 novembre dernier. Très vite, dès le 17 décembre, les 27 dirigeants européens ont affiché leur volonté de parvenir à un accord d’ici février. Marcel Grignard, président de Confrontations Europe, a réaffirmé avec force la position du think tank : « Nous souhaitons que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Sa sortie ne simplifiera pas les problèmes de l’Union, elle augmentera les risques de désintégration en étant un carburant énorme pour les partisans du repli. Cependant les réponses à apporter ne peuvent sacrifier l’intérêt européen ».
La position britannique est claire et tranchée. David Cameron a rappelé, en novembre, les quatre réformes majeures qui devraient être engagées pour qu’il se lance en tête de la campagne du « oui » dans son pays. Le Premier ministre britannique exige que l’Union européenne mette plus l’accent sur la compétitivité du marché unique, ne fasse pas de discrimination entre les États non membres de la zone euro, dispense le Royaume-Uni d’adhérer au principe d’une Union toujours plus resserrée (« ever-closer Union ») et qu’un délai important d’accès aux prestations sociales soit imposé aux migrants européens sur leur sol. L’ambassadeur britannique, Sir Peter Ricketts, a tenu à souligner que « ces quatre volets de réforme sont dans l’intérêt de tous les pays européens, et que, dans cette négociation, le Royaume-Uni ne recherche aucun avantage comparatif ». Au Royaume-Uni, selon un sondage(1) de début janvier, le risque d’un vote pro-Brexit est plus que présent : 42 % des électeurs se disaient prêts à quitter l’Union, seuls 38 % étaient opposés au Brexit.
Deal politique sur la gouvernance économique
Au-delà de ces réactions de l’opinion publique parfois épidermiques et liées aux événements récents (crise des réfugiés, attentats terroristes, agressions à Cologne…), de vrais enjeux sont en débat. La demande britannique d’une plus forte compétitivité porte, il est vrai, sur des points « consensuels », selon l’ambassadeur britannique, Sir Peter Ricketts. Il s’agit d’opérer une simplification administrative, de créer un marché unique couvrant tous les secteurs en croissance, de poursuivre les démarches en faveur d’accords de libre-échange, tels le PTCI(2). Bien des progrès ont déjà été réalisés dans ce domaine, avec notamment le lancement du plan Juncker, la stratégie de marché numérique unique, etc.
Sur les questions de gouvernance économique c’est-à-dire sur l’articulation entre la zone euro et les pays qui sont en dehors de la zone euro, les Britanniques proposent, selon Sir Ricketts, un véritable « deal politique ». « Nous ne demandons pas de droit de veto sur les décisions qui concernent la zone euro, mais de la transparence », affirme l’ambassadeur. « Nous voulons éviter ce qui s’est passé l’an dernier, lorsque le fonds de stabilité, auquel nous contribuons, a été mis à contribution pour la Grèce sans la moindre consultation du Royaume-Uni. Si nos intérêts sont touchés, nous devons être consultés », ajoute-t-il. Là encore, une issue est envisageable.
Sur le troisième volet, celui de la souveraineté, Sir Peter Ricketts réaffirme la position britannique : « Nous souhaitons renforcer les pouvoirs des Parlements nationaux. Il ne s’agit pas d’un pouvoir de veto, mais d’une volonté de nous distancer de ce principe d’union toujours plus étroite. Nous ne nous voyons pas dans une Union fédérale ». Sur ce point, Michel Barnier a répondu sans mâcher ses mots : « Nous ne sommes pas en train de construire une Europe fédérale. Ce n’est pas le sujet. Le fonctionnement de l’Europe ne peut pas être simple. La complexité est aussi le prix à payer, pour être uni, sans être uniformes ». L’Europe ne représente pas l’uniformité, elle porte en elle la reconnaissance de ses différences. Le compromis semble en effet possible.
Le quatrième point, relatif celui-là à la libre circulation des travailleurs, demeure le plus controversée. Michel Barnier l’a rappelé : « Quand on parle de principe de non-discrimination, vous l’appliquez à la City, aux autres monnaies contre la zone euro mais pas aux travailleurs de l’Union européenne ». Or, pour l’ambassadeur britannique, les chiffres viennent conforter cette position qui heurte les valeurs européennes : « Depuis l’adhésion de la Pologne, nous faisons face à une arrivée massive de migrants européens, 300 000 par an alors qu’il n’y en a que 30 000 en France. Or, si les allocations sont trop généreuses, elles attirent ». D’où le « moratoire » de quatre ans avant tout versement de prestations sociales aux immigrants issus de l’UE venus travailler au Royaume-Uni. Cette exigence de David Cameron est jugée irrecevable par les dirigeants européens au nom justement de ce principe de libre circulation, érigé en pilier de l’Union.
La parole laissée aux partisans du repli
Au-delà de cette recherche d’un compromis dynamique sur les quatre conditions posées, une question demeure, celle du sens que nous souhaitons donner à l’Europe. Michel Barnier a même dénoncé la vision mercantile du Royaume-Uni : « L’Europe ne se résume pas à un supermarché ». Rien de pire que le silence qui entoure le questionnement sur le futur de l’Europe. Dans les débats nationaux, l’Europe semble être devenue un sujet tabou laissant de fait la parole aux partisans du repli. Comme l’a rappelé Michel Barnier, « Le débat n’est pas seulement britannique, il nous concerne aussi. Le futur Président français devra s’attaquer à cette question. Il n’est plus possible d’éviter de parler de la question européenne ». Ni à Paris, ni à Bruxelles, ni dans les autres capitales européennes.
Le temps presse. Les solutions existent si la volonté politique émerge. Un compromis dynamique, acceptable par tous, permettrait de donner plus de crédibilité à une Union européenne mise à mal par les multiples crises qu’elle traverse. Et de la remettre sur les rails. A contrario, une sortie du Royaume-Uni de l’Union serait la première marque d’une désagrégation du continent. L’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, s’est dit, fin janvier, inquiet des conséquences de l’éventualité de la victoire du « non » au référendum : « Si le Royaume-Uni vote pour sortir de l’Europe, l’Écosse votera pour sortir du Royaume-Uni ». La dislocation possible de l’Europe menace aussi l’intégrité de chaque État membre.
1) Étude d’opinion réalisée sur Internet par l’institut Survation les 14 et 15 janvier 2016.
2) Ou TTIP : Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement.