Les pays européens : tous laïques, tous différents !

Bérengère MASSIGNON

Docteure en sociologie de l’Ecole pratique des Hautes Etudes (EPHE) et membre du GSRL (Groupe sociétés, religions, laïcités)

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Héritage de l’histoire, la diversité des modes de gestion des cultes est grande en Europe. Il possible d’en distinguer trois types. Le modèle de religion d’Etat se caractérise par des privilèges dévolus à la religion majoritaire (financement, reconnaissance symbolique) en échange d’une délégation de service public (tenue de l’état civil, action dans le domaine de la santé, du social, de l’éducation). Les règles d’organisation de la religion nationale sont votées par le Parlement. Le monarque ou le Président est chef de l’Eglise établie. Il s’agit de pays protestants comme l’Angleterre, l’Ecosse (mais pas le pays de Galles et l’Irlande du Nord) et les pays scandinaves (Danemark, Islande, Finlande, Suède jusqu’en 2000 et Norvège jusqu’en 2012, deux pays qui, à ces dates, ont adopté un régime de séparation). Les Eglises orthodoxes d’Europe sont des religions d’Etat dans l’esprit (Roumanie, Russie) et parfois dans la lettre de la constitution (Grèce, Bulgarie). Malte est le seul pays catholique européen à conserver une Eglise d’Etat.
Dans le système des cultes reconnus, l’Etat accorde des avantages à plusieurs religions à travers des accords bilatéraux. La plupart des pays européens catholiques ont choisi cette formule. Cas d’école, l’Allemagne bi-confessionnelle prélève un impôt d’Eglise, le Kirchensteuer. Les Eglises catholique et protestante gèrent des pans entiers de l’action publique, ce qui en font le deuxième employeur après l’Etat.
Enfin, il existe le régime de séparation dont la France est emblématique. L’article 2 de la loi de 1905 précise que « la République ne reconnait, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Formellement, Irlande et Portugal relèvent de ce modèle, mais le poids social de l’Eglise catholique y est encore grand.
Cependant, au-delà de leurs différences, les pays européens se reconnaissent dans les Droits de l’homme (et de la femme), valeurs non-négociables qui composent un pacte citoyen européen laïque. L’attentat de janvier 2015 contre Charlie Hebdo a mis en relief la liberté d’expression. Parmi les droits fondamentaux, il y a aussi la liberté de pensée, de conscience et de religion. Elle implique le droit de croire, de ne pas croire et de changer de religion ainsi que de pratiquer sa foi en privé et public, sous réserve de certaines limites prévues par la loi (cf. l’article 9 de la Déclaration européenne des droits de l’homme). Par opposition, en terre d’islam, quitter la religion musulmane est assimilé à l’apostasie, pénalement répréhensible, sauf dans la récente constitution tunisienne. Un autre principe commun est la disjonction entre citoyenneté et confessionnalité : tous les citoyens sont égaux devant la loi quelle que soit leur appartenance religieuse. Ceci contraste avec le statut discriminatoire de dhimmi (« protégés » en arabe) octroyé aux chrétiens et aux juifs dans l’Empire Ottoman. Dans le même esprit, les régimes de tolérance de l’Europe du XVIIe et XVIIIe siècle assuraient une certaine liberté religieuse aux minorités confessionnelles mais pas l’égalité politique. En Angleterre, les protestants non-anglicans ont dû attendre 1828 pour voter, les catholiques, 1829, les juifs, 1858 et enfin les athées, 1886 ! Dernier principe propre aux démocraties : la légitimité politique ne vient plus de Dieu (la royauté de droit divin), mais du peuple ; d’ailleurs le mot laïcité vient du grec laos, « le peuple sans les clercs », ce qui souligne le lien entre combat démocratique et valeurs laïques.

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Belgique : la laïcité traitée comme une religion
 En Belgique, sept religions bénéficient d’un statut de reconnaissance publique, ainsi qu’une fédération d’associations laïques, depuis 1970. Les mouvements laïques jouissent des mêmes avantages que les religions reconnues avec des conseillers moraux dans les prisons, les écoles, les hôpitaux et l’armée, à l’instar des aumôniers religieux ; ou avec des cours de morale laïque à l’école publique, offre qui complète les cours de religion. Cette situation découle de la pilarisation surtout effective au XIXe siècle : chaque pilier – catholique, laïque, socialiste… etc – organisait la vie de ses fidèles de la naissance à la mort à travers des rites de passages et via diverses institutions (mutuelle, associations de jeunesse, parti politique… etc.).
Ainsi, la laïcité belge n’est qu’une composante du pluralisme religieux, alors qu’en France, la laïcité est un principe commun à tous, religieux comme laïques. Le régime des cultes belge repose aussi sur la notion de libertés subsidiées : le financement de diverses religions, plus l’humanisme séculier, visent à assurer une égalité réelle entre religions alors que la République française ne salarie aucun culte ce qui n’assure qu’une égalité de principe.
Le modèle belge inspire les institutions européennes. L’article 17 du Traité de Lisbonne organise un dialogue « ouvert, transparent et régulier » avec les religions et organisations laïques et reconnait « leur identité et leur contribution spécifique ».
 
Bérengère MASSIGNON

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