Un musée européen pour dépasser les perspectives nationales

Clotilde WARIN

Rédactrice en chef, Confrontations Europe, envoyée spéciale à Bruxelles

Trois adolescentes, avachies sur un lit à baldaquin, écoutent les différentes interprétations du conte de Cendrillon. Un autre, portable en main, découvre l’histoire du sport en Europe, en grimpant sur un vélo. À une table, à la nappe en vichy rouge, deux jeunes découvrent en cliquant sur des plats que la salade russe a été conçue par un chef… belge, Lucien Olivier, qui a emporté son secret dans sa tombe ou encore que le sucre en morceaux a été inventé par le Suisse Jacub Rad, en 1841, après que sa femme se fut entaillé le doigt en tentant de découper un pain de sucre… On pourrait se croire au showroom high-tech d’une marque de meubles, mais l’on vient de franchir la porte d’un musée. Ou plus spécifiquement celle de la Maison de l’Histoire européenne qui vient d’ouvrir en mai à Bruxelles. À cet étage, l’exposition temporaire décline un thème – terriblement d’actualité – celui de « l’échange ». En vrac, l’on se retrouve face à l’arbre généalogique des familles royales en Europe et des mariages transfrontières. L’on peut jouer avec des jeux qui viennent de loin : le yoyo, mentionné dans la Grèce antique, a été conçu en Chine, tout comme le puzzle, mais qui a été « revisité », vers 1760, par un cartographe britannique, John Spilsbury.
Pour Taja Vovk van Gaal, directrice de la Maison européenne de l’Histoire européenne, cette première exposition s’imposait tant l’Europe est avant tout « un continent de migrations ». Au sein de cette exposition très réussie, et aux autres étages du musée, l’interactivité prime : « Il était clair pour nous que, dans ce musée moderne, le visiteur devait se retrouver au centre ». Cette « Maison » immense, à six niveaux, permet de découvrir l’histoire récente de l’Europe, puisque sa collection permanente, tournée sur le xxe siècle, est organisée de façon à la fois chronologique et thématique autour d’événements majeurs comme la révolution industrielle, le colonialisme, le communisme… La tablette, guide indispensable de chaque visiteur, se décline en 24 langues !
Cette diversité linguistique est à l’image de la pluralité des nationalités de l’équipe de chercheurs qui en compte 17. Plus de 1 000 objets ont été collectés par l’équipe scientifique : les deux tiers ont été prêtés par des musées, un tiers d’entre eux ont été donnés par des collectionneurs. Du plus précieux – cartes géographiques ou Code Napoléon – au plus usuel – pin’s anti-nucléaire ou briques Tetra Pak… Le slogan d’ouverture du musée était « Change your perspective », confie la Slovène Taja Vovk Van Gaal, historienne et muséographe, « Différents événements peuvent être vus sous divers angles : Napoléon peut être considéré comme un libérateur mais aussi comme un oppresseur ». L’idée est de susciter un sursaut extra-national chez le visiteur, de donner à voir une histoire commune européenne. Comme le rappelle Julia Kristeva dans l’une des citations qui accompagne le visiteur tout au long de son parcours dans le musée : « L’Europe est le seul endroit au monde où l’identité n’est pas un culte mais une question ».

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