En finir avec le temps de l’expectative

Martin KOOPMANN

Directeur exécutif de la Fondation Genshagen

Le vote britannique en faveur du Brexit a créé un vent de panique au Royaume-Uni comme dans le reste de l’Europe. Il est temps de tirer les leçons de la désaffection des citoyens vis-à-vis de l’Union européenne et d’aller de l’avant.

Le retour à la case départ en politique européenne est impossible. Après le Brexit, certaines voix laisseraient entendre que nous pourrions retrouver les débuts de la construction européenne pour enfin nous « libérer du monstrueux » qu’incarne l’Union européenne aujourd’hui, comme l’écrivait un euro-critique allemand après le vote britannique. Or, il n’y a pas de retour possible, mais la césure est profonde. Nous aurions dû être mieux préparés à ce 23 juin 2016 : les électeurs britanniques n’ont rien fait d’autre que pousser à l’extrême un processus de détachement croissant entre population et politique européenne, apparu dès 1992 lors des référendums en France et au Danemark sur le traité de Maastricht.

En cette période difficile, le temps n’est pas à l’argumentation fine et équilibrée, et les voix critiquant la construction européenne se font de plus en plus fortes. Cependant, les raisons de la décision britannique sont multiples, et ne sont qu’en partie « britanniques ». On peut mentionner la perte de confiance des citoyens dans leurs dirigeants politiques ; les peurs de la population face à un processus de mondialisation économique et politique de plus en plus puissant ; la présence et l’habileté d’enjôleurs aux discours politiques simplistes, dangereux et souvent xénophobes mais aussi l’incapacité de l’Union européenne à réagir de manière cohérente et rapide aux crises et conflits des dernières années. À chacun de juger de l’importance de chaque facteur dans son propre pays.

Ceux qui défendaient les succès et les acquis de la construction européenne, au Royaume-Uni comme ailleurs, semblaient ne pas oser prendre la parole à haute voix. La construction européenne est une histoire de succès sans précédent : elle garantit la paix entre ses États membres depuis plus d’un demi-siècle et elle est la condition sine qua non de la prospérité de nos sociétés et de la compétitivité de nos économies sur le marché mondial. En écrivant cela, on craint de prononcer des évidences ou des banalités, mais loin s’en faut.

Combler les déficits de l’Union

Seulement, ces vérités ne prennent toute leur valeur que lorsqu’on n’omet pas de souligner les échecs et les erreurs du passé. Et il y en a qui ont des répercussions profondes jusque dans le présent : l’instauration frileuse d’une monnaie unique sans édification d’une politique économique commune ; la suppression des frontières intérieures sans protection renforcée des frontières extérieures ; la légèreté avec laquelle les États ont choisi de ne pas appliquer les critères de convergences de la monnaie unique lorsqu’il leur était devenu impossible de les remplir. La construction européenne ne supporte pas le deux poids deux mesures, et l’Allemagne a dû le reconnaître en réclamant la solidarité de ses partenaires dans la crise migratoire.

Les Britanniques, qui n’ont jamais voulu intégrer entièrement l’Union européenne, en ont tiré les conséquences. Entre deux options problématiques, ils ont choisi la plus mauvaise. L’Union européenne doit maintenant agir vite. D’abord, le temps de l’expectative doit être fini : ceux qui partagent l’acquis de l’Union économique et monétaire et de l’espace Schengen doivent aller de l’avant et combler les déficits de ces secteurs cruciaux de l’intégration européenne. En deuxième lieu, la France et l’Allemagne ont l’obligation de surmonter enfin leurs divergences et de soumettre des propositions communes concrètes pour la géométrie de la future Union. Il faut rapidement reconstituer un noyau dur autour des six pays fondateurs. Enfin, troisièmement, la Pologne va être amenée à jouer un rôle important en Europe – et pourquoi pas, dans le cadre d’un Triangle de Weimar rénové. Le rêve du nouveau gouvernement à Varsovie de créer un « special relationship » avec le Royaume-Uni a été tué dans l’œuf. La politique de sécurité et de défense de l’Union pourrait s’en inspirer, la seule initiative du Triangle – en matière de défense – ayant échoué suite à l’objection de Londres. Les obstacles à chacun des trois points seront nombreux et importants mais les alternatives difficiles à trouver.

Le Brexit signe l’échec le plus grave de l’histoire de la construction européenne, celui de la création d’une Europe unie après la fin de la guerre froide. Le Royaume-Uni, avec toute sa puissance économique, son expérience et son réseau mondial ainsi que ses capacités en matière de défense, manquera à l’Union européenne. Cependant, s’il quitte l’Union européenne, il ne quitte pas l’Europe. Il sera donc dans l’intérêt de l’UE de tisser des liens forts par-dessus la Manche, une fois réglée la sortie du Royaume-Uni.

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