Union de l’énergie : articuler une politique d’offre à la politique de la demande

Claude FISCHER

Directrice d’ASCPE les Entretiens Européens

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En comparant l’Union de l’énergie à la CECA, la Commission affiche une ambition en résonnance avec ce que nous avons nous-mêmes proposé. Mais le sens du nouveau projet appelle discussion d’autant plus que l’absence de vision globale le prive de cohérence. La CECA offrait une stratégie de conquête industrielle. Aujourd’hui, l’accent est mis trop unilatéralement sur la politique de réduction de la demande sans considérer le besoin d’une politique de l’offre et de la production qui permettrait à l’Union européenne de bâtir une nouvelle croissance et de consolider sa compétitivité globale.
Dans le contexte de crise et de tensions avec les pays producteurs, et notamment avec la Russie, la sécurité énergétique (re)devient un pilier essentiel. Pour limiter nos importations (53% de notre consommation) et notre facture de 400 milliards d’euros par an (avant la baisse du cours du pétrole), la Commission propose de mieux diversifier nos sources et routes d’approvisionnement, développer les échanges électriques entre les Etats membres, et négocier les accords avec les pays tiers aux côtés des Etats membres. Plus que vouloir mettre « fin à notre dépendance », ne faut-il pas chercher à mieux gérer les interdépendances complexes avec des pays producteurs et distributeurs qui pour la plupart vivent de leur rente ? Comment promouvoir le développement de nos exportations et créer de nouvelles relations commerciales en coopération avec ces pays qui ont besoin de diversifier leurs économies, ce qui nous permettrait de valoriser nos industries?
La Commission propose de bâtir un marché interconnecté pour permettre à chaque Etat membre d’exporter 10% de sa production électrique vers ses voisins. Il en résulterait selon elle une économie de 12 à 40 milliards d’euros par an pour les consommateurs, mais ceci exigera 40 milliards d’investissements pour réaliser 10% d’interconnexions. Mais on ne saurait ignorer que certains Etats membres sont loin de produire assez pour eux-mêmes et que la fragmentation du marché intérieur associée au soutien aux énergies renouvelables a créé des effets pervers : augmentation des prix et des coûts des réseaux, dépendance accrue au charbon au détriment du gaz et du nucléaire, sans parler de la déstabilisation des modèles économiques des grands groupes et de l’aggravation de la précarité énergétique. Ne serait-il pas plus judicieux de réfléchir aux incitations nécessaires pour obtenir de bien meilleurs rapports entre prix et investissements ?
Une telle stratégie exige un pacte de solidarité énergétique pour un marché intégré optimisant un parc de production électrique décarboné et diversifié pour un moindre coût. Alors que la stratégie du 3X20 a divisé les Européens au lieu d’avancer vers une solidarité, la Commission persiste dans la même logique en dépit des critiques : elle impose 3 nouveaux objectifs contraignants qui interagissent et contredisent la volonté de promouvoir la diversité des bouquets énergétiques nationaux et ne laissent pas de vrais choix aux Etats membres de leur mix énergétique. Quant à l’efficacité énergétique – un enjeu essentiel – elle est jusqu’à présent un échec faute de devenir une véritable politique industrielle qui permettrait, non seulement de réduire la consommation, mais de développer les usages dans l’habitat ou les transports.
Enfin, l’objectif climatique de réduire de 40% nos émissions de gaz en 2030 (60% en 2050) est justifié, mais il doit être rendu cohérent avec notre modèle de croissance et de compétitivité dans la concurrence mondiale. Une fiscalité adaptée, et pourquoi pas une banque centrale du carbone, devront accompagner une réforme du marché des quotas de carbone. C’est en clarifiant les enjeux économiques que nous pourrons entraîner les pays qui, comme la Chine ou les USA, sont devenus les plus gros pollueurs de la planète. Ceux-ci pourraient alors devenir des alliés dans la promotion de filières décarbonnées…

Cf. Le cahier publié par Confrontations Europe « L’énergie, hier pionnière la construction européenne, aujourd’hui moteur de sa reconstruction. Pour une stratégie énergétique climatique, compétitive et solidaire en 2030 », mai 2013. www.confrontations.org

Mettre le nucléaire au cœur de la bataille pour la compétitivité et le climat
 Le nucléaire  a vu sa part dans le mix électrique en Europe baisser de 4,9 points par rapport à 2002, passant de 32% à 26,7%. Un désengagement de l’Europe, au moment où le nucléaire repart dans le monde avec la construction de 72 réacteurs (contre 25 en 2004), créerait un handicap pour la filière à l’exportation, mais aussi pour la sûreté qui est un bien public mondial.
Or le nucléaire a besoin de contrats long terme qui nécessitent l’accord de la Commission. Après Mankala en Finlande, Exeltium en France, la Commission a accepté la réforme anglaise, le CfD (Contract for difference) : un signal fort donné aux pays qui comme la Pologne, s’interrogent sur la place du nucléaire dans leur mix en complément du charbon.
La décision de la Commission est remise en cause par l’Autriche et l’Allemagne qui veulent saisir la Cour de Justice… ce qui a provoqué la réaction de 8 Etats : dans une lettre ouverte à la Commission, ils demandent une reconnaissance de l’énergie nucléaire comme une énergie décarbonée.
La place du nucléaire dans le mix énergétique des Etats membres continue d’être taboue dans le débat public : certains veulent bâtir une coopération renforcée tandis que d’autres mènent la bataille pour l’empêcher. Il est urgent d’ouvrir ce débat dans le contexte où le GIEC affirme que les objectifs de réduction du réchauffement climatique ne sauraient être atteints sans le nucléaire…
 
Claude FISCHER

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