Quels sont les impacts du numérique sur la croissance et le salariat ?

Antoine FOUCHER

Directeur général adjoint du Medef, en charge des affaires sociales

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Le numérique implique-t-il une révolution du travail ? Signe-t-il la fin du salariat ? Le débat entre économistes est houleux. Peut-on vraiment parler de troisième révolution industrielle ?
Le numérique bouleverse nos façons de travailler, c’est entendu. Mais encore ? Quelle est la portée de ce changement ? Autant le discours ambiant charrie l’évidence d’une « révolution du travail » que porterait le numérique, autant les statistiques incitent à la prudence, du moins au questionnement : on a du mal, lorsqu’on se penche de près sur les chiffres ou qu’on examine les tendances de fond, à retrouver l’évidence de la perception commune. Il ne s’agit pas ici bien sûr de disséquer sous toutes ses coutures les rapports entre numérique et travail, mais de poser deux questions simples qui nous semblent fondamentales pour cerner l’ampleur de l’impact du numérique sur le travail : le numérique est-il une troisième révolution industrielle ? Le numérique porte-t-il en lui la fin du salariat ? La réponse à ces deux interrogations ne va pas de soi. Il convient de décrypter le phénomène, de l’accompagner, en refusant un statu quo illusoire et en ignorant les sirènes qui appelleraient à faire table rase du passé.
Nouvelle révolution industrielle ?
Le constat est maintenant bien établi : la révolution numérique est partout, sauf dans les statistiques de la productivité. Le débat mondial entre les économistes sur la question est loin d’être tranché(1). Les partisans de la « révolution » font valoir qu’il y a toujours un décalage entre une innovation technologique et le moment où les statistiques l’enregistrent. Certains vont même jusqu’à mettre en cause la manière de mesurer les gains de productivité, qui serait par construction incapable d’identifier la valeur créée par le numérique. Le camp de la prudence, lui, choisit une démarche opposée : en s’appuyant sur les chiffres, il ne cherche pas à expliquer pourquoi ils sont faux, mais pourquoi ils sont ce qu’ils sont. Impossible de comparer l’invention du moteur à explosion qui a débouché sur la construction de centaines de millions d’automobiles et celle d’Airbnb, qui n’a rien changé et ne changera rien au rythme de construction des logements dans le monde… Le débat est ouvert, mais les enjeux sont énormes : si, effectivement, le numérique n’est pas une troisième révolution industrielle et que les chiffres ne mentent pas, alors le ralentissement de la croissance dans les pays occidentaux est structurel. Se pose alors la question du travail sous un angle particulièrement douloureux : sans innovation technologique, pas de croissance forte, et sans croissance forte, comment lutter efficacement contre le chômage et/ou rendre possible la progression du niveau de vie par le travail ?
La fin programmée du salariat ?
Un récent et excellent article de Denis Pennel(2) présente de façon claire et exhaustive les arguments des penseurs de la société post- salariale. La fin de la continuité du statut, la relativisation de la notion de profession, la pluralisation des statuts et la fin de l’unicité de l’employeur seraient les quatre raisons qui expliqueraient une « décomposition » du modèle fordiste du salariat. Si les tendances décrites sont incontestables, il est pourtant prématuré, nous semble-t-il, d’en conclure à la fin programmée du salariat. Là aussi, la réalité objective fait de la résistance et prend la perception à contre- pied : en France, la part de l’emploi salarié dans l’emploi total est ainsi passé de 84 % en 1980 à 90 % en 2011(3). Difficile, avec de tels chiffres, d’étayer un diagnostic de fin du salariat : si des tendances souterraines travaillent en ce sens, le moins que l’on puisse dire est qu’elles tardent à produire un effet de masse.
Il ne convient pas pour autant de « résister » au numérique ou contrecarrer les nouvelles activités, emplois ou organisations du travail qu’il rend possible. Au contraire, il faut évidemment encourager ces nouvelles formes de création de richesse par un double mouvement : encadrement réglementaire facilitant leur développement dans des conditions de concurrence équitables et sécurisation des nouveaux travailleurs indépendants par la création d’un socle de droits universel et indépendant du statut.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : à ce jour, rien ne permet d’affirmer avec fermeté que le numérique est bien cette troisième révolution industrielle dont nous avons besoin pour croire à nouveau au progrès économique et social et renouer avec le rêve de la fin du salariat. Entre croissance, libération et numérique, l’équivalence est encore, malheureusement pour nous, loin d’être établie.

1. Cf. notamment Croissance zéro. Comment éviter le chaos ? Patrick Artus et Marie-Paule Virard, Fayard, 2015.
2. « Droit du travail. Comment penser la société post-salariale ? », Denis Pennel, Génération libre, septembre 2015.
3. Trente ans de vie économique et sociale. INSEE Références, 2014

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