Michel GUILBAUD
Directeur général du MEDEF
Quelle conséquence aura le Brexit pour les entreprises françaises ? Difficile à dire alors que pour le moment, une seule certitude pointe dans ce dossier éminemment politique : la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne fixée au 29 mars 2019. Trois approches peuvent néanmoins être esquissées.
Pour beaucoup, le Brexit, qui occupe les jours et les nuits de nos homologues britanniques, n’est pas (encore) forcément au premier rang des préoccupations. Parce que le premier moment de sidération passé, la menace semble s’éloigner. Parce que la succession extraordinaire d’événements internationaux et nationaux a modifié la hiérarchie des urgences. Parce que personne ne sait ce qui va se passer sur un dossier inédit dont l’origine est purement politique et dont l’issue est tout autant politique, au détriment d’une approche raisonnée des grands enjeux économiques.
Le Medef, comme tous ses homologues européens, a soutenu le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne et regrette bien sûr le choix des Britanniques. Ceux-ci se sont exprimés souverainement et aujourd’hui ce processus est acté et doit être mené avec diligence, transparence en donnant le plus de visibilité possible aux acteurs économiques.
Par-dessus tout, l’ensemble des patronats européens travaille de manière solidaire pour défendre la consolidation du modèle européen, l’intégrité du marché intérieur, composé notamment de manière indissociable des quatre libertés de circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes, et de strictes conditions de concurrence équitable.
Éviter l’« effet falaise »
L’Union européenne devra définir les modalités de ses relations économiques et commerciales avec son voisin, dont la puissance économique reste majeure (voir encadré).
Mais, en ce début 2018, l’incertitude demeure totale. La raison n’est pas à chercher du côté des négociateurs européens. Michel Barnier conduit les débats avec diplomatie et fermeté, en privilégiant l’intérêt collectif des Européens. La difficulté tient au contexte politique britannique. Seule certitude, le Royaume-Uni quittera l’Union le 29 mars 2019.
Aussi, pour le Medef, la première urgence est de préparer toutes nos entreprises. Tous les scénarios sont possibles, y compris le pire, à savoir l’absence d’accord entre l’UE et le Royaume-Uni. À titre de précaution, nous demandons à chaque entreprise de mener un travail d’examen approfondi de ses enjeux avec le Royaume-Uni, pouvant aller jusqu’aux conséquences pratiques d’une fermeture des frontières et d’une rupture brutale. Dans le même temps, nous dialoguons avec nos homologues britanniques, avec respect et amitié mais fermeté, pour un futur accord. France et Royaume-Uni demeureront alliés et partenaires et la séparation ne signifie pas éloignement. Avant le Brexit, la priorité demeure l’intégrité du marché unique et la solidarité et l’unité des Européens.
C’est finalement le paradoxe positif de cette situation sans précédent. Le référendum britannique, les élections américaines, les tensions autour du bassin méditerranéen, et même les tentations séparatistes en Europe ont finalement fait comprendre l’importance cruciale de notre appartenance à l’Union et la nécessité de consolider et renforcer l’intégration européenne.
Les trois approches des entreprises françaises
Sans entrer dans une schématisation simpliste sur un sujet qui voit s’opposer des intérêts souvent antagonistes, il existe trois approches du Brexit par les entreprises françaises :
• Une très grande majorité d’entreprises n’est pas ou ne se sent pas concernée, soit qu’elles n’aient pas de lien avec le Royaume-Uni, soit qu’elles n’aient pas encore envisagé ce que pourraient être les conséquences d’un Brexit dans leur activité quotidienne.
• Les entreprises qui travaillent avec des clients, des fournisseurs, des partenaires britanniques en France ou au Royaume-Uni sont les plus préoccupées. Le Royaume-Uni représente notre premier excédent commercial, à 11 Mds d’euros. 3 300 entreprises françaises sont installées outre-Manche où vivent 400 000 Français et 12 millions de touristes britanniques passent chaque année dans notre pays. Il s’agit pour elles de limiter les dommages, en termes d’accès au marché, de procédures administratives, de droits de douane, de sécurité juridique, de chaîne de valeur. C’est-à-dire éviter « l’effet falaise » et préserver la qualité de notre relation future.
• Un bon nombre d’entreprises enfin s’inquiète des atteintes possibles aux conditions de la concurrence. Toute mise en cause du level playing field pourrait avoir des effets immédiats sur certains secteurs, en tout premier lieu le secteur bancaire, mais aussi dans nombre de secteurs qui s’interrogent sur l’équité de règles qui s’appliqueront de part et d’autre de la Manche et sur les modalités d’un accès du Royaume-Uni au marché unique. D’où une grande inquiétude sur ce que sera la période de transition, actée entre les chefs d’État, entre le 29 mars 2019 et l’entrée en vigueur du nouvel accord UE-Royaume-Uni. Inquiétude aussi sur les risques de divergences régimentaires ultérieures qui permettraient au Royaume-Uni d’acquérir des gains de compétitivité au détriment de nos propres entreprises. À quoi s’ajoute, la possibilité de voir les opérateurs britanniques se tourner vers de nouveaux fournisseurs hors UE.